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31/03/1999 | FRANCE | N°96-84993

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 31 mars 1999, 96-84993


CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
- X... Michel,
- Y... Moïse, dit Robert,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Rouen, chambre correctionnelle, en date du 19 septembre 1996, qui, pour infractions au Code des douanes, les a condamnés, chacun, à 3 mois d'emprisonnement avec sursis, 3 ans d'interdiction d'exercer toute profession industrielle, commerciale ou libérale et à des pénalités douanières.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt a

ttaqué qu'à la fin de l'année 1981, Moïse Y..., président de la société Grainex, né...

CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
- X... Michel,
- Y... Moïse, dit Robert,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Rouen, chambre correctionnelle, en date du 19 septembre 1996, qui, pour infractions au Code des douanes, les a condamnés, chacun, à 3 mois d'emprisonnement avec sursis, 3 ans d'interdiction d'exercer toute profession industrielle, commerciale ou libérale et à des pénalités douanières.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'à la fin de l'année 1981, Moïse Y..., président de la société Grainex, négociant en céréales, et Michel X..., directeur du Silo portuaire du Havre, ont mis en place, à la suite d'accords avec des directeurs de coopératives ou des courtiers, une fraude portant sur l'exportation de céréales ; que des quantités de blé inférieures à celles indiquées dans les documents d'expédition ont été livrées par trains au Silo du Havre, les manquants étant compensés par des prélèvements systématiques de freintes artificielles effectués sur les chargements de navires à l'exportation ; que, par ailleurs, étaient incorporées frauduleusement aux livraisons de blé meunier des quantités variables de déchets de blé ou d'avoine ; que ces opérations ont donné lieu au versement par les autorités de la Communauté européenne, notamment le fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA), de subventions ou restitutions indues ;
Attendu que Michel X... et Moïse Y... ont été poursuivis et condamnés pour infractions à l'article 426. 4°, du Code des douanes, commises du 27 décembre 1982 au 31 juillet 1985 ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour Moïse Y... et pris de la violation de l'article 385, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable l'exception d'illégalité de l'acte introductif d'instance des Douanes du 16 novembre 1988 soulevée par Moïse Y... ;
" aux motifs que Moïse Y... avait présenté ce moyen de défense pour la première fois en cause d'appel ;
" alors que l'exception d'illégalité, lorsqu'elle a pour effet de faire constater l'incompétence de l'auteur des poursuites, peut être soulevée en tout état de cause ; qu'en l'espèce, était, par conséquent, recevable l'exception opposée par Moïse Y... qui visait à faire constater que les poursuites avaient été engagées sur plainte d'un fonctionnaire de l'administration des Douanes radicalement incompétent " ;
Sur le deuxième moyen de cassation (subsidiaire) proposé pour Moïse Y... et pris de la violation des articles 458 du Code des douanes et 593 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé de constater l'illégalité des poursuites engagées sur plainte d'un fonctionnaire des Douanes radicalement incompétent ;
" aux motifs que, si le chef de la direction nationale des enquêtes douanières, signataire de l'acte introductif d'instance pénale, n'était effectivement pas compétent pour poursuivre les mouvements irréguliers de capitaux entre la France et l'étranger, il avait, en revanche, toute latitude pour établir un acte introductif d'instance fiscale en matière de faits réputés exportations sans déclaration de marchandises prohibées et que la saisine faite par l'Administration en ce domaine demeurait valable, quand bien même le fonctionnaire aurait outrepassé sa compétence en incluant dans l'acte introductif d'instance fiscale d'autres faits relevant des contrôles des changes ;
" alors, d'une part, que les faits réputés " exportations sans déclaration de marchandises prohibées " entrent dans la catégorie des règlements financiers avec l'étranger en sorte que seul le ministre du Budget avait compétence pour engager légalement des poursuites ; que c'est, par conséquent, en violation de l'article 458 du Code des douanes que la Cour a considéré que l'acte introductif d'instance visant des exportations sans déclaration de marchandises prohibées n'était pas illégal ;
" alors, d'autre part, et en tout état de cause, que, dès lors qu'elle était saisie d'une exception d'illégalité portant sur la compétence d'une autorité administrative, la cour d'appel n'avait pas le pouvoir d'apprécier elle-même son bien-fondé et devait surseoir à statuer jusqu'à la décision de la juridiction administrative " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'à bon droit, la cour d'appel a déclaré irrecevable l'exception prise de l'illégalité de l'acte introductif d'instance, soulevée pour la première fois devant elle par Moïse Y... ;
D'où il suit que le premier moyen doit être rejeté et que le deuxième moyen, qui reprend l'exception devant la Cour de Cassation, est irrecevable ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour Michel X... et pris de la violation des articles 40, 385, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 458 du Code des douanes, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de l'acte introductif d'instance des Douanes du 16 novembre 1988, qui visait des faits constitutifs à la fois d'exportation sans déclaration de marchandises prohibées et de mouvements irréguliers de capitaux entre la France et l'étranger et avait été établi par un fonctionnaire incompétent ;
" aux motifs que si le chef de la direction nationale des enquêtes douanières, signataire de l'acte introductif d'instance pénale n'était effectivement pas compétent pour ce faire, il avait, en revanche, toute latitude pour établir un acte introductif d'instance fiscale en matière de faits réputés exportation sans déclaration de marchandises prohibées ; que la saisine faite par l'Administration en ce domaine demeurait valable quand bien même le fonctionnaire aurait outrepassé sa compétence en incluant dans l'acte introductif d'instance fiscale d'autres faits relevant des contrôles des changes ; que le tribunal se trouvait uniquement saisi des faits de contrebande pour lesquels l'acte introductif avait été valablement établi par un fonctionnaire compétent ; qu'en outre, le fonctionnaire n'avait usé que de son pouvoir de dénonciation de faits susceptibles de recevoir une qualification pénale, pouvoir appartenant à tout citoyen, que l'acte introductif avait été pris et signé par le ministère public en raison de son pouvoir de poursuivre les infractions commises dans son ressort de compétence ;
" alors, d'une part, que, aux termes de l'article 458 du Code des douanes, la poursuite des infractions à la législation et à la réglementation des relations financières avec l'étranger ne peut être exercée que sur la plainte du ministre de l'Economie et des Finances ou de l'un de ses représentants habilités à cet effet ; que ce texte ne distingue pas selon les faits qui sont à l'origine de la commission de ces infractions dès lors que l'infraction douanière est aussi constitutive d'une infraction à la législation et à la réglementation des relations financières avec l'étranger ; que, dès lors que les faits constitutifs d'exportations sans déclaration de marchandises prohibées étaient en même temps constitutifs d'une infraction à la réglementation des relations financières avec l'étranger, la Cour ne pouvait, sans violer ce texte, refuser d'annuler l'acte introductif d'instance fiscale qui lui était demandé ;
" alors, d'autre part, que, dès lors que la poursuite d'une infraction est réservée à une autorité déterminée, sont inapplicables les dispositions de l'article 40 du Code de procédure pénale qui impose à toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire, qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit d'en donner avis sans délai au procureur de la République, lequel, en tout état de cause, ne serait alors pas habilité à ouvrir une information sur l'infraction qui serait portée à sa connaissance, sauf la demande de l'autorité spécialement habilitée par la loi " ;
Attendu que, pour écarter le moyen de nullité proposé par Michel X..., soutenant que l'acte introductif d'instance établi par un fonctionnaire de la direction nationale des enquêtes douanières était irrégulier, au motif que, visant à la fois des infractions douanières et une infraction relative à des relations financières avec l'étranger, les poursuites n'avaient pas été exercées sur la plainte du ministre de l'Economie et des Finances, les juges énoncent qu'il importe peu que l'agent ayant établi l'acte ait outrepassé sa compétence en relevant une infraction au contrôle des changes, dès lors que seules les infractions douanières sont poursuivies ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel n'a en rien méconnu les dispositions de l'article 458 du Code des douanes invoqué par le moyen, lequel doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour Michel X... et pris de la violation des articles 351, 408, 407, 414, 423, 426, 432, 432 bis du Code des douanes, 8 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable de manoeuvres frauduleuses, commises en 1982 et en particulier à partir du 27 mars 1982, ayant pour but d'obtenir des restitutions indues, soit pour 19 607 799 tonnes d'une valeur de 23 809 581 francs et de manoeuvres frauduleuses constituées par l'exportation de déchets de blés exportés comme blé meunier, sur un tonnage de 1 463, 84 tonnes ayant une valeur de 1 793 248 francs et l'a condamné à 3 mois d'emprisonnement avec sursis et à diverses sanctions douanières ;
" aux motifs que, fin 1981, Moïse dit " Robert " Y..., président-directeur général de la société anonyme Grainex, et Michel X..., directeur du Silo portuaire du Havre, avaient mis en place un plan de fraude visant à livrer au Silo des trains de blé contenant des quantités minorées par rapport à celles indiquées sur les documents d'expédition ; que les livraisons frauduleuses avaient concerné 69 trains entre mars 1982 et avril 1984, pour un total de 20 598, 66 tonnes de manquants (page 176 pén. paragraphe, page 177 paragraphe 5) ; que la pratique des freintes à récupérer à chaque embarquement avait été mise en oeuvre entre 1982 et poursuivie jusqu'au départ de Michel X... (IBID. page 178 pén. paragraphe) ; que l'administration des Douanes avait pu obtenir un état des manquants sur les trains de blé et d'orge expédiés par la société Grainex au Silo du Havre entre mars 1982 et avril 1984, évalués à 20 598, 66 tonnes ; qu'à la date du 20 janvier 1986, les manquants s'élevaient à 11 523, 7 tonnes de blé et 1 26 tonnes d'orge (IBID page 180 antépénult. et pénult. paragraphe) ; que, selon les Douanes, le total des marchandises non chargées s'élevait à 23 052, 124 tonnes pour une valeur de 27 991 998 francs (IBID page 181, paragraphe 3) ; que M. Z..., président de la Commission européenne de céréales, spécifiait avoir livré, en décembre 1982, 9 600 tonnes composées exclusivement de blé fourrager et M. A... a admis avoir expédié, en 1985, 5 trains de blé germé qu'il considérait comme invendable (IBID page 190, paragraphe 4) ;
" alors que les infractions douanières, comme les délits de droit commun, se prescrivent par 3 ans ; qu'en déclarant Michel X... coupable des infractions douanières commises avant le 27 décembre 1982, et en particulier entre mars 1982 et le 27 décembre 1982, cependant qu'il résulte du dossier de procédure que le premier acte interruptif de la prescription est le procès-verbal d'audition de Moïse Y... en date du 27 décembre 1985, la Cour, à laquelle il appartenait de constater d'office que la prescription était acquise pour les faits commis pendant cette période, a prononcé une déclaration de culpabilité illégale " ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé pour Moïse Y... et pris de la violation des articles 351, 406, 407, 414, 423, 426, 432 et 432 bis du Code des douanes, 8 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable de manoeuvres frauduleuses ayant pour but d'obtenir des restitutions indues, soit pour 19 607 799 (sic) tonnes d'une valeur de 23 809 581 francs (page 193 pén. paragraphe), et de manoeuvres frauduleuses constituées par l'exportation de déchets de blés exportés comme blé meunier, sur un tonnage de 1 463, 84 tonnes ayant une valeur de 1 793 248 francs (pages 193 et 194) et l'a condamné à 3 mois d'emprisonnement avec sursis et à diverses sanctions douanières ;
" aux motifs que, selon l'administration des Douanes, au titre du premier délit, les livraisons frauduleuses du Silo du Havre par l'intermédiaire de Grainex avait concerné 69 trains entre mars 1982 et avril 1984 ; que cette Administration avait pu obtenir un état des manquants sur les trains de blé et d'orge expédiés par la société Grainex au Silo du Havre entre mars 1982 et avril 1984, évalués à 20 598, 66 tonnes (arrêt page 177, paragraphe 5) ; qu'un inventaire du 20 janvier 1986 faisait apparaître que les manquants s'élevaient à cette date à 11 523, 7 tonnes de blé et 1 026 tonnes d'orge (page 180 pén. paragraphe) ; que, selon les douanes, le total des marchandises non chargées s'élève à 23 052 124 tonnes pour une valeur de 27 991 998 francs (IBID page 181 paragraphe 3) ; que les aides communautaires indûment octroyées se chiffraient à 9 618 597 francs (IBID page 181 paragraphe 4) ; que, sur la seconde infraction, M. Z..., président de la compagnie européenne de céréales, spécifiait avoir livré, en décembre 1982, 9 600 tonnes composées exclusivement de blé fourrager et que M. A... a admis avoir expédié, en 1982, 5 trains de blé germé qu'il considérait comme invendable (IBID page 190 paragraphe 4) ;
" alors que l'action en répression des infractions douanières se prescrit, comme en droit commun, par 3 ans ; qu'en l'espèce, il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que Moïse Y... a été entendu par les inspecteurs des Douanes le 27 décembre 1985 ; que la première pièce des dossiers de procédure concernant les faits poursuivis est, en effet, un procès-verbal de constat en date du 27 décembre 1985 (procès-verbal n° 1 coté D 4) ; qu'il s'ensuit que seuls pouvaient être poursuivis des faits remontant au plus tôt au 27 décembre 1982 ; qu'en retenant, pour entrer en voie de condamnation à l'encontre de Moïse Y..., que les livraisons frauduleuses du Silo du Havre par l'intermédiaire de Grainex avaient concerné 69 trains entre mars 1982 et avril 1984 pour un total de 20 598, 66 tonnes de manquants, que M. Z... avait spécifié avoir livré, en décembre 1982, 9 600 tonnes composées exclusivement de blé fourrager et M. A... avoir livré, en 1982, 5 trains de blé germé qu'il considérait comme invendable, (IBID page 190, paragraphe 4), la cour d'appel l'a sanctionné pour des faits couverts, au moins partiellement, par la prescription ; qu'il s'ensuit que la déclaration de culpabilité et les peines prononcées, en ce qu'elles se rapportent à des faits prescrits, sont illégales " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, si les juges ont exposé le mécanisme de la fraude pratiquée par les prévenus depuis 1981, ils énoncent que, la prescription de l'action publique ayant été interrompue par un acte du 27 décembre 1985, seuls les faits commis après le 27 décembre 1982 peuvent être retenus ;
Que, dès lors, les moyens, qui manquent en fait, ne peuvent être admis ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé pour Michel X... et pris de la violation des articles 426. 4° du Code des douanes, 85 du règlement CEE no3183/ 80 de la Commission des Communautés européennes, 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 112-1 du nouveau Code pénal et 4 de l'ancien Code pénal, 388, 591 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble violation du principe de la légalité des délits et des peines, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a requalifié les faits en manoeuvres frauduleuses ayant pour but d'obtenir des restitutions indues pour un montant de 23 809 581 francs et a déclaré le prévenu coupable de cette infraction ;
" aux motifs que Michel X... n'ayant jamais exporté de céréales, sa responsabilité ne saurait être engagée sur le fondement de fausses déclarations de poids à l'exportation (page 186, paragraphe 5) ; que M. B..., adjoint du chef d'exploitation du silo, avait chiffré cette freinte à 1 % sur les sacs de céréales et de 2 % sur le vrac en réglant la balance à 50 kg au-dessous du poids réel ou en effectuant des pesées à vide, cette méthode ayant été confirmée par Michel X... (page 187, paragraphe 3) ; que, selon les propres déclarations de Michel X..., le silo de Rouen appliquait une freinte de 1 % sur le tonnage embarqué à Rouen, la freinte s'avérait être de 2, 79 % sur le tonnage embarqué au Havre ; que ces éléments permettaient de retenir les chiffrages des manquants effectués par le service des Douanes, chiffrage qui se trouve étayé par les aveux de Michel X..., les déclarations de M. B... et les vérifications concernant quelques bateaux ; que Michel X... s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses en donnant des instructions pour fausser les pesées de céréales chargées à l'exportation (arrêt page 188) ; que la pratique d'une freinte artificielle constituait une manoeuvre frauduleuse même si la livraison effectuée se situait dans la fourchette de 5 % admise en 1980 par la réglementation européenne pour considérer comme conforme à la réalité un certificat d'exportation ; que la tolérance de la réglementation CEE ne pouvait avoir pour conséquence d'ôter tout caractère pénalement répréhensible au fait de charger sciemment, en manipulant les balances, une quantité moindre que celle énoncée dans le certificat d'exportation, le règlement 3183-80 n'ayant pas voulu instituer au profit des exportateurs un droit à frauder de 5 % les subventions européennes ;
" alors, d'une part, que, sauf accord exprès du prévenu, les juges du fond ne peuvent requalifier les faits qu'à la condition de ne rien changer aux faits tels qu'ils sont dénoncés dans les actes de la poursuite ; qu'il n'était pas reproché à Michel X... d'avoir donné des instructions pour commettre des manoeuvres frauduleuses ; qu'en se déterminant par un tel motif sans constater que le prévenu avait accepté que les débats portent sur des faits non visés par l'ordonnance de renvoi, la Cour qui a ajouté à la poursuite les faits " d'instructions données " qu'elle ne comportait pas a, en définitive, méconnu sa saisine et prononcé une déclaration de culpabilité illégale ;
" alors, d'autre part, que le juge pénal ne peut entrer en voie de condamnation à l'encontre d'un prévenu que s'il caractérise, dans sa décision, toutes les circonstances exigées par la loi pour que le fait poursuivi soit punissable ; que l'infraction d'exportation sans déclaration de marchandises prohibées par manoeuvres frauduleuses, réprimée par l'article 426. 4° du Code des douanes, n'est constituée qu'à la condition que les fausses déclarations ou les manoeuvres aient pour but ou pour effet, en tout ou partie, un remboursement, une exonération, un droit réduit ou un avantage quelconque attaché à l'exportation, c'est-à-dire qu'il y ait un lien de cause à effet entre les fausses déclarations ou les manoeuvres et l'avantage que son auteur en a tiré ; que si les fausses déclarations ou les manoeuvres n'ont pas ou ne peuvent pas avoir pour effet d'obtenir un avantage attaché à l'exportation, l'infraction n'est pas constituée ; qu'en l'espèce, s'il résulte de l'arrêt attaqué que Michel X... a donné des instructions pour fausser les pesées de céréales chargées à l'exportation (page 188, paragraphe 3), il n'y est, en revanche, nulle part constaté qu'il ait fait la moindre déclaration en vue d'obtenir un avantage attaché à l'exportation ni d'ailleurs qu'il ait reçu, grâce à ce moyen, un tel avantage ; qu'il s'ensuit que la déclaration de culpabilité est illégale ;
" alors, de troisième part, et en tout état de cause, que seuls les exportateurs ayant souscrit une déclaration en douane peuvent prétendre à des avantages attachés à l'exportation ; qu'il est constant que Michel X... n'était pas exportateur, mais prestataire de service et qu'il n'a lui-même jamais souscrit une déclaration de douane en vue de l'exportation ; que, par ailleurs, l'arrêt attaqué qui constate que les manquants étaient constitués par le Silo du Havre à l'insu des exportateurs (arrêt page 176 dernier paragraphe) n'a à aucun moment expliqué quels avantages attachés à l'exportation la pratique des freintes procurait à Michel X... ; qu'à tout le moins, la déclaration de culpabilité est privée de base légale ;
" alors, de quatrième part, et subsidiairement, que, à supposer que les manquants reprochés à Michel X... lui aient procuré un avantage lié à l'exportation, des poursuites pénales ne pouvaient être engagées que si les manquants étaient supérieurs à 5 % ; qu'en effet, l'article 85 du règlement CEE no3183-80, dans sa rédaction en vigueur au moment des faits, prévoyait que lorsque la quantité importée ou exportée était inférieure à 5 % au plus à la quantité indiquée dans le certificat, l'obligation d'importer ou d'exporter était considérée comme remplie ; que ce texte ne posant aucune condition particulière sur l'existence des manquants et n'opérant aucune distinction entre manquant involontaire ou manquant volontaire, aucune poursuite ne pouvait être exercée dès lors qu'il était établi que les manquants n'avaient jamais atteint 5 % des quantités déclarées exportées ; qu'en retenant que le règlement CEE n° 3183-80 n'avait pas voulu instituer au profit de ces exportateurs un droit à frauder les subventions européennes et que la pratique des freintes artificielles constituait une manoeuvre frauduleuse, la cour d'appel avait ajouté à ce texte des conditions d'application qu'il ne comportait pas ; qu'il s'ensuit que la déclaration de culpabilité est illégale ;
" alors, enfin, que, faute d'avoir précisé à propos de quelles opérations particulières et à quelles dates, Michel X... aurait mis effectivement en oeuvre le mécanisme de fraude par elle décrit, la cour d'appel qui s'est déterminée par des motifs trop généraux n'a pas donné de base légale à la déclaration de culpabilité " ;
Sur le quatrième moyen de cassation proposé pour Michel X... et pris de la violation des articles 351, 406, 407, 414, 423, 426, 432 et 432 bis du Code des douanes, 8 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Michel X... coupable de manoeuvres frauduleuses constituées par l'exportation comme blé meunier de déchets de blé (1 463, 84 tonnes pour une valeur de 1 793 248 francs) et d'avoine (557, 65 tonnes pour une valeur de 518 144 francs) ;
" aux motifs que M. B..., adjoint au chef d'exploitation du silo, et Michel X... avaient reconnu avoir procédé à l'incorporation de blés de qualité inférieure sur les exportations de blé ; que 1 134 tonnes d'avoine blanche et noire avaient été chargées en juin 1985 sur 2 navires d'orge (page 191 dernier §) ; que l'incorporation de blés non panifiables aux exportations de blé, la substitution pour partie d'avoine sur des livraisons d'orge constituaient des manoeuvres frauduleuses qui sont imputables tant à Moïse Y... qu'à Michel X... qui faisait procéder au chargement des navires en incorporant des céréales non conformes ; que le fait de pratiquer ces manoeuvres sur une quantité inférieure à 5 % ne saurait leur enlever leur caractère punissable sauf à considérer que les règlements communautaires instituaient au profit des exportateurs un droit d'inclure sciemment dans toutes exportations 5 % d'impuretés subventionnées au prix des céréales saines ; que l'ensemble des infractions avait fait l'objet d'un accord entre Moïse dit " Robert " Y... et Michel X..., l'obtention de subventions européennes par les exportateurs victimes de ces pratiques constituait l'élément final qui permettait au plan de fraude de perdurer en s'assurant du silence des sociétés qui n'auraient pas manqué de dénoncer un système qui leur aurait été préjudiciable sans le bénéfice que constituait l'obtention de subventions européennes ; que, sans bénéficier eux-mêmes de subventions communautaires, ils avaient intégré cet élément dans leur plan de fraude, ce qui avait permis à Michel X... de toucher sur 350 à 160 000 francs en espèces de la Grainex, de constituer des excédents et de toucher à titre personnel 40 000 francs de la SA Gibon (IBID page 193, paragraphes 1 et 2) ; que le plan de fraude savamment soutenu par le service des Douanes amalgamant les situations aval et amont du silo et destinées selon l'Administration à faire bénéficier l'ensemble des parties aux infractions n'est pas démontré dans la mesure où les coopératives et sociétés livrant le silo avaient certes bénéficié d'intérêts soit financier soit matériel, mais qu'il n'est pas prouvé qu'ils avaient la volonté de participer à un plan de fraude ; que le plan de fraude dénoncé par les services des douanes n'est pas démontré (IBID page 194, paragraphe 4 et suivants, et page 195) ;
" alors, d'une part, que, aux termes de l'article 426-4° du Code des douanes, l'infraction douanière de manoeuvres frauduleuses est constituée si les manoeuvres ont eu pour but ou pour effet d'obtenir en tout ou en partie un droit réduit ou un avantage quelconque attaché à l'importation ou à l'exportation, c'est-à-dire qu'il faut que les manoeuvres émanent de celui seul qui peut prétendre à l'avantage à l'exportation ; que, lorsque les manoeuvres frauduleuses sont le fait d'une personne qui ne peut obtenir aucun droit ou avantage lié à l'exportation, le délit douanier n'est pas constitué ; qu'en l'espèce où Michel X..., qui n'était pas lui-même exportateur, ne pouvait obtenir aucun avantage lié à l'exportation, la cour d'appel, qui a reconnu que Michel X... ne bénéficiait pas lui-même des subventions communautaires, a prononcé une déclaration de culpabilité illégale ;
" alors, d'autre part, que la culpabilité de Michel X... ne pouvait être retenue au titre de sa participation à un plan de fraude que si le plan de fraude était destiné à obtenir un avantage indu à l'exportation et avait été mis en oeuvre soit par les exportateurs eux-mêmes, soit avec leur participation consciente à une infraction douanière ; qu'en l'espèce, il résulte des énonciations mêmes de l'arrêt attaqué que la pratique des freintes avait été mise en oeuvre à l'insu des exportateurs (arrêt page 176 dernier paragraphe) qui ont tous fait l'objet d'une décision de relaxe ; que la Cour, qui a d'ailleurs expressément exclu l'existence d'un plan de fraude avec les exportateurs et coopératives et que les actes matériels avaient une cause autre que celle soutenue par le service des Douanes (IBID page 194, paragraphes 4 et 5, page 195, 1er paragraphe) ne pouvait, sans se contredire, affirmer que le plan de fraude avait pu perdurer grâce au silence des sociétés qui n'auraient pas manqué de dénoncer un système qui leur était préjudiciable ; que la déclaration de culpabilité est, au moins, privée de base légale ;
" alors, de troisième part, et en tout état de cause, que l'article 8. 5 du règlement CEE n° 3183-20 portant, dans sa rédaction applicable aux faits, que l'obligation d'importer ou d'exporter était remplie dès lors que la quantité importée ou exportée était inférieure de 5 % à celle indiquée dans le certificat et ce texte ne distinguant pas entre non-conformité volontaire ou involontaire, la Cour, qui ne pouvait écarter l'application de ce texte en y ajoutant cette distinction, a prononcé une déclaration de culpabilité illégale ;
" alors, enfin, que le fait que certains des coopérateurs et négociants entendus aient reconnu avoir mélangé blé meunier et blé fourrager ou livré exclusivement du blé fourrager ou envoyé des blés soit de mauvaise qualité soit germés et considérés comme invendables, soit des déchets de triage ou des brisures de blé destinées à l'alimentation animale ne caractérisent pas une infraction punissable au sens des textes dont il a été fait application " ;
Sur le quatrième moyen de cassation proposé pour Moïse Y... et pris de la violation des articles 426, 4° du Code des douanes, 8. 5 du règlement CEE n° 3183-80 de la Commission des Communautés européennes, 25 et 30 du règlement CEE n° 2730/ 79 du 29 octobre 1979, 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 7 de la Déclaration des droits de l'homme, 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 112-1 du nouveau Code pénal et 4 de l'ancien Code pénal, 388, 591, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation du principe de la légalité des délits et des peines et violation des droits de la défense ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré, après requalification, le prévenu coupable de manoeuvres frauduleuses ayant pour but d'obtenir des restitutions indues pour un montant de 23 809 581 francs ;
" aux motifs que Moïse dit " Robert " Y... avait reconnu avoir livré, suite à ses accords avec les coopératives et les négociants, les trains de céréales minorées au silo du Havre (arrêt page 187 pén. paragraphe) ; que, selon les propres déclarations de Michel X..., le silo de Rouen " appliquait " une freinte de 1 % sur le tonnage embarqué à Rouen, la freinte s'avérait être de 2, 79 % sur le tonnage embarqué au Havre ; que, selon ce même calcul, le " Marshall Konev " chargé en octobre 1984 accusait un manquant de 2, 98 % sur le tonnage embarqué au Havre et le " Laura Pando " chargé en février 1985 un manquant de 1, 30 ; que ces éléments permettaient de retenir le chiffrage des manquants effectués par les services des douanes ; que Moïse Y... avait participé à ces manoeuvres frauduleuses en entreposant au silo du Havre des céréales en quantités minorées tout en produisant des bons de livraisons, des factures, des congés faisant état d'une quantité supérieure de marchandises ; que la pratique d'une freinte artificielle constituait une manoeuvre frauduleuse quand bien même la livraison effectuée se situerait dans la fourchette admise en 1980 par la réglementation européenne pour considérer comme conforme à la réalité un certificat d'exportation ;
" alors, d'une part, que le juge correctionnel ne peut prononcer de sanction qu'à la condition de caractériser dans sa décision toutes les circonstances exigées par la loi pour que le fait poursuivi soit punissable ; que, aux termes de l'article 426. 4° du Code des douanes sur lequel s'est exclusivement fondée la cour d'appel, l'infraction douanière de manoeuvres frauduleuses n'est punissable que si les manoeuvres ont eu pour but ou pour effet d'obtenir, en tout ou en partie, un droit réduit ou un avantage quelconque attaché à l'importation ou à l'exportation ; que, en matière de restitutions à l'exportation pour les produits agricoles, le règlement CEE n° 2730/ 79 prévoit, en ses articles 25 et 30, que les restitutions ne sont payées qu'aux exportateurs sur leur demande écrites par l'Etat membre sur le territoire duquel les formalités douanières d'exportation ont été accomplies, dès l'accomplissement desdites formalités ; que les manoeuvres imputées à Moïse Y... telles qu'elles ont été relevées par l'arrêt attaqué ne pouvaient procurer à la société Grainex qui n'était pas exportateur, n'a accompli aucune formalité douanière d'exportation et n'a formulé aucune demande de restitution, aucun avantage attaché à l'exportation ; qu'il s'ensuit que l'infraction qui lui est reprochée n'est pas constituée et que la déclaration de culpabilité est illégale ;
" alors, d'autre part, que, aux termes de l'article 8. 5 du règlement CEE n° 3183-80 dans sa rédaction applicable aux faits, lorsque la quantité importée ou exportée est inférieure de 5 % au plus à la quantité indiquée dans le certificat, l'obligation d'importer ou d'exporter est considérée comme remplie ; que ce texte ne pose aucune condition particulière à l'existence du manquant et qu'en particulier il ne distingue nullement entre manquants volontaires ou involontaires ; qu'en énonçant que le règlement CEE n° 3183-80 n'avait pas voulu instituer au profit de ces exportateurs un droit à frauder les subventions européennes et que la pratique des freintes artificielles constituait une manoeuvre frauduleuse, la cour d'appel a ajouté à ce texte des conditions d'application qu'il ne comporte pas en sorte que la déclaration de culpabilité est illégale ;
" alors, de troisième part, que, en se bornant à décrire un mécanisme de fraude sans préciser dans quelles circonstances précises, à propos de quelles opérations particulières et par quelles personnes, pour chacune de ces opérations, ce mécanisme aurait été utilisé, ni quelles étaient les dates auxquelles les prétendues fausses déclarations auraient été souscrites ou les manoeuvres frauduleuses auraient été effectuées, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à la déclaration de culpabilité " ;
Sur le cinquième moyen de cassation proposé pour Moïse Y... et pris de la violation des articles 426. 4° du Code des douanes, 8. 5 du règlement CEE n° 3183-80 de la Commission des Communautés européennes, 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 7 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 9 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 112-1 du nouveau Code pénal et 4 de l'ancien Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation du principe de la légalité des délits et des peines et violation des droits de la défense ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable de manoeuvres frauduleuses constituées par l'exportation de déchets de blés exportés comme blé meunier, d'un tonnage de 1 463, 84 tonnes ayant une valeur de 1 793 248 francs, et d'avoine exportée comme blé ou comme orge pour un tonnage de 557, 65 tonnes ayant une valeur de 518 144 francs ;
" aux motifs que l'incorporation de blés non panifiables aux exportations de blé, la substitution pour partie d'avoine sur des livraisons d'orge constituait des manoeuvres frauduleuses imputables tant à Moïse dit " Robert " Y... qui avait avisé Michel X... de sa pratique et parfois donné des instructions sur la manière d'écouler ses stocks, qu'à Michel X... qui faisait procéder aux chargements des navires en incorporant des céréales non conformes ; que le fait de pratiquer ces manoeuvres sur une quantité inférieure à 5 % ne saurait leur enlever leur caractère punissable sauf à considérer que les règlements communautaires instituaient au profit des exportateurs un droit d'inclure sciemment dans toutes exportations 5 % d'impuretés subventionnées au prix des céréales saines ;
" alors, d'une part, que, aux termes de l'article 426. 4° du Code des douanes sur lequel s'est exclusivement fondée la cour d'appel, l'infraction douanière de manoeuvres frauduleuses n'est punissable que si les manoeuvres ont eu pour but d'obtenir en tout ou en partie un droit réduit ou un avantage quelconque attaché à l'importation ou à l'exportation ; que, faute d'avoir précisé, pour chaque exportation prétendument frauduleuse, quelle était la nature de la marchandise mentionnée sur le certificat et quelles étaient les marchandises en réalité exportées qui n'auraient pas été conformes au certificat, et auraient cependant permis d'obtenir un avantage indu, la cour d'appel a prononcé une déclaration de culpabilité illégale ;
" alors, d'autre part, que, aux termes de l'article 8. 5 du règlement CEE n° 3183-80 dans sa rédaction applicable aux faits, lorsque la quantité importée ou exportée est inférieure de 5 % au plus à la quantité indiquée dans le certificat, l'obligation d'importer ou d'exporter est considérée comme remplie, que ce texte ne pose aucune condition particulière à l'existence de la non-conformité et qu'en particulier, il ne distingue nullement entre non-conformité volontaire ou involontaire ; qu'en énonçant que le fait de pratiquer ces manoeuvres sur une quantité inférieure à 5 % ne saurait leur enlever leur caractère punissable sauf à considérer que les règlements communautaires instituaient au profit de l'exportateur un droit d'inclure sciemment dans toutes les exportations 5 % d'impuretés subventionnées au prix des céréales saines, la cour d'appel, qui a ajouté au texte une condition qu'il ne comporte pas, l'a violé par fausse application et que la déclaration de culpabilité est illégale ;
" alors, de troisième part, que, en se bornant à énoncer que les coopérateurs et les négociants entendus avaient reconnu pour certains d'entre eux avoir mélangé blé meunier et blé fourrager dans leurs envois ; que MM. C..., D...et Z... qui spécifiaient (sic) avoir livré, en décembre 1989, 1 600 tonnes composées exclusivement de blé fourrager, que M. E...avait précisé que la proportion des blés fourragers s'élevait à 20 %, que d'autres avaient admis avoir envoyé à la Grainex, sur sa demande, des blés de mauvaise qualité et M. A... avoir expédié, en 1982, 5 trains de blés germés considérés par lui comme invendables, puis adjoint ces blés germés à d'autres envois de blé en 1983, que M. F...avait indiqué avoir été contacté en 1984 par la SA Grainex qui désirait acquérir des blés de " qualité moyenne " et lui avoir expédié en vertu de cet accord 3 trains de déchets de triage, que M. G... avait indiqué avoir livré à la Grainex des brisures de blé destinées à l'alimentation animale, énonciations qui ne caractérisent nullement une infraction punissable au sens de l'article 8. 5 du règlement CEE et 426. 4° du Code des douanes, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à la déclaration de culpabilité " ;
Les moyens étant réunis ;
Sur le troisième moyen proposé pour Michel X... et sur le quatrième moyen proposé pour Moïse Y..., pris en leur première branche ;
Attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt attaqué ni de conclusions régulièrement déposées que les prévenus aient contesté devant la cour d'appel la requalification des faits opérée par le tribunal correctionnel ;
Sur les moyens pris en leurs autres branches ;
Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables de manoeuvres ayant eu pour but ou pour effet d'obtenir un remboursement ou un avantage attaché à l'exportation, les juges relèvent qu'en 1984 et 1985, Moïse Y... a livré des quantités de blé minorées par rapport aux documents produits et que Michel X... a donné des instructions aux agents du Silo du Havre aux fins de prélèvement de freintes artificielles pour combler les manquants ; qu'ils retiennent que ces manquants à l'exportation indue, ont donné lieu à des subventions communautaires de 9 628 597 francs ;
Qu'ils relèvent, par ailleurs, que constitue des manoeuvres frauduleuses le fait pour Moïse Y... d'avoir, de décembre 1982 à 1984, à la suite d'une entente avec des coopérateurs et des négociants, effectué des livraisons, en vue de leur exportation, de blé meunier mélangé à du blé fourrager et à des débris de blé destinés à l'alimentation animale, ainsi que d'orge mélangé avec de l'avoine ; que ces manipulations, dont certaines ont été effectuées dans le Silo du Havre, ont porté sur des quantités de déchets de blé et d'avoine ayant donné lieu à des subventions communautaires indues de 3 358 688 francs ;
Qu'ils énoncent que les prévenus ne sauraient invoquer les dispositions du règlement CEE n° 3183-80 admettant une fourchette de discordance de 5 % par rapport aux quantités indiquées dans les documents d'exportation, cette tolérance ne pouvant bénéficier qu'aux intervenants de bonne foi ; qu'ils ajoutent que les prévenus avaient un intérêt direct à la fraude qui leur a permis de revendre, de manière occulte, les quantités de blé non livrées et que Michel X... a perçu personnellement, en espèces, de la société Grainex diverses sommes en rémunération de sa collaboration ;
Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a caractérisé sans insuffisance le délit prévu à l'article 426. 4°, du Code des douanes et retenu à la charge des prévenus ;
Qu'en effet, il n'importe que l'auteur des manoeuvres frauduleuses ayant eu pour but ou pour effet d'obtenir un avantage n'ait pas personnellement souscrit les déclarations à l'exportation ni perçu les subventions indues ;
Que, dès lors, les moyens doivent être écartés ;
Sur le cinquième moyen de cassation proposé pour Michel X... et pris de la violation des articles 414, 426. 4°, 377 bis du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Michel X... à payer à l'administration des Douanes des amendes sanctionnant les 2 délits douaniers et des sommes pour tenir lieu de confiscation de la marchandise de fraude ;
" alors, d'une part, que, en ce que ces condamnations se rapportent aussi à des faits atteints par la prescription, elles sont entachées d'illégalité absolue ;
" alors, d'autre part, que les amendes et les sommes tenant lieu de confiscation devant être fixées à partir de la valeur de la marchandise fraudée à la date de la fraude, la Cour, qui ne s'est pas expliquée sur la valeur des céréales prétendument fraudées à cette date, n'a donné aucune base légale à sa décision " ;
Sur le sixième moyen de cassation proposé pour Moïse Y... et pris de la violation des articles 414, 426, 4°, 377 bis du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné le prévenu à payer au titre des infractions douanières des sommes de : 150 000 francs d'amende en ce qui concerne le délit constitué par les manoeuvres frauduleuses sur la quantité de marchandises livrées, et 50 000 francs d'amende en ce qui concerne l'infraction constituée par les manoeuvres frauduleuses sur la qualité des céréales livrées ;
" alors, d'une part, que, aux termes de l'article 414 du Code des douanes, tout fait d'exportation sans déclaration, lorsque ces infractions se rapportent à des marchandises de la catégorie de celles qui sont prohibées ou fortement taxées est, entre autres, puni d'une amende comprise entre 1 et 2 fois la valeur de l'objet de fraude ; que cette sanction ne peut être prononcée que pour les faits qui ne sont pas atteints par la prescription à la date des poursuites ; qu'en l'espèce, la déclaration de culpabilité se rapportant également à des faits prescrits (cf. troisième moyen de cassation), l'amende prononcée, en ce qu'elle a également pour objet de sanctionner ces faits, est illégale ;
" alors, d'autre part, que, faute de s'être expliquée sur la valeur des céréales prétendument fraudées, la cour d'appel n'a pas donné de base légale aux amendes prononcées " ;
Sur le septième moyen de cassation proposé pour Moïse Y... et pris de la violation des articles 435, 426. 4° du Code des douanes, 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 de la Déclaration universelle des droits de l'homme (1948), 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 4 de l'ancien Code pénal, 112-1 du nouveau Code pénal, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation du principe de la légalité des délits et des peines :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné le prévenu à payer :
23 809 581 francs au titre de la confiscation sur l'infraction constituée par les manoeuvres frauduleuses portant sur la quantité de céréales livrées et 2 311 392 francs au titre de la confiscation relative au délit constitué par des manoeuvres frauduleuses sur la qualité des céréales livrées ;
" alors que l'article 435 du Code des douanes porte que, lorsque les objets susceptibles de confiscation n'ont pu être saisis ou lorsque, ayant été saisis, la douane en fait la demande, le tribunal prononce, pour tenir lieu de confiscation, la condamnation au paiement d'une somme égale à la valeur représentée par lesdits objets et calculée d'après le cours du marché intérieur à l'époque où la fraude a été commise ; qu'en l'espèce, où aucune des énonciations de l'arrêt attaqué ne précise quelle était la valeur des marchandises susceptibles de confiscation au cours du marché intérieur à l'époque de la fraude, la Cour de Cassation n'est pas en mesure d'exercer son contrôle de la légalité de la condamnation prononcée contre le prévenu au titre de la confiscation " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que l'arrêt attaqué n'a retenu à la charge des prévenus que les faits commis après le 27 décembre 1982 et a précisé tant la quantité que la valeur des marchandises fraudées ;
Que les moyens, qui manquent en fait, ne peuvent qu'être écartés ;
Sur le sixième moyen de cassation proposé pour Michel X... et pris de la violation des articles 414, 423, 426, 432, 432 bis, 377 bis du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné le prévenu à payer les sommes de : 4 252 557 francs correspondant aux aides indues relativement à l'infraction de manoeuvres frauduleuses ayant porté sur la quantité de céréales livrées, et 477 439 francs correspondant aux aides indues relatives à l'infraction constituée par les manoeuvres frauduleuses portant sur la qualité des céréales livrées ;
" alors, d'une part, que la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que la cour d'appel qui a relevé que Michel X... ne bénéficiait pas lui-même de subventions communautaires (arrêt page 193, paragraphe 2) ne pouvait, sans se contredire et prononcer par conséquent des sanctions illégales, lui faire application des dispositions de l'article 377 bis du Code des douanes et le condamner à payer des sommes qu'il n'a pas perçues ;
" alors, d'autre part, que Michel X... ayant fait valoir dans ses conclusions qu'aucune donnée objective quant à la façon dont les tonnages, droits et aides indues avaient été calculés, la Cour ne pouvait prononcer de condamnation de ce chef qu'après s'être expliquée sur la manière dont avaient été calculées les aides perçues ; que, faute de l'avoir fait, elle a privé sa décision de toute base légale " ;
Sur le huitième moyen de cassation proposé pour Moïse Y... et pris de la violation des articles 414, 423, 426, 432, 432 bis et 377 bis du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné le prévenu à payer les sommes de : 4 252 557 francs correspondant aux aides indues relativement à l'infraction de manoeuvres frauduleuses ayant porté sur la quantité des céréales livrées, et 477 439 francs correspondant aux aides indues relatives à l'infraction constituée par les manoeuvres frauduleuses portant sur la qualité des céréales livrées ;
" alors, d'une part, que, aux termes de l'article 377 bis du Code des douanes, les tribunaux ordonnent, en sus des pénalités fiscales, le paiement des sommes fraudées ou indûment obtenues ; qu'en l'espèce, en condamnant le prévenu à payer les sommes susmentionnées tout en constatant (jugement page 28, paragraphe 3, lignes 3 et 4, arrêt page 186, paragraphe 5) que la Grainex ne bénéficiait pas, en ce qui concerne les subventions à l'exportation, d'aides communautaires, la cour d'appel n'a donné aucune base légale à la sanction prononcée ;
" alors, d'autre part, que, dans ses conclusions, le prévenu avait fait valoir qu'un jugement du tribunal administratif de Paris, en date du 2 février 1994, avait décidé que les exportations du silo du Havre éligibles à restitution n'avaient généré aucun avantage indu attaché auxdites exportations et qu'en conséquence, l'infraction poursuivie à son encontre n'était pas constituée ; que, faute de s'être expliquée sur ce moyen des conclusions qui faisaient apparaître qu'aucune restitution indue n'avait pu bénéficier au demandeur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour condamner les prévenus au paiement des subventions indûment obtenues par les exportateurs, en application de l'article 377 bis du Code des douanes, les juges ont retenu le montant des sommes fraudées indiquées par l'Administration ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Que, d'une part, le paiement des sommes fraudées en application de l'article 377 bis du Code des douanes peut être mis à la charge des personnes déclarées coupables de la fraude ou intéressées à celle-ci ;
Que, d'autre part, la décision administrative invoquée, d'ailleurs non définitive, n'avait aucune autorité de la chose jugée ;
Qu'enfin, les juges, pour évaluer le montant des sommes fraudées, sont fondés à adopter les valeurs fournies par l'Administration, cette appréciation échappant au contrôle de la Cour de Cassation ;
Que, dès lors, les moyens ne peuvent être accueillis ;
Mais sur le moyen relevé d'office et pris de la violation des articles 369, paragraphe 1, du Code des douanes et des articles 322 et 323 de la loi du 16 décembre 1992 :
Vu l'article 369, paragraphe 1, du Code des douanes ;
Attendu que, selon ce texte, le tribunal, s'il retient des circonstances atténuantes, peut réduire le montant des amendes fiscales jusqu'au tiers de leur montant minimal ;
Attendu qu'après avoir déclaré les prévenus coupables du délit prévu à l'article 426. 4°, du Code des douanes, les juges, pour les condamner au paiement de sommes inférieures au tiers de la valeur des marchandises de fraude à titre d'amende fiscale, se fondant sur les dispositions de l'article 322 de la loi du 16 décembre 1992, énoncent qu'ils ne sauraient être tenus par une peine d'amende minimale ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que, d'une part, l'article 322 de la loi du 16 décembre 1992 n'est pas applicable aux amendes fiscales, proportionnelles à la valeur des marchandises de fraude, qui ont le double caractère de sanctions pénales et de réparations civiles, et que, d'autre part, l'article 323 de ladite loi n'entraîne aucune modification de l'article 369, paragraphe 1, du Code des douanes, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des texte et principe ci-dessus rappelés ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Rouen, en date du 19 septembre 1996, en ses seules dispositions concernant les condamnations prononcées au titres des amendes fiscales, toutes autres dispositions étant expressément maintenues et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi dans la limite de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 96-84993
Date de la décision : 31/03/1999
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° DOUANES - Exportation sans déclaration - Marchandises - Fausses déclarations ou manoeuvres - Manoeuvres ayant pour but ou pour effet d'obtenir un avantage quelconque à l'exportation - Fraude en matière d'allocations du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole.

1° Justifie sa décision, la cour d'appel qui, pour condamner les prévenus, sur le fondement de l'article 426.4° du Code des douanes, retient, qu'à l'insu des exportateurs, non poursuivis, ayant bénéficié de subventions communautaires indues, ils ont opéré des fraudes sur la quantité et la qualité des marchandises exportées. Il n'importe que les prévenus n'aient pas personnellement effectué les déclarations à l'exportation ni perçu les avantages versés par les autorités communautaires.

2° DOUANES - Peines - Amende - Montant - Dispositions des articles 414 et 369 du Code des douanes.

2° Il résulte des dispositions combinées des articles 414 et 369.1.d du Code des douanes, auxquelles ne sont pas applicables celles des articles 322 et 323 de la loi du 16 décembre 1992, que le tribunal ne peut réduire le montant de l'amende fiscale au-dessous du 1/3 de son montant minimal, lequel est égal à la valeur de la marchandise de fraude (1).

3° DOUANES - Peines - Paiement des sommes fraudées ou indûment obtenues - Condamnation - Condition.

3° Le paiement des sommes fraudées que les tribunaux ordonnent, aux termes de l'article 377 bis du Code des douanes, en sus des pénalités fiscales, et dont l'article 369-4 du même Code leur interdit de dispenser le redevable, est mis à la charge des personnes déclarées coupables de la fraude douanière ou intéressées à celle-ci (2).


Références :

1° :
2° :
2° :
Code des douanes 369-4, 377 bis
Code des douanes 414, 369.1.d 3° :
Code des douanes 426.4°
Loi 92-1336 du 16 décembre 1992 art. 322, art. 323

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen (chambre correctionnelle), 19 septembre 1996

CONFER : (2°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1997-05-29, Bulletin criminel 1997, n° 213, p. 697 (cassation partielle). CONFER : (3°). (2) Cf. Chambre criminelle, 1990-05-10, Bulletin criminel 1990, n° 181 (1°), p. 459 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 31 mar. 1999, pourvoi n°96-84993, Bull. crim. criminel 1999 N° 67 p. 170
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1999 N° 67 p. 170

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gomez
Avocat général : Avocat général : M. Cotte.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Schumacher.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Boré et Xavier, la SCP Célice, Blancpain et Soltner, la SCP Delaporte et Briard, la SCP Guy Lesourd.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:96.84993
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