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15/06/1999 | FRANCE | N°96-45464

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 15 juin 1999, 96-45464


Attendu que Mme X..., engagée en janvier 1972 en qualité d'artiste chorégraphe par le Théâtre national de l'Opéra de Paris (TNOP), a reçu, le 7 juillet 1992, notification de sa mise à la retraite avec prolongation exceptionnelle d'activité jusqu'au 31 juillet 1992, au motif qu'elle avait, le 21 avril précédent, atteint l'âge d'ouverture des droits à pension ; qu'à cette date, la salariée se trouvait en arrêt de travail pour maternité, à la suite de la naissance de son troisième enfant le 15 juin 1992 ; qu'estimant que cette mesure s'analysait en un licenciement sans cause rÃ

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Attendu que Mme X..., engagée en janvier 1972 en qualité d'artiste chorégraphe par le Théâtre national de l'Opéra de Paris (TNOP), a reçu, le 7 juillet 1992, notification de sa mise à la retraite avec prolongation exceptionnelle d'activité jusqu'au 31 juillet 1992, au motif qu'elle avait, le 21 avril précédent, atteint l'âge d'ouverture des droits à pension ; qu'à cette date, la salariée se trouvait en arrêt de travail pour maternité, à la suite de la naissance de son troisième enfant le 15 juin 1992 ; qu'estimant que cette mesure s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Sur le premier moyen : (sans intérêt) ;

Sur le second moyen :

Attendu que le TNOP fait encore grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à Mme X... des sommes à titre d'indemnités de préavis, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages-intérêts pour préjudice moral causé par la discrimination dont elle a fait l'objet, alors, selon le moyen, de première part, que le salarié peut décider de partir à la retraite dès lors que les conditions légales sont remplies ; que dans ses écritures d'appel, le TNOP avait fait valoir que, d'un commun accord, il avait été décidé que la date du départ à la retraite de Mme X... serait reportée au 1er août 1992 afin que la naissance de son troisième enfant soit prise en compte dans le calcul de sa pension de retraite ; que l'existence de cet accord était corroborée par, outre un courrier de l'employeur du 2 juin 1992, le fait que l'intéressée avait suivi à compter du 16 janvier 1992 un stage de formation pédagogique des artistes chorégraphiques dispensé par l'institut de formation des enseignants de la danse et de la musique afin de faciliter sa reconversion, par le fait encore qu'elle avait elle-même reconnu dans une correspondance du 20 juillet 1992 avoir demandé à la Caisse de retraite du TNOP l'état de ses services afin de calculer le montant de sa pension de retraite, et par le fait enfin que, le 8 juillet 1993, elle avait sollicité de cet organisme la liquidation de sa pension à compter du 1er août 1992, pension qui lui avait été régulièrement versée par la suite ; que dès lors, la cour d'appel devait, avant de se prononcer, vérifier la réalité de cet accord ; que faute d'avoir procédé à la moindre recherche en ce sens, elle a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 122-14-13 du Code du travail ; alors, de deuxième part, que la directive communautaire n° 76/207 du 9 février 1976 ne régit que l'égalité de traitement dans les conditions de travail ; que, dès lors, en retenant au soutien de sa décision que la mise en oeuvre de l'article 6 des statuts de la Caisse de retraites des personnels de l'Opéra national de Paris, selon lequel l'âge de la retraite concernant le personnel de la danse est fixé à 45 ans pour les hommes et à 40 ans pour les femmes, était contraire à la directive en cause, aux motifs que l'exception au principe d'égalité prévue par l'article 2, paragraphe 3, de ce texte relative à la grossesse et à la maternité était inapplicable à la présente affaire et que l'Opéra de Paris n'avait pu établir l'inaptitude de Mme X... à la danse, alors que les dispositions de ladite directive ne réglementent pas les discriminations fondées sur le sexe quant à la fixation de l'âge de la retraite, la cour d'appel a violé la directive susvisée par fausse application ; alors, de troisième part, que l'article 2, paragraphe 2, de la directive communautaire n° 76/207 du 9 février 1976 dispose qu'il peut être fait exception au principe d'égalité de traitement dans les conditions de travail en raison de la nature particulière de certaines professions ou des conditions spécifiques de leur exercice ;

que, dès lors, à supposer que ce texte puisse concerner les discriminations fondées sur le sexe quant à l'âge de départ à la retraite, la cour d'appel devait rechercher si l'exception prévue par l'article 2, paragraphe 2, susvisé était susceptible de trouver application dans la présente affaire, compte tenu des spécificités inhérentes à la profession de danseuse du corps de ballet de l'Opéra de Paris ; que, faute d'y avoir procédé, elle a violé ce texte par refus d'application ; alors, de quatrième part, que l'article 7, paragraphe 1, alinéa A, de la directive communautaire n° 79/7 du 19 décembre 1978 relative à l'égalité de traitement en matière de régimes légaux de sécurité sociale dispose que les états membres ont la faculté d'exclure de son champ d'application la fixation de l'âge de la retraite et les conséquences pouvant en découler pour d'autres prestations ; qu'il s'ensuit qu'en déclarant que l'Opéra national de Paris n'est pas fondé à invoquer ce texte afin de justifier la mise à la retraite de Mme X... à l'âge conventionnel de 40 ans, alors qu'il permet de fixer un âge de départ à la retraite différent pour les hommes et pour les femmes, en particulier, lorsque la discrimination opérée est dictée par les conditions d'exercice d'une activité professionnelle déterminée, la cour d'appel a violé le texte susvisé par refus d'application ; alors, de cinquième part, qu'en affirmant que le TNOP n'avait développé aucun argument sérieux afin d'établir que la cessation des relations contractuelles en cause était effectivement justifiée par la nature des fonctions ou de la situation de Mme X..., alors que dans ses écritures d'appel celui-ci avait fait valoir que la décision de mettre à la retraite l'intéressée à l'âge de 40 ans n'était pas simplement fondée sur le fait qu'elle ait effectivement l'âge conventionnellement prévu à cet effet, mais s'expliquait pour l'essentiel par des considérations d'ordre artistique, physique et personnel qui avaient été exposées avec autant de clarté que de précision, la cour d'appel a dénaturé lesdites conclusions, en violation de l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu, de première part, que, procédant à la recherche prétendument omise, la cour d'appel, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a constaté que l'employeur avait procédé à la mise à la retraite d'office de la salariée ;

Et attendu, de seconde part, que la cour d'appel a exactement énoncé que, s'agissant d'une rupture du contrat de travail fondée sur l'âge du personnel féminin de la danse, seule était applicable la directive n° 76/207 du 9 février 1976 de la Communauté européenne, relative à la mise en oeuvre du principe d'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles et les conditions de travail, à l'exclusion de l'application des dispositions de la directive n° 79/7 du 19 décembre 1978 relative à l'égalité de traitement en matière de régimes légaux de sécurité sociale ;

Et attendu, de troisième part, que l'article 2, paragraphe 2, de la directive n° 76/207 qui prévoit une dérogation au principe de l'égalité de traitement à l'égard des activités professionnelles, et, le cas échéant, des formations y conduisant, pour lesquelles, en raison de leur nature ou des conditions de leur exercice, le sexe constitue une condition déterminante, ne s'applique qu'à l'accès à l'emploi, mais ne s'applique pas aux conditions d'exercice de l'emploi lorsqu'il est indistinctement accessible aux hommes et aux femmes, ce qui est le cas de l'emploi de danseur au corps de ballet de l'Opéra de Paris ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 96-45464
Date de la décision : 15/06/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

1° CONTRAT DE TRAVAIL - RUPTURE - Retraite - Mise à la retraite - Age - Egalité de traitement entre hommes et femmes - Droit communautaire - Texte applicable.

1° COMMUNAUTE EUROPEENNE - Travail réglementation - Salarié - Egalité de traitement entre hommes et femmes - Directive n° du 9 février 1976 - Domaine d'application - Mise à la retraite.

1° Les dispositions de la directive n° 76-207 du 9 février 1976 de la Communauté européenne, relative à la mise en oeuvre du principe d'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles et les conditions de travail s'appliquent à la rupture du contrat de travail fondée sur l'âge du personnel féminin de la danse, à l'exclusion de celles de la directive n° 79/7 du 19 décembre 1978 relative à l'égalité de traitement en matière de régimes légaux de sécurité sociale.

2° CONTRAT DE TRAVAIL - FORMATION - Embauche - Egalité entre hommes et femmes - Directive n° du 9 février 1976 - Article 2 - paragraphe 2 - Domaine d'application.

2° COMMUNAUTE EUROPEENNE - Travail réglementation - Salarié - Egalité de traitement entre hommes et femmes - Directive n° du 9 février 1976 - Domaine d'application - Accès à l'emploi.

2° L'article 2, paragraphe 2, de la directive n° 76-207 qui prévoit une dérogation au principe d'égalité de traitement à l'égard des activités professionnelles et, le cas échéant, des formations y conduisant, pour lesquelles, en raison de leur nature ou des conditions de leur exercice, le sexe constitue une condition déterminante, ne s'applique qu'à l'accès à l'emploi lorsqu'il est indistinctement accessible aux hommes et aux femmes, ce qui est le cas de l'emploi de danseur au corps de ballet de l'Opéra de Paris.


Références :

1° :
2° :
Directive 76-207 du 09 février 1976 art. 2, par. 2
Directive 76-207 du 09 février 1976 communauté européenne
Directive 79-7 du 19 décembre 1978

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 26 septembre 1996


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 15 jui. 1999, pourvoi n°96-45464, Bull. civ. 1999 V N° 284 p. 204
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1999 V N° 284 p. 204

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gélineau-Larrivet .
Avocat général : Avocat général : M. de Caigny.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Trassoudaine-Verger.
Avocat(s) : Avocats : M. Cossa, la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:96.45464
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