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30/06/1999 | FRANCE | N°98-86791

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 30 juin 1999, 98-86791


CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt n° 2 de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, en date du 5 octobre 1998, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants et contrebande, a rejeté sa demande d'annulation de pièces de la procédure.
LA COUR,
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, du 11 janvier 1999, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 66 de la Constitution

du 4 octobre 1958, des articles 60 et 323 du Code des douanes, 53 et 593 du C...

CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt n° 2 de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, en date du 5 octobre 1998, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants et contrebande, a rejeté sa demande d'annulation de pièces de la procédure.
LA COUR,
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, du 11 janvier 1999, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 66 de la Constitution du 4 octobre 1958, des articles 60 et 323 du Code des douanes, 53 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que la chambre d'accusation a refusé d'annuler la procédure douanière et la procédure subséquente ;
" aux motifs qu'aux termes de l'article 323-3 du Code des douanes, les agents qui constatent une infraction douanière ont, au cas de flagrant délit, le pouvoir de placer les prévenus en rétention douanière ; qu'en l'espèce, après avoir subi, sur le fondement de l'article 60 du Code des douanes, une visite de ses bagages, X... a été soumis, après l'avoir accepté spontanément, à un test EMIT qui s'est révélé positif ; qu'un agent des Douanes l'ayant informé qu'il désirait faire procéder sur sa personne à des examens médicaux de dépistage, il a exprimé son refus ; qu'à ces indices s'ajoutaient l'aveu, constaté dans un procès-verbal faisant foi jusqu'à inscription de faux selon l'article 336 du Code des douanes, que l'intéressé consommait des produits stupéfiants et le fait qu'il arrivait sur le territoire français par un vol en provenance de Bogota (Colombie), d'où arrivent des personnes, porteurs de produits stupéfiants dans des bagages où in corpore, selon une filière connue des agents des Douanes ; qu'ainsi, ces derniers avaient caractérisé des indices sérieux laissant présumer que X... transportait des produits stupéfiants dissimulés dans son organisme ; que le recueil de ces indices objectifs leur permettait d'induire la commission actuelle du délit d'importation frauduleuse de marchandises prohibées prévu à l'article 414 du Code des Douanes et, dans le cadre de ce flagrant délit douanier, de mettre en oeuvre la procédure prévue à l'article 60 bis du Code des douanes qui, impliquant nécessairement une détention, impose de placer en rétention douanière celui qui en est l'objet ;
" qu'ils devaient dès lors, placer l'intéressé en rétention douanière non seulement pour l'exécution des examens médicaux légalement prévus, mais encore pour les autres investigations de cette enquête de flagrant délit ; que c'est donc à tort que les agents de constatation ont omis de le faire, alors qu'ils en avaient, à ces fins, le pouvoir et même le devoir à raison de leurs constatations et des actes dont ils entreprenaient l'exécution ; qu'ainsi, pour regrettable que soit l'erreur commise par les agents des Douanes compétents, la détention subie par le requérant n'en apparaît pas moins justifiée tant par les dispositions de l'article 323-3 précitées, que par celles de l'article 5, paragraphe 1 c, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, dans la mesure où ces agents n'ont pas excédé les pouvoirs à eux conférés par la loi, notamment eu égard à la durée effective, de 6 heures 30, de la rétention douanière subie par le requérant ;
" alors que les juges auxquels il est demandé d'apprécier la régularité d'une détention d'une personne repérée par les agents des Douanes dans le cadre d'une visite douanière, ne sauraient la justifier en substituant leurs propres déductions aux constatations initiales des agents des Douanes qui n'avaient pas considéré être en présence d'un flagrant délit ; qu'en l'espèce, il résulte des pièces de la procédure que dans le cadre d'une visite douanière, X... a été retenu pendant plusieurs heures contre son gré ; qu'en affirmant, pour justifier cette détention arbitraire, que les agents des Douanes auraient dû, en l'espèce, agir en flagrant délit et placer X... en retenue douanière, la chambre d'accusation n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Attendu que, le 4 février 1998, à 10 h 15, X... a été interpellé, à l'aéroport de Roissy, par les agents des Douanes, et soumis à un test EMIT, qui s'est révélé positif ; que, devant son refus de subir tout autre examen clinique ou radiologique, les agents des Douanes ont avisé le délégué du président du tribunal de grande instance, lequel, en application de l'article 60 bis du Code des douanes, a rendu, à 13 heures, une ordonnance enjoignant à X... de se soumettre à une visite médicale, mesure à laquelle l'intéressé s'est opposé ; qu'à 15 h 20, il a été remis au service de l'immigration, dont les agents, officiers de police judiciaire, l'ont placé en garde à vue à compter de 10 heures ; qu'à l'issue de cette garde à vue, il a été mis en examen pour infractions à la législation sur les stupéfiants et contrebande ;
Attendu que, pour rejeter la demande d'annulation de la rétention intervenue entre 10 h 15 et 13 heures, la chambre d'accusation relève que les agents des Douanes avaient recueilli des indices objectifs leur permettant de mettre en oeuvre la procédure prévue à l'article 60 bis du Code des douanes, qui, implique de mettre en rétention douanière celui qui en est l'objet ;
Attendu qu'en l'état de ces seules énonciations, les juges ont justifié leur décision sans encourir le grief allégué, dès lors que la mise en oeuvre de l'article 60 bis du Code des douanes, qui n'est pas subordonnée à la constatation d'un flagrant délit, permet une rétention de la personne soupçonnée pendant la durée nécessaire à son déroulement ;
Qu'ainsi le moyen ne peut être accueilli ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'article 5, paragraphe 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 323 du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que la chambre d'accusation a refusé d'annuler la procédure douanière et la procédure subséquente ;
" aux motifs que pour l'application de l'article 5, paragraphe 2 de la Convention, qui n'impose aucune forme particulière, il suffit que soient communiquées à la personne détenue les raisons juridiques et factuelles de sa privation de liberté ; qu'en l'espèce, il ressort du dossier de la procédure que X... a reçu, après qu'a été enregistré formellement son refus de l'examen médical, une information verbale et écrite tant sur l'ordonnance prise par le délégué du président du tribunal de grande instance de Bobigny, que sur les conséquences de son refus de se soumettre à l'examen sollicité ; qu'ultérieurement, avant d'être remis à 15 h 20, sur instructions du procureur de la République compétent, au service de la Direction du contrôle de l'immigration, il lui a été donné lecture et copie d'un procès-verbal de constat dont les mentions, comme le rappelle justement le requérant dans son mémoire, font foi jusqu'à inscription de faux, conformément aux dispositions de l'article 336 du Code des douanes ; qu'ensuite un officier de police judiciaire lui a notifié, à 16 h 45, son placement en garde à vue et les droits y afférents ; qu'eu égard aux particularités de l'espèce, on ne saurait considérer ces délais d'information comme incompatibles avec les contraintes de temps qu'impose la promptitude exigée par l'article 5, paragraphe 2 de la Convention précitée ; que, si par suite de l'erreur susindiquée, les douaniers n'ont pas fourni une information similaire sur le premier délit flagrant d'importation de marchandises prohibées qu'ils auraient dû constater formellement, une telle erreur n'a pas porté aux droits du requérant une atteinte susceptible d'entacher la rétention douanière dont il a été l'objet, d'autant qu'à ce niveau de l'arrestation, les dispositions précitées de l'article 5, paragraphe 2, n'obligent pas à une information aussi détaillée que celles de l'article 6, paragraphe 3, destinées au procès équitable ; qu'ainsi, l'information fournie au requérant paraît avoir été, conformément aux exigences de l'article 5, paragraphe 2 de la Convention, rapide, complète et intelligible ;
" alors que, selon l'article 5, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne arrêtée doit être informée, dans le plus court délai et dans une langue qu'elle comprend, des raisons de son arrestation et de toute accusation portée contre elle ; que cette garantie s'applique à toute retenue douanière ; qu'en l'espèce, il ressort des pièces de la procédure comme des constatations de l'arrêt attaqué que X... a été retenu par les agents des Douanes à partir de 10 heures et qu'il n'a été informé des raisons de son arrestation qu'à 16 h 45 lorsqu'il a été remis à un officier de la police judiciaire ; que, pendant cette rétention d'une durée de 6 h 45, la seule information qu'il a reçue est relative à l'ordonnance prise par le délégué du président du tribunal de grande instance prescrivant un examen médical et aux conséquences de son refus de se soumettre à un examen médical ; que cette seule information, qui ne porte pas sur les raison de l'arrestation de X... et donc sur celles de sa détention, est intervenue tardivement, 3 heures après son arrestation, et a été suffisante au regard des exigences du texte conventionnel précité " ;
Vu l'article 593 du Code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, interpellé à 10 h 15 et retenu ensuite contre son gré, X... n'a été informé que 3 heures plus tard des raisons pour lesquelles il était privé de liberté ;
Attendu que, pour estimer que n'avaient pas été méconnues les dispositions de l'article 5, paragraphe 2, de la Convention européenne des droits de l'homme, selon lesquelles toute personne arrêtée doit être informée, dans le plus court délai et dans une langue qu'elle comprend, des raisons de son arrestation et de toute accusation portée contre elle, la chambre d'accusation relève que ce retard se justifie par les particularités de l'espèce ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans mieux s'expliquer sur les raisons qui empêchaient les agents des Douanes d'informer plus tôt X... des motifs de son interpellation et de sa rétention, la chambre d'accusation n'a pas donné de base légale à sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt n° 2 de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, en date du 5 octobre 1998 ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Versailles.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 98-86791
Date de la décision : 30/06/1999
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° DOUANES - Agent des Douanes - Pouvoirs - Examens médicaux destinés à déceler la présence de drogue dans l'organisme - Article 60 bis du Code des douanes - Etendue - Droit de retenir la personne soupçonnée pendant le temps nécessaire au déroulement des opérations.

1° Les agents qui mettent en oeuvre la procédure prévue à l'article 60 bis du Code des douanes, permettant de soumettre à des examens médicaux une personne soupçonnée de transporter des produits stupéfiants dans son organisme, peuvent retenir cette personne contre son gré pendant la durée nécessaire au déroulement des opérations(1).

2° JUGEMENTS ET ARRETS - Motifs - Motifs insuffisants - Douanes - Rétention douanière - Information fournie à la personne retenue - Circonstances justifiant le caractère tardif - Convention européenne des droits de l'homme - Article 5 - paragraphe 2.

2° CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 5 - 2 - Douanes - Rétention douanière - Information fournie à la personne retenue - Circonstances justifiant le caractère tardif de l'information - Jugements et arrêts - Motifs insuffisants 2° DOUANES - Agent des Douanes - Pouvoirs - Retenue préventive - Information fournie à la personne retenue - Circonstances justifiant le caractère tardif - Jugements et arrêts - Motifs insuffisants - Convention européenne des droits de l'homme - Article 5 - paragraphe 2.

2° Doit être cassé, pour insuffisance de motifs, l'arrêt qui se borne à évoquer les circonstances de l'espèce pour justifier le retard avec lequel une personne interpellée en application de l'article 60 bis du Code des douanes est informée des raisons de son arrestation.


Références :

2° :
1° :
2° :
Code de procédure pénale 593
Code des douanes 60 bis
Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 5, paragraphe 2

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (chambre d'accusation), 05 octobre 1998

CONFER : (1°). (1) A rapprocher : Chambre criminelle, 1997-12-04, Bulletin criminel 1997, n° 416, p. 1373 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 30 jui. 1999, pourvoi n°98-86791, Bull. crim. criminel 1999 N° 169 p. 491
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1999 N° 169 p. 491

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gomez
Avocat général : Avocat général : M. Cotte.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Soulard.
Avocat(s) : Avocat : la SCP Waquet, Farge et Hazan.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:98.86791
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