CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X..., partie civile,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Versailles, en date du 17 septembre 1997, qui, dans la procédure suivie contre personne non dénommée du chef de diffamation publique, a déclaré irrecevable sa constitution de partie civile.
LA COUR,
Vu l'article 575, alinéa 2.2°, du Code de procédure pénale ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 23 de la loi du 29 juillet 1881, 575, alinéa 2. 1°, 85, 86, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance par laquelle le juge d'instruction a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de X... ;
" aux motifs que la diffusion d'une lettre circulaire sous pli fermé aux seuls membres d'un groupement de personnes liées par une communauté d'intérêts ne constitue pas une distribution publique au sens de l'article 23 de la loi du 29 juillet 1881 ; qu'en l'espèce, il résulte des termes de la plainte initiale et des pièces qui y étaient jointes, et notamment de la pièce n° 1 versée à la procédure à la cote D 4, que le document litigieux a été distribué sous enveloppe dans les boîtes aux lettres des locataires de l'OPHLM de Clichy-la-Garenne ; qu'il n'est pas allégué que le document litigieux ait été adressé à des personnes n'étant pas locataires de l'OPHLM de Clichy ; qu'une communauté d'intérêt lie les différents locataires de l'OPHLM de Clichy... ; que l'élément de publicité faisant défaut, les faits, à les supposer établis, ne peuvent constituer, comme l'a justement analysé le premier juge, que la contravention de diffamation ou injure non publique... ; que l'article 85 du Code de procédure pénale, qui autorise les victimes de crimes ou de délits à mettre en mouvement l'action publique en déposant plainte avec constitution de partie civile, exclut de son champ d'application les contraventions " ;
" alors que, d'une part, le juge d'instruction, saisi d'une plainte avec constitution de partie civile, de faits dénoncés comme constituant un délit ne peut, par le seul examen abstrait de l'inculpation visée par le plaignant, se prononcer sans instruction préalable sur le caractère délictuel ou contraventionnel de ces faits, et décider que ceux-ci ne constituent qu'une contravention, pour laquelle la constitution de partie civile est irrecevable ; qu'une telle décision, bien que qualifiée d'ordonnance d'irrecevabilité, équivaut à un refus d'informer en dehors des cas limitativement prévus ; que l'arrêt attaqué ne pouvait, par un seul examen abstrait de la plainte, en déduire que, faute de publicité, les faits dénoncés comme constituant le délit de diffamation envers un citoyen chargé d'un service ou d'un mandat public, ne constituaient qu'une contravention rendant la plainte de la partie civile irrecevable, seule une information pouvait permettre de vérifier si le document diffamatoire avait été distribué uniquement et sous enveloppe fermée aux seules personnes concernées et n'avait pas été distribué sous une autre forme à d'autres personnes ; que la Cour de Cassation n'étant pas mise en mesure d'exercer son contrôle sur la publicité ou l'absence de publicité de ce document, d'où il suit que la chambre d'accusation a méconnu les textes susvisés ;
" et alors, d'autre part, et en tout état de cause, que l'élément de publicité est caractérisé par la distribution d'une lettre circulaire même sous pli fermé à des tiers, à un groupement et non aux seuls membres du groupement, tels les locataires d'un organisme HLM qui sont des tiers au conseil d'administration de cet organisme, même s'ils sont intéressés par ses décisions ou son mode de fonctionnement, et que la distribution, en dehors des membres du conseil d'administration, dénotait une évidente volonté de publicité de la part de son auteur ; qu'en décidant le contraire, l'arrêt attaqué a violé l'article 23 de la loi du 29 juillet 1881 " ;
Vu l'article 85 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'aux termes de l'article 85 du Code de procédure pénale, toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit peut, en portant plainte, se constituer partie civile devant le juge d'instruction compétent ;
Attendu que X... a porté plainte avec constitution de partie civile du chef de diffamation publique envers un citoyen chargé d'un service ou d'un mandat public, en dénonçant la distribution, dans les boîtes aux lettres des locataires de l'Office Public d'Habitation à Loyer Modéré de Clichy-la-Garenne, d'un document, contenant des imputations diffamatoires à son égard, en sa qualité de membre du conseil d'administration de l'Office Public d'Habitation à Loyer Modéré de Clichy ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable cette constitution de partie civile, la chambre d'accusation énonce que les faits dénoncés ne pouvaient constituer que la contravention de diffamation non publique aux motifs que le document litigieux a été déposé sous pli fermé aux membres d'un groupement de personnes liées par une communauté d'intérêts et qu'il n'est pas allégué que ce document ait été adressé à des personnes n'étant pas locataires de l'Office Public d'Habitation à Loyer Modéré de Clichy-la-Garenne ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans rechercher si les propriétaires s'étaient réunis en groupement ou en association de défense de leurs intérêts communs, la chambre d'accusation n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Que le juge d'instruction, saisi, en application de l'article 85 du Code de procédure pénale, par une personne qui, se prétendant victime d'un délit, entendait se constituer partie civile, ne pouvait, par le seul examen abstrait de l'inculpation visée par le plaignant se prononcer, sans instruction préalable, sur le caractère délictuel ou contraventionnel desdits faits, décider, comme il l'a fait, qu'ils ne constituaient qu'une contravention, et, par voie de conséquence, déclarer la constitution de partie civile irrecevable par application de l'article 85 précité ;
Que, d'ailleurs, la décision du juge d'instruction, encore qu'elle ait été qualifiée d'ordonnance d'irrecevabilité, équivalait à un refus d'informer en dehors des cas limitativement prévus par l'article 86 du même Code ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Versailles, en date du 17 septembre 1997, et pour qu'il soit jugé à nouveau, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Orléans.