CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
- X... Aurélie, X... Elise, parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Caen, chambre correctionnelle, du 16 janvier 1998, qui, dans la procédure suivie contre Patrick Z... notamment du chef d'homicide involontaire, a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire ampliatif commun aux demanderesses et le mémoire en défense produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1382 du Code civil et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a débouté Aurélie et Elise X... de leur demande en réparation de leur préjudice économique consécutif au décès de leur père ;
" aux motifs qu'il résulte de la lettre de Me Y..., notaire à Brix, en date du 1er décembre 1997, qu'Aurélie et Elise X... sont propriétaires des SCI de leur père et qu'elles en touchent les loyers à hauteur de 117 903 francs par an chacune, soit une somme supérieure à leurs besoins qu'elles ont évalués à 80 000 francs chacune ; il apparaît ainsi qu'elles perçoivent maintenant directement les loyers qui revenaient précédemment à leur père et sur lesquels celui-ci prélevait, selon leurs dires, une somme annuelle de 80 000 francs pour chacune afin de subvenir à leurs besoins ; il en découle qu'elles ne subissent aucun préjudice économique du fait de la disparition de leur père et elles seront déboutées de ce chef de demande ;
" alors que l'indemnisation des ayants droit de la victime d'un homicide involontaire, qui doit être intégrale, est indépendante de l'importance de la succession de cette dernière ; que, dès lors, en retenant, pour décider qu'Aurélie et Elise X... n'avaient subi aucun préjudice économique du fait du décès de leur père et les débouter de ce chef de demandes, qu'elles avaient hérité de parts de SCI dont les loyers se montaient à une somme supérieure à l'évaluation qu'elles avaient faite de leurs besoins, la cour d'appel a tenu compte de la dévolution successorale pourtant indifférente quant à l'évaluation du préjudice résultant du délit et a ainsi violé l'article 1382 du Code civil " ;
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que l'auteur d'un délit est tenu d'en réparer entièrement les conséquences dommageables pour la victime ou ses ayants droit ;
Attendu que, pour refuser toute indemnisation du préjudice économique subi par les filles de Jean-Pierre X..., décédé dans un accident de la circulation dont Patrick Z... a été déclaré entièrement responsable, l'arrêt attaqué retient qu'elles disposent désormais des revenus des biens de leur père, supérieurs aux subsides que leur allouait ce dernier pour leur permettre de poursuivre leurs études ;
Mais attendu que, pour évaluer un préjudice trouvant sa source dans une infraction pénale, la cour d'appel ne pouvait tenir compte d'une dévolution successorale dont, seule, la loi constitue le fondement ;
Qu'il s'ensuit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en ses seules dispositions relatives à l'indemnisation du préjudice économique subi par Aurélie et Elise X..., l'arrêt de la cour d'appel de Caen, du 16 janvier 1998, et, pour qu'il soit statué à nouveau, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Rennes.