REJET des pourvois formés par :
- X... Jean-François,
- Y... Jean,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, 3e chambre, en date du 5 novembre 1998, qui, pour homicides involontaires, les a condamnés, chacun, à 6 mois d'emprisonnement avec sursis.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme pour partie qu'un incendie s'est déclaré, au début de la soirée du 10 octobre 1995, au premier étage d'un bâtiment de l'hôpital de Paimboeuf à usage de maison de retraite pour des personnes âgées et dépendantes, causant la mort de 3 d'entre elles par brûlures ou intoxication ; que le feu avait été provoqué par un pensionnaire, M. Z..., déficient mental, qui avait regagné sa chambre après le repas et y avait allumé une cigarette ; que le sinistre s'était ensuite rapidement étendu, la fumée empêchant les 3 membres du personnel présents, qui travaillaient tous au deuxième étage, de porter secours aux pensionnaires se trouvant à l'étage inférieur ; que l'établissement ne disposait ni du système d'alarme automatique par détection de fumée, ni des portes coupe-feu ou coupe-flamme que la commission compétente de sécurité avait prescrits en 1988, et de nouveau en 1992, les seuls travaux exécutés en 1993 ayant consisté à poser des portes qu'un procédé de blocage maintenait en position d'ouverture ;
Que Jean-François X..., directeur de l'hôpital au moment des faits, et Jean Y..., maire de Paimboeuf jusqu'au mois de juin 1995, et, en cette qualité, président du conseil d'administration de l'établissement, ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel pour homicides involontaires ;
En cet état ;
Sur le moyen unique de cassation, proposé pour Jean-François X... : (sans intérêt) ;
Sur le moyen unique de cassation, proposé pour Jean Y..., et pris de la violation des articles 319 du Code pénal abrogé, 121-3 et 221-6 du Code pénal, L. 2123-34 du Code général des collectivités territoriales, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Jean Y... coupable d'homicide involontaire, et l'a condamné de ce chef ;
" aux motifs que Jean Y..., en sa qualité de président du conseil d'administration du centre hospitalier de Paimboeuf et de maire de la commune titulaire de pouvoirs de police, a laissé sans réponse les lettres du sous-préfet des 3 novembre et 14 décembre 1992, lui rappelant la nécessité de faire exécuter les prescriptions de la commission de sécurité des 14 janvier 1988 et 17 septembre 1992, et lui demandant de fournir le détail des inscriptions budgétaires pour les travaux de sécurité ; que, si le budget prévisionnel de 1993 mentionne effectivement les travaux réalisés en exécution de la mise en demeure du sous-préfet, il ne vise pas le système de détection incendie, ce dont le maire aurait dû s'apercevoir à la suite d'un contrôle ; que le maire devait, en outre, provoquer une nouvelle visite de la commission de sécurité ; qu'il est ainsi établi que Jean Y... n'a pas, dans le cadre des pouvoirs qui lui étaient conférés, effectué les diligences normales au sens de l'article 121-3 du Code pénal ; que ces manquements ont contribué à la non-conformité au regard de la sécurité incendie du bâtiment sinistré et, par là même, ont eu un rôle causal dans le décès des victimes ;
" alors, d'une part, que, si le pouvoir de police du maire comprend la prévention des incendies et si cette mission s'étend aux établissement recevant du public, l'article R. 123-16 du Code de la construction et de l'habitation précise, pour les établissements publics, que la sécurité incendie sera assurée sous la responsabilité de fonctionnaires ou d'agents spécialement désignés ; que, dès lors, faute d'avoir été spécialement désigné, le maire n'avait aucun pouvoir dans le domaine de la sécurité incendie dans les établissements publics et ne pouvait être déclaré pénalement responsable du fait de prétendues carences dans ce domaine ; que l'arrêt attaqué a donc violé les articles 121-3 du Code pénal et L. 2123-34 du Code général des collectivités territoriales ;
" alors, d'autre part, et en tout état de cause, qu'en s'abstenant de rechercher si, au vu de la rédaction de l'article R. 123-16 du Code de la construction et de l'habitation, le maire n'avait pas accompli les diligences normales et suffisantes, compte tenu de ses pouvoirs qu'il pouvait légitimement estimer limités dans le domaine de la sécurité incendie dans les établissements publics, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 121-3 et L. 2123-34 du Code général des collectivités territoriales ;
" alors, de troisième part, que ne commet aucune faute de négligence le maire, président de droit du conseil d'administration d'un hôpital public qui, alerté par la commission de sécurité et le sous-préfet de la nécessité d'effectuer des travaux de sécurité incendie dans l'établissement, et informé par le directeur du centre hospitalier, à qui il avait transmis les courriers, que les travaux préconisés avaient été faits, n'effectue aucun contrôle supplémentaire ; qu'il s'ensuit qu'en imputant à faute à Jean Y... de ne pas avoir vérifié lui-même l'exécution de la totalité des travaux préconisés et de ne pas avoir saisi à nouveau la commission de sécurité, la cour d'appel a violé l'article 221-6 du Code pénal ;
" alors, de quatrième part, que le délit d'homicide involontaire suppose un lien certain de causalité entre la faute et le dommage ; qu'en déduisant, de la seule constatation de la non-conformité au regard de la sécurité incendie du bâtiment sinistré, l'existence d'un rôle causal entre les manquements en matière de sécurité imputés à Jean Y..., et les décès des victimes, sans relever des circonstances de fait caractérisant ce lien de causalité, la cour d'appel a instauré une présomption de responsabilité pénale et a violé les articles 121-3 et 221-6 du Code pénal ;
" alors, enfin, que le tribunal avait relaxé Jean Y..., au motif que le lien de causalité entre les manquements en matière de sécurité et le décès des victimes était incertain, dès lors qu'il était impossible d'affirmer que les 3 personnes s'étant trouvées au premier étage auraient pu survivre si l'établissement avait disposé d'un détecteur de fumée et d'un système de désenfumage, d'une part, parce que l'alerte avait été donnée très rapidement et que les secours étaient arrivés très vite, d'autre part, parce que la propagation de la fumée a été très rapide, enfin, parce que les 3 personnes du personnel présentes au second étage n'avaient eu, comme seule réaction, que la protection des personnes se trouvant avec elles ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ces motifs contraires du tribunal dont elle infirme la décision, la cour d'appel a violé les articles 221-6 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale " ;
Attendu que, pour retenir la culpabilité de Jean Y..., la juridiction du second degré énonce qu'il exerçait une double responsabilité, en tant que président du conseil d'administration de l'hôpital et en tant que maire, titulaire de pouvoirs de police, chargé notamment de la prévention des incendies dans les établissements recevant du public ;
Que les juges relèvent que le prévenu n'a pas effectué le contrôle minimum qui lui aurait permis de constater que les travaux prescrits par la commission de sécurité n'étaient pas réalisés, qu'il a négligé de répondre à deux courriers du sous-préfet, des 3 novembre et 14 novembre 1992, qui le mettaient en demeure de faire respecter les prescriptions de sécurité sous peine de fermeture de l'établissement et qu'il n'a pas sollicité une nouvelle visite de la commission après les travaux de 1993 ;
Que les juges en déduisent que Jean Y... n'a pas, dans le cadre des pouvoirs qui lui étaient conférés, effectué les diligences normales au sens de l'article 121-3 du Code pénal ;
Qu'ils ajoutent que ces manquements, en contribuant à la non-conformité du bâtiment sinistré aux règles de sécurité en matière d'incendie, ont eu un rôle causal dans le décès des victimes ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que la désignation d'un fonctionnaire ou agent en application de l'article R. 123-16 du Code de la construction et de l'habitation, à supposer qu'elle fût intervenue en l'espèce avant le sinistre, n'excluait pas la responsabilité du maire découlant de ses pouvoirs de police, la cour d'appel a caractérisé en tous leurs éléments les délits reprochés, tant au regard de l'article précité du Code pénal qu'au regard de l'article L. 2123-34 du Code général des collectivités territoriales ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.