Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt partiellement confirmatif attaqué, qu'en 1991 la société L'Hermine bijouterie-joaillerie Le Jasmin (société L'Hermine), dont le siège social est à Marseille, a assigné la SAF des montres Rolex (société Rolex) pour qu'elle soit condamnée à lui livrer ses produits, ainsi qu'à lui verser des dommages-intérêts pour le refus de vente injustifié qui lui avait été opposé ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Rolex fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée au paiement de dommages-intérêts, alors, selon le pourvoi, que le caractère fautif du refus de vente doit s'apprécier au jour où ce refus est intervenu ; que l'instance introduite le 23 mai 1991 par la société L'Hermine avait pour objet de faire déclarer fautif un refus opposé à cette société en avril 1991 ; que la cour d'appel ne pouvait donc apprécier les justifications de ce refus que d'après les éléments de la situation économique (éléments fournis par la SAF des montres Rolex pour les années 1988, 1989 et 1990) ; qu'en se déterminant au contraire d'après le montant du chiffre d'affaire réalisé en 1991 et en 1992, soit postérieurement au refus critiqué, pour en déduire le caractère prétendument fautif de celui-ci, la cour d'appel a violé les articles 1382 du Code civil et 36-2 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, alors applicables ;
Mais attendu que la cour d'appel n'a fait qu'user de son pouvoir d'appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis en constatant que, depuis le 22 janvier 1987, date où la société Rolex avait fait savoir pour la première fois à la société L'Hermine qu'elle ne désirait pas augmenter le nombre de ses distributeurs à Marseille, qui était alors de cinq, son chiffre d'affaire avait été en " très nette augmentation ", alors même qu'à cette " augmentation " correspondait une diminution du nombre des revendeurs qui n'étaient plus que trois après 1988 ; qu'ayant également relevé que la licéité du réseau de distribution des montres Rolex n'était pas discutée et que le refus d'agrément opposé à la société L'Hermine n'était pas motivé par le fait qu'elle ne remplirait pas les critères qualitatifs exigés, la cour d'appel a pu estimer que la société Rolex avait engagé sa responsabilité et devait indemniser la société L'Hermine " du préjudice qu'elle lui (avait) directement causé en la privant du bénéfice qu'elle aurait retiré d'une telle concession " ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 14 de la loi n° 96-588 du 1er juillet 1996 modifiant l'article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence ;
Attendu que l'arrêt, après avoir énoncé dans ses motifs que la société Rolex doit " par ailleurs être condamnée sous astreinte à satisfaire à la commande de la société L'Hermine ", précise dans son dispositif qu'il lui est enjoint : " de fournir à la société L'Hermine, dans le mois de la signification du présent arrêt, tous les documents nécessaires pour lui permettre de passer commande des produits qu'elle fabrique ou distribue " et " de satisfaire à la commande de (cette société) dans les deux mois de sa notification par lettre recommandée avec demande d'avis de réception " ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'à la date où l'arrêt est intervenu, l'article 14 de la loi n° 96-588 du 1er juillet 1996 avait abrogé les dispositions de l'article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 sanctionnant le refus de vente entre professionnels, qui ne constitue plus en soi une faute civile, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du second moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a enjoint à la société Rolex de satisfaire aux commandes de la société L'Hermine intervenues après le prononcé de l'arrêt de la cour d'appel, l'arrêt rendu le 22 novembre 1996, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry.