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27/10/1999 | FRANCE | N°98-86017

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 27 octobre 1999, 98-86017


CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Pasqual,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier, chambre correctionnelle, en date du 13 mai 1998, qui, pour violences volontaires aggravées, faux et escroquerie, l'a condamné à 20 000 francs d'amende.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Pasqual X..., agissant faussement au nom du conseil général des Pyrénées-Orientales, a adressé au quotidien L'indépendant une télécopie demandant la parution d'un avis faisant part de ce que le préfet Bernard Y... était parti pou

r " d'autres horizons " et souhaitant " qu'il y trouve le repos éternel " ;
Qu'i...

CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Pasqual,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier, chambre correctionnelle, en date du 13 mai 1998, qui, pour violences volontaires aggravées, faux et escroquerie, l'a condamné à 20 000 francs d'amende.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Pasqual X..., agissant faussement au nom du conseil général des Pyrénées-Orientales, a adressé au quotidien L'indépendant une télécopie demandant la parution d'un avis faisant part de ce que le préfet Bernard Y... était parti pour " d'autres horizons " et souhaitant " qu'il y trouve le repos éternel " ;
Qu'il est poursuivi des chefs de violences volontaires sur personne dépositaire de l'autorité publique n'ayant pas entraîné d'incapacité de travail avec préméditation, faux et escroquerie ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-13 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Pasqual X... coupable du délit de violences avec préméditation sur une personne dépositaire de l'autorité publique ;
" aux motifs que constituent des violences tout acte qui sans aucun contact matériel est de nature à provoquer des atteintes à l'intégrité physique de la victime en raison de l'émotion qu'elle ressentira ; que le mobile demeure sans influence sur la réalisation de l'infraction, le délit étant constitué même lorsque l'action de violence a été le fait d'une plaisanterie ; qu'il appartient à la juridiction saisie d'apprécier souverainement si le comportement du prévenu a été de nature à impressionner vivement la victime et à provoquer en elle un choc ou un trouble psychologique ; qu'il convient, en l'espèce, de retenir que le préfet Bernard Y... qui était en poste dans les Pyrénées-Orientales venait d'être nommé peu avant les faits, dans un lourd climat, en Corse, en remplacement du représentant de l'Etat, assassiné quelques jours auparavant ; qu'il apparaît incontestable que souhaiter le repos éternel dans son nouveau poste à un haut fonctionnaire qui remplace un prédécesseur assassiné ne peut qu'impressionner celui auquel ce souhait s'adresse, surtout lorsque, comme dans la présente espèce, l'avis ayant été publié, le prévenu a incité, par des fax envoyés en Espagne mais aussi et surtout à deux journaux Corses, à lire cet avis ; qu'il n'est pas justifié d'une incapacité totale de travail ; qu'ainsi, le délit de violences avec préméditation sur personne dépositaire de l'autorité publique visé à la poursuite est constitué sans qu'il soit utile de procéder à tout autre acte d'information complémentaire, la préméditation étant caractérisée par les manoeuvres accomplies pour obtenir la publication démontrant le dessein formé d'aboutir aux faits reprochés ;
" alors que l'infraction de violences volontaires n'est constituée, en l'absence de contact matériel avec le corps de la victime, que pour autant que les agissements du prévenu ont causé à celle-ci une atteinte à son intégrité physique ou provoqué chez elle un choc émotif ; que, dès lors, en se bornant à relever que le faire-part de décès litigieux ne pouvait qu'impressionner la personne qu'il concernait, sans constater ni que Bernard Y... en avait eu effectivement connaissance ni, a fortiori, que sa lecture l'aurait impressionné au point de porter atteinte à son intégrité physique ou de provoquer en lui un choc psychologique, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'élément matériel du délit reproché et a privé sa décision de base légale au regard des textes visés au moyen " ;
Vu l'article 593 du Code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que, pour déclarer Pasqual X... coupable de violences volontaires aggravées, les juges se bornent à énoncer que la parution de l'avis de décès n'a pu qu'impressionner la victime et provoquer en elle un choc ou un trouble psychologique ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans rechercher si la victime avait eu connaissance de cet avis et si elle avait effectivement subi une atteinte à son intégrité physique ou psychique, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Que, dès lors, la cassation est encourue ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 441-1 du Code pénal, 1134 du Code civil, 591 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Pasqual X... coupable du délit de faux par altération de la vérité sur l'origine et la qualité du demandeur de la publication incriminée ;
" aux motifs que la demande avait pour effet d'établir la preuve d'un fait ayant des conséquences juridiques ; que si le délit de faux matériellement constitué implique nécessairement l'existence d'un préjudice actuel ou simplement éventuel, il est établi par la procédure que l'éventualité d'un préjudice pour le conseil général des Pyrénées-Orientales, qui s'était constitué partie civile pour obtenir réparation, est caractérisé, puisque l'avis en cause le désignait comme étant celui qui avait donné l'ordre, par une association interposée et inexistante, de passer cet avis dans la rubrique " obsèques " et qui devrait en régler le coût ; que cet organisme pouvait de ce fait voir sa responsabilité engagée du chef de diffusion de fausses nouvelles, le conseil général des Pyrénées-Orientales étant par ailleurs bien désigné comme victime dans la citation qui reproche à l'auteur des faits d'avoir altéré la vérité sur l'origine et la qualité du demandeur de la publication notamment en prenant le nom de " l'Hôtel du Département " ou " Conseil Général " ; qu'ainsi le délit de faux également visé à la poursuite est bien établi, l'élément intentionnel de cette infraction étant par ailleurs caractérisé par le souci de faire endosser par un tiers la responsabilité de l'écrit fallacieux et de tenter d'échapper ainsi aux recherches ;
" 1° alors que l'altération frauduleuse de la vérité ne constitue le délit de faux que si elle porte sur un document valant titre, c'est-à-dire pouvant servir de base à l'exercice d'un droit ou d'une action ; qu'un faire-part de décès publié dans la rubrique nécrologique d'un journal ne saurait, faute d'avoir aucune valeur probatoire, constituer un titre ; que dès lors l'élément matériel de l'infraction reprochée n'était pas réalisé ; qu'en déclarant le contraire, la cour d'appel a violé par fausse application les textes visés au moyen ;
" 2° alors que l'altération frauduleuse de la vérité ne constitue le délit de faux que si elle est de nature à causer un préjudice ; qu'en l'espèce il ressort de l'avis de décès litigieux que la facture devait être adressée à l'association Mutuelle Catalane ; que dès lors le Conseil Général ne pouvait en aucun cas être considéré comme étant le demandeur de la publication incriminée et comme devant, par suite, en régler le coût ; qu'en déclarant le contraire, la cour d'appel a dénaturé le document litigieux et violé les textes visés au moyen " ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 313-1 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Pasqual X... coupable du délit d'escroquerie ;
" aux motifs adoptés des premiers juges que les faits d'escroquerie sont bien établis à l'encontre de Pasqual X..., l'usage du faux nom " Hôtel du Département " ayant contribué à déterminer les sociétés l'Indépendant et Le Midi Libre à faire paraître l'avis incriminé ;
" et aux motifs propres que, par l'usage de faux noms " L'Hôtel du Département " ou " Conseil Général ", Pasqual X... a trompé la SA L'Indépendant du Midi, propriétaire du journal L'Indépendant du Midi et a ainsi déterminé cette société, à son préjudice ou au préjudice d'un tiers, à faire paraître dans la rubrique des avis d'obsèques l'avis incriminé et à fournir ainsi un service ;
" 1° alors, d'une part, que le faux nom s'entend soit d'un faux patronyme soit d'un faux prénom ou d'un faux pseudonyme s'il en résulte un risque de confusion ; que l'en-tête " Hôtel du Département " et la référence au " Conseil Général " dans l'adresse où devait être envoyée la facture du faire-part, ne peuvent s'analyser en l'usage d'un faux nom ; d'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé par fausse application les textes visés au moyen ;
" 2° alors, d'autre part, que le préjudice est un élément constitutif de l'escroquerie ; qu'en déclarant l'infraction établie sans préciser la nature du préjudice qui résulterait des agissements du prévenu, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'infraction en tous ses éléments constitutifs et a privé sa décision de base légale au regard des textes visés au moyen " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu l'article 593 du Code de procédure pénale ;
Attendu que le juge répressif ne peut prononcer une peine sans avoir relevé tous les éléments constitutifs de l'infraction qu'il réprime ;
Attendu que, pour déclarer Pasqual X... coupable de faux et d'escroquerie par usage de faux nom, la cour d'appel se détermine par les motifs repris aux moyens ;
Mais attendu qu'en l'état de ces seules énonciations, alors que le document retenu ne constitue pas un titre et alors que le faux nom s'entend d'un faux nom patronymique ou d'un faux pseudonyme, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
Que, dès lors, la cassation est de nouveau encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Montpellier, en date du 13 mai 1998, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Toulouse.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 98-86017
Date de la décision : 27/10/1999
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

FAUX - Altération de la vérité - Condition - Ecrit ayant pour objet ou pour effet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques - Définition - Télécopie adressée à un organe de presse en vue de faire paraître un avis (non).

Ne constitue pas un écrit entrant dans les prévisions de l'article 441-1 du Code pénal une télécopie adressée à un quotidien en vue de faire paraître un avis. .


Références :

Code pénal 441-1

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier (chambre correctionnelle), 13 mai 1998


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 27 oct. 1999, pourvoi n°98-86017, Bull. crim. criminel 1999 N° 235 p. 735
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1999 N° 235 p. 735

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gomez
Avocat général : Avocat général : M. de Gouttes.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Schumacher.
Avocat(s) : Avocat : la SCP Gatineau.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:98.86017
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