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07/04/1999 | FRANCE | N°98-80067

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 07 avril 1999, 98-80067


CASSATION sur le pourvoi formé par :
- le parc national des Ecrins, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble, chambre correctionnelle, du 17 octobre 1997, qui, dans les poursuites exercées contre Régis X..., pour divagation de chien, a déclaré sa constitution de partie civile irrecevable.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 241-1, L. 253-1, R. 241-28 et R. 241-70 du Code rural, de l'article 1er de l'arrêté ministériel du 16 mars 1955 sur l'interdiction de divagation des chiens, 2,

3, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble violation du pr...

CASSATION sur le pourvoi formé par :
- le parc national des Ecrins, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble, chambre correctionnelle, du 17 octobre 1997, qui, dans les poursuites exercées contre Régis X..., pour divagation de chien, a déclaré sa constitution de partie civile irrecevable.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 241-1, L. 253-1, R. 241-28 et R. 241-70 du Code rural, de l'article 1er de l'arrêté ministériel du 16 mars 1955 sur l'interdiction de divagation des chiens, 2, 3, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble violation du principe de l'autonomie et de la spécialité des établissements publics, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement ayant déclaré l'établissement public parc national des Ecrins irrecevable à se constituer partie civile à raison du préjudice consécutif à l'infraction de divagation de chiens dont Régis X... a été déclaré coupable par ledit jugement, devenu définitif du chef de l'action publique ; aux motifs qu'aux termes de l'article 2 du Code de procédure pénale, "l'action civile en réparation du dommage causé par ... une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction" ; que l'infraction de divagation de chien dans un parc national n'a causé par elle-même aucun dommage matériel, étant d'ailleurs rappelé que la flore et la faune sauvages ne sont pas la propriété du parc national des Ecrins et que celui-ci n'a pas à leur égard une mission de gestion, mais seulement de protection ; que le préjudice moral causé par l'infraction, en admettant qu'il puisse être ressenti un tel préjudice par une personne également morale autrement que par une fiction spéciale de la loi, n'est pas distinct de l'atteinte à l'intérêt général dont la violation est sanctionnée par les pénalités attachées à l'infraction, et dont la poursuite de la réparation est attribuée par la loi au seul ministère public ; qu'il n'en est autrement que lorsque par dérogation à ces principes la loi autorise spécialement l'action civile de telle ou telle personne morale de droit privé ou public ; que tel n'est pas le cas puisque non seulement le parc national des Ecrins n'est pas spécialement autorisé par la loi à se constituer partie civile en cas d'atteinte à la flore ou à la faune sauvage vivant dans le territoire sur lequel s'exerce sa mission, mais encore les parcs nationaux ont été retirés par la loi du 2 février 1995 de la liste limitative des personnes morales de droit public habilitées à se constituer partie civile en cas d'infraction à l'environnement portant une atteinte directe ou indirecte aux intérêts dont ils ont la charge figurant à l'article L. 253-1 du Code rural ;
" alors d'une part que, l'article 2 du Code de procédure pénale attribue l'action civile à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction, sans en exclure les établissements publics ; que, selon l'article L. 241-1 du Code rural, les parcs nationaux ont légalement pour mission, lorsque la conservation de la faune, de la flore, du sol, du sous-sol, de l'atmosphère, des eaux et, en général, d'un milieu naturel présente un intérêt spécial, d'assurer la préservation de ce milieu contre tout effet de dégradation naturelle et de le soustraire à toute intervention artificielle susceptible d'en altérer l'aspect, la composition et l'évolution ; que si l'article L.253-1 du Code rural ajouté audit Code par la loi du 2 février 1995 n'a pas inclus les parcs nationaux au nombre des personnes morales de droit public pouvant, comme auparavant certaines associations agréées, exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts qu'ils ont pour objet de défendre et constituant une infraction aux dispositions législatives relatives à la protection de la nature, il n'a en revanche pas réduit les droits que les parcs nationaux tenaient des textes susvisés et du principe d'autonomie et de spécialité des établissements publics ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Régis X... s'est rendu coupable de divagation de chien à l'intérieur du parc national des Ecrins, en infraction à l'article 1er de l'arrêté ministériel du 16 mars 1955 ; que, pour déclarer irrecevable la constitution de partie civile du parc national des Ecrins, les juges du second degré ont retenu que celui-ci n'était pas spécialement autorisé par la loi à se constituer partie civile en cas d'atteinte à la flore ou à la faune sauvage vivant dans le territoire sur lequel s'exerce sa mission et qu'au contraire les parcs nationaux avaient été retirés par la loi du 2 février 1995 de la liste limitative des personnes morales de droit public habilitées à se constituer partie civile en cas d'infraction à l'environnement portant une atteinte directe ou indirecte aux intérêts dont ils ont la charge ; qu'en statuant ainsi, alors que l'établissement public concerné, au profit duquel l'article R. 241-70 du Code rural organise la procédure de recouvrement des dommages et intérêts qui lui sont accordés et qui, selon l'article R.241-28, figure au nombre de ses ressources, est en droit de soutenir avoir subi un préjudice personnel et direct découlant de l'atteinte portée, par l'infraction retenue, aux intérêts qu'en vertu de sa mission légale, il a la charge de préserver, la cour d'appel a méconnu le principe et les textes susvisés ;
" alors d'autre part que, en prétendant justifier l'irrecevabilité de l'action civile intentée par le parc national des Ecrins, par la considération tirée de ce que l'infraction de divagation de chien dans un parc national n'a causé par elle-même aucun dommage matériel, sans autrement s'en expliquer, éléments circonstanciés à l'appui, la cour d'appel s'est en réalité fondée sur un postulat dont elle n'a pas recherché in concreto s'il était en l'espèce vérifié, privant ainsi sa décision, rendue à la faveur de motifs abstraits, de toute base légale au regard de l'ensemble des textes susvisés " ;
Vu les articles 2 et 3 du Code de procédure pénale ;
Attendu que les articles 2 et 3 du Code de procédure pénale ouvrent l'action civile à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage, matériel ou moral, découlant des faits, objet de la poursuite, sans en exclure les personnes morales de droit public ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'un agent du parc national des Ecrins a constaté par procès-verbal que 2 chiens poursuivaient un chamois à l'intérieur des limites de la zone centrale du parc ; que le propriétaire de l'un d'eux, Régis X..., a été poursuivi pour avoir contrevenu aux dispositions de l'arrêté ministériel du 16 mars 1955 sur l'interdiction de la divagation des chiens, infraction punie par l'article R. 228-5 du Code rural ; qu'il a été déclaré coupable de cette contravention ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable la constitution de partie civile du parc national des Ecrins, les juges du second degré retiennent que l'infraction n'a pas causé de dommage matériel au parc, qui n'est pas propriétaire de la flore et de la faune sauvage mais doit seulement en assurer la protection, et que le préjudice moral, en admettant qu'il puisse exister pour une personne morale autrement que par une fiction de la loi, ne se distingue pas de l'atteinte à l'intérêt général, dont la réparation est assurée par l'exercice de l'action publique ;
Que les juges en déduisent que la partie civile, qui ne figure pas dans la liste des personnes morales de droit public autorisées par l'article L. 253-1 du Code rural à se constituer partie civile pour la protection de la nature et au profit de laquelle n'existe aucune dérogation légale, ne satisfait pas aux conditions requises par l'article 2 du Code de procédure pénale pour intervenir devant la juridiction correctionnelle ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'atteinte portée, par la contravention retenue, aux intérêts que le parc national a pour mission légale de préserver en application de l'article L. 241-1 du Code rural, caractérise, pour celui-ci, un préjudice personnel découlant directement des faits poursuivis, distinct du trouble social, l'arrêt a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble, en date du 17 octobre 1997, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Chambéry.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 98-80067
Date de la décision : 07/04/1999
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° ACTION CIVILE - Recevabilité - Personne morale - Personne morale de droit public - Infraction commise à son préjudice.

1° Les articles 2 et 3 du Code de procédure pénale ouvrent l'action civile à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage, matériel ou moral, découlant des faits, objet de la poursuite, sans en exclure les personnes morales de droit public (1)(1).

2° PROTECTION DE LA NATURE ET DE L'ENVIRONNEMENT - Espaces naturels - Parcs nationaux - Action civile - Recevabilité.

2° CHASSE - Action civile - Recevabilité - Parcs nationaux - Infraction à la police de la chasse 2° ACTION CIVILE - Recevabilité - Personne morale - Personne morale de droit public - Etablissement public - Parcs nationaux - Infraction à la police de la chasse.

2° L'atteinte portée, par une contravention à la police de la chasse, aux intérêts qu'un parc national a pour mission légale de préserver, en application de l'article L. 241-1 du Code rural, caractérise, pour celui-ci, un préjudice personnel découlant directement des faits poursuivis, distinct du trouble social. Sa constitution de partie civile est dès lors recevable (2)(2).


Références :

1° :
2° :
Code de procédure pénale 2, 3
Code rural L241-1

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble (chambre correctionnelle), 17 octobre 1997

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1995-03-08, Bulletin criminel 1995, n° 93 (1), p. 232 (cassation partielle). CONFER : (2°). (2) Cf. Chambre criminelle, 1995-03-08, Bulletin criminel 1995, n° 93 (2), p. 232 (cassation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 07 avr. 1999, pourvoi n°98-80067, Bull. crim. criminel 1999 N° 69 p. 191
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1999 N° 69 p. 191

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gomez
Avocat général : Avocat général : M. Cotte.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Ferrari.
Avocat(s) : Avocat : M. Cossa.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:98.80067
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