CASSATION PARTIELLE sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- X... Mireille, épouse Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 13e chambre, en date du 2 septembre 1998, qui, pour complicité de vente en liquidation et en soldes sans autorisation, l'a condamnée à 50 000 francs d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 112-1 du nouveau Code pénal, des articles 28 à 31 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996, de l'article 15 du décret n° 96-1037 du 16 décembre 1996, de l'article 1er et de l'article 2 de la loi du 30 décembre 1906 sur les ventes à déballage, de l'article 2 du décret n° 62-1463 du 26 novembre 1966, de l'article L. 121-15 du Code de la consommation, des articles 485, 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que la décision attaquée a déclaré la demanderesse coupable de complicité de délit de vente de marchandises sous la forme de soldes et de publicité pour cette vente soumise à autorisation et n'ayant pas obtenu l'autorisation requise ;
" aux motifs que, le 18 décembre 1995, les agents de la direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes, effectuant un contrôle de la réalité de l'opération commerciale effectuée par la SARL Jannely qui exploite un commerce de bijouterie, 1, boulevard de Magenta, à Paris auraient constaté que les vitrines du magasin étaient recouvertes de calicots faisant apparaître les mentions suivantes accompagnées d'une liste d'exemples de prix de vente selon le procédé du double marquage : " Jannely fête son 23e anniversaire et le départ à la retraite de son fondateur, entrez découvrir nos prix exceptionnels, des prix exceptionnels 23e anniversaire, opération conçue par organisateur expert, vente promotionnelle, 06400 Cannes " ; que de nombreux prospectus avaient par ailleurs été distribués dans les boîtes aux lettres et étaient à la disposition de la clientèle, ainsi libellés : à partir du jeudi 14 décembre 1995, pour fêter son 23e anniversaire et le départ à la retraite de son fondateur, la bijouterie-horlogerie Jannely procédera à une vente exceptionnelle de bijoux et montres de qualité à de petits prix à partir du jeudi 14 décembre 1995 jusqu'au samedi 13 janvier 1996 des prix exceptionnels des prix cassés cause retraite des prix cassés pour son 23e anniversaire et la retraite de son fondateur, venez profiter des prix exceptionnels démarqués, offre valable dans la limite des stocks disponibles au premier jour de la vente ; que cette opération commerciale présentait un caractère occasionnel : départ à la retraite du gérant anniversaire, était accompagnée de publicité et tendait à la liquidation de tout ou partie d'un stock de marchandises ni défraîchies ni démodées puisqu'il était précisé qu'elle portait sur des articles de qualité ; il s'agissait donc d'une vente en liquidation qui nécessitait une autorisation spécifique du préfet de police et qui avait été refusée à deux reprises ;
" alors, d'une part, que ne constituent des soldes au sens de la loi du 30 décembre 1906 et du décret n° 62-1463 du 26 novembre 1962 que les ventes présentant un caractère occasionnel, accompagnées ou précédées de publicité, annoncées comme tendant à l'écoulement accéléré de tout ou partie d'un stock de marchandises ; que la décision attaquée n'est pas légalement justifiée en tant que, pour établir qu'on se trouvait en présence d'une opération tendant à l'écoulement accéléré de tout ou partie du stock des marchandises elle affirme qu'il en est ainsi car on se trouvait en présence d'une opération accompagnée d'une publicité puisqu'il s'agissait d'une opération portant sur des marchandises ni défraîchies ni démodées mais portant sur des articles de qualité ; que du fait qu'il s'agisse d'une opération portant sur des marchandises ni défraîchies ni démodées ne se déduit pas nécessairement qu'il s'agisse d'une opération de liquidation ; qu'en toute hypothèse le fait que les prix exceptionnels soient consentis dans la limite des stocks disponibles au premier jour de la vente n'implique nullement une liquidation volontaire et accélérée d'une partie du stock mais la simple volonté de limiter l'opération promotionnelle ; qu'en tout cas la décision attaquée n'est pas justifiée ;
" alors, d'autre part, que la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 ne soumettant plus les ventes en solde à autorisation spéciale doit être immédiatement appliquée aux faits commis avant son entrée en vigueur et non définitivement jugés, de telle sorte que la décision attaquée ne pouvait considérer que l'infraction commise par Elie Z... et dont la demanderesse avait été déclarée complice était constituée au regard de la loi du 30 décembre 1906 et de son décret d'application, qui n'était plus applicable, et sur laquelle les juges du fond ne pouvaient donc se fonder pour entrer en condamnation ;
" alors, enfin, qu'il est interdit aux juges du fond d'ajouter des infractions non comprises dans le titre de poursuites ; que la demanderesse avait été citée devant le tribunal de grande instance pour y répondre de la prévention de s'être rendue complice d'une vente de marchandises neuves sous forme de soldes constituant une liquidation sans autorisation ; que les juges du fond ne pouvaient donc la déclarer coupable d'une publicité portant sur une opération commerciale soumise à autorisation au titre de la loi du 30 décembre 1906, infraction prévue et réprimée par l'article L. 121-15 du Code de la consommation, dans son texte alors en vigueur, le délit prévu et réprimé par l'article L. 121-15 du Code de la consommation n'étant pas compris dans le titre de prévention " ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'article 2 de la loi du 30 décembre 1906, des articles 59 et 60 de l'ancien Code pénal, de l'article 2 du Code de procédure pénale, de l'article L. 411-11 du Code du travail, des articles 485, 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que la décision attaquée a déclaré la chambre syndicale des horlogers-bijoutiers joailliers orfèvres de Paris et la région parisienne et la fédération nationale des horlogers, bijoutiers, joailliers, orfèvres de France recevables en leur constitution de partie civile et a condamné Mireille X..., épouse Y..., à verser à chaque partie civile la somme de 10 000 francs à titre de dommages-intérêts ;
" au seul motif que les parties civiles sont recevables en leur constitution et qu'il sera fait droit à leur demande dans les limites fixées au dispositif ;
" alors, d'une part, que seules les personnes ayant subi un préjudice prenant directement sa source dans le délit sont recevables à se constituer partie civile ; que la décision attaquée n'indique pas quel préjudice les parties civiles auraient subi ;
" alors, d'autre part, que si les syndicats professionnels au nom de la profession qu'ils représentent exercent les droits reconnus à la partie civile quand les faits déférés au juge portent un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession, les juges du fond doivent caractériser ce préjudice, qu'en l'espèce actuelle, si la chambre syndicale des horlogers, bijoutiers, joailliers, orfèvres de Paris et de la région parisienne est un syndicat, la décision attaquée ne précise pas en quoi les faits constitutifs du délit ont pu causer un préjudice à l'ensemble des horlogers, bijoutiers, joailliers, orfèvres de Paris et la région parisienne " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte du jugement et de l'arrêt attaqué que, du 14 décembre 1995 au 13 janvier 1996, Elie Z..., gérant de la société Jannely exploitant une bijouterie, a procédé, avec le concours d'une société dirigée par Mireille X..., épouse Y..., à une vente exceptionnelle de bijoux et montres à " prix cassés ", cette opération étant présentée par la publicité comme motivée notamment par le départ à la retraite du gérant ;
Qu'Elie Z... a été poursuivi pour vente de marchandises neuves en soldes et en liquidation sans autorisation, et Mireille Y... pour complicité de ces délits ;
Attendu que, pour en déclarer Mireille Y... coupable et la condamner à des réparations civiles, l'arrêt, après avoir constaté qu'elle a organisé la vente malgré le refus de l'autorisation administrative demandée à deux reprises par Elie Z..., retient que cette opération, accompagnée d'une publicité, présentait un caractère occasionnel et qu'elle tendait à l'écoulement accéléré de tout ou partie d'un stock de marchandises ; que les juges ajoutent qu'" il s'agissait d'une vente en liquidation, différente des soldes saisonniers " ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations procédant d'une appréciation souveraine, et dès lors que, d'une part, les liquidations restent soumises à autorisation en application de l'article 26 de la loi du 5 juillet 1996, et que, d'autre part, les soldes pratiqués en dehors des périodes fixées par arrêté préfectoral entrent tout à la fois dans les prévisions de l'article 28 de ladite loi et dans celles des 3 derniers alinéas de l'article 1er de la loi du 30 décembre 1906 abrogée, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que les moyens, inopérants en ce qu'ils critiquent un motif surabondant relatif à la publicité de l'opération commerciale, doivent être écartés ;
Mais sur le moyen relevé d'office, pris de la violation de l'article 112-1 du Code pénal :
Vu ledit article ;
Attendu que, selon le deuxième alinéa de ce texte, seules peuvent être prononcées les peines légalement applicables à la date à laquelle les faits ont été commis ;
Attendu qu'après avoir déclaré Mireille Y... coupable de complicité de ventes illicites en soldes et en liquidation, l'arrêt attaqué l'a condamnée à 50 000 francs d'amende ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi une peine excédant le maximum prévu par l'article 2 de la loi du 30 décembre 1906 applicable à la date des faits poursuivis, la cour d'appel a méconnu les texte et principe ci-dessus rappelés ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; qu'elle sera limitée à la peine, dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure et aura lieu sans renvoi, la Cour de Cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en ses seules dispositions relatives à la peine, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 2 septembre 1998, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
CONDAMNE Mireille X..., épouse Y..., à la peine de 25 000 francs d'amende ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.