Attendu qu'à la suite de la parution du numéro du 22 décembre 1993 de " Y... " portant le titre de couverture " Loi Falloux-Vive la calotte ", l'Alliance générale contre le racisme et pour le respect de l'identité française et chrétienne (AGRIF) estimant que 6 caricatures étaient constitutives d'injures ou de provocation à la discrimination et à la haine envers les chrétiens au sens des articles 24 et 29 de la loi de 1881 ou, à tout le moins, d'une faute civile, a assigné M. X..., directeur de la publication du journal " Y... " et la société Z..., société éditrice ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 16 avril 1996) d'avoir déclaré que le dessin représentant le chanteur Mickael Jackson se livrant à un acte de pédophilie sur l'enfant Jésus et celui représentant l'enfant Jésus sous les traits d'Hitler ne pouvaient constituer des fautes distinctes du délit de provocation à la discrimination, à la haine et à la violence en raison de la religion et susceptibles de donner lieu à réparation sur le fondement de l'article 1382 du Code civil alors, selon le moyen, qu'un même propos ou un même dessin peut constituer à la fois le délit de provocation à la discrimination prévu et réprimé par l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 et une faute susceptible de donner lieu à réparation sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, que l'action fondée sur ce dernier texte est recevable dès lors qu'est rapportée la preuve d'une faute distincte du délit de provocation à la discrimination et qu'en limitant la portée générale de l'article 1382 du Code civil, la cour d'appel a violé ce texte par refus d'application ;
Mais attendu que c'est à bon droit que l'arrêt a retenu que l'action en réparation fondée sur l'article 1382 du Code civil n'est recevable qu'à la condition que les faits mêmes invoqués à l'appui de cette action soient distincts de ceux qui constituent les infractions prévues et réprimées par la loi du 29 juillet 1881 ;
Et attendu que la cour d'appel a retenu que les deux caricatures litigieuses tendant à provoquer à la haine ou à la violence à raison de la religion, aucune faute distincte n'était susceptible de soustraire les faits à l'application de la loi du 29 juillet 1881 ; qu'ayant relevé que plus de trois mois s'étaient écoulés entre l'assignation et les premières conclusions de la partie poursuivante, la cour d'appel en a exactement déduit que la prescription de l'action en réparation était acquise, pour ces faits ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir déclaré que les quatre autres dessins ne constituaient pas une faute au sens de l'article 1382 du Code civil, alors, selon le moyen, que ces dessins représentant des personnages et des symboles religieux assortis de légendes outrancières et provocantes sont incontestablement de nature à blesser le sentiment religieux des catholiques et caractérisent donc une faute et que dès lors, la cour d'appel a encore violé l'article 1382 du Code civil par refus d'application ;
Mais attendu que les quatre dessins, le premier représentant, sous la légende " Loi Falloux : des crédits pour les fournitures scolaires " un personnage porteur d'une cagoule sur laquelle figure une croix et qui pratique une castration avec une tenaille, le deuxième, légendé " Anniversaire : l'inventeur de l'école privée a 1993 ans ", montrant deux pieds écrasant la tête de l'enfant Jésus, le troisième, sous-titré " Noël et la loi Falloux : massacre dans les crèches laïques ", faisant apparaître deux ecclésiastiques armés d'épées et de lances éventrant des enfants et le quatrième, titré " ils veulent de l'argent, donnons leur du plomb ! " représentant une main armée d'un révolver tirant à bout portant sur la tempe de l'enfant Jésus, tendent également à provoquer à la haine ou à la violence à raison de la religion ;
Et attendu que l'arrêt ayant retenu que l'AGRIF n'avait fait signifier, dans les trois mois suivant la signification de son assignation, aucun acte manifestant son intention de poursuivre son action fondée sur l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881, l'action, pour ces quatre dessins, se trouve prescrite comme pour ceux visés dans le premier moyen ;
Que par ce motif substitué, l'arrêt se trouve légalement justifié ;
Et sur le pourvoi incident : (sans intérêt) ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois.