Sur le moyen unique, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du nouveau Code de procédure civile :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 octobre 1996), que la société de télévision TF1 a diffusé, dans son émission " 52 sur la Une " du 5 janvier 1994, les propos suivants : " Nous avons déjà découvert, dans l'enquête précédente, que les pédophiles lisent un guide, le guide Spartacus, répandu dans le monde entier. Grâce à l'indication YC, young company, jeunes gens, ils n'ont aucun mal à trouver ce qu'ils cherchent... A Bangkok non plus, il n'est pas difficile de trouver des bars ou des hôtels avec la mention "YC" dans le guide Spartacus " ;
Que s'estimant diffamée, la société Bruno Gmunder Verlag OHG (la société), éditrice de l'ouvrage intitulé " International Gay Guide Spartacus " a assigné la société de télévision (TF1) en réparation de son préjudice ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir condamné TF1 à des dommages-intérêts, après avoir écarté l'exception de vérité invoquée par elle, alors, selon le moyen, qu'en premier lieu, pour être admises au titre de l'offre de preuve de la vérité des faits diffamatoires, les pièces visées par l'article 55 de la loi du 29 juillet 1881 doivent concerner des faits antérieurs à la publication jugée diffamatoire ; qu'il n'est pas exigé que lesdites pièces soient en outre antérieures à cette publication ; qu'en énonçant que le journaliste doit détenir les éléments destinés à établir l'authenticité des informations pouvant être jugées diffamatoires au moment de leur publication, pour en déduire qu'il n'y avait pas lieu de tenir compte des pièces versées aux débats qui sont, à de rares exceptions près datées de novembre 1994 soit postérieurement à la diffusion de l'émission litigieuse, la cour d'appel a violé l'article 55 de la loi du 29 juillet 1881 ; qu'en deuxième lieu, l'arrêt se borne à énoncer que les documents produits aux débats et destinés à établir la vérité des faits diffamatoires sont, " à de très rares exceptions près " postérieurs à la diffusion de l'émission litigieuse ; qu'en omettant de préciser quels étaient les documents écartés des débats et quels étaient ceux qui seraient antérieurs à la diffusion de l'émission, la cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de base légale au regard de l'article 55 de la loi du 29 juillet 1881 ; qu'en troisième lieu, la société TF1 avait invoqué des passages de l'enquête précédemment diffusée lors de la première partie de l'émission diffusée en avril 1993 et notamment des documents filmés avec une caméra cachée établissant la présence d'enfants se livrant à la prostitution dans des établissements indiqués dans le guide Spartacus avec la mention " YC ", qu'en rejetant cette offre de preuve au motif inopérant qu'il s'agissait de la première partie de l'émission dont la société TF1 était productrice, la cour d'appel a violé les articles 35 et 55 de la loi du 29 juillet 1881 ; qu'en quatrième lieu, pour affirmer que le témoignage de M. X... invoqué par la société TF1 ne corroborait pas la thèse qu'elle développait, la cour d'appel s'est bornée à citer le passage suivant : " le guide Spartacus existe toujours mais il est pratiquement strictement à but homosexuel tandis qu'autrefois c'était un guide nettement pédophile " ; qu'en omettant de mentionner qu'au cours de la même interview M. X... ajoutait : " On voit quand même aujourd'hui dans le guide Spartacus qu'ils ont maintenu les indications "YC" qui indiquent qu'on peut trouver des jeunes enfants dans certains coins, malgré tout ? Cela reste encore. ", la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du témoignage de M. X... en violation de l'article 1134 du Code civil ; qu'en cinquième lieu, la société TF1 avait soutenu dans ses conclusions d'appel que la mention " YC " figurant dans le guide Spartacus au regard de certaines adresses d'établissements correspondait auparavant à l'expression " Young Company " à laquelle la société éditrice du guide avait substitué l'expression " Young Crowd ", traduit par " Public jeune ", pour éviter de s'exposer aux critiques des associations luttant contre la pédophilie ; que toutefois le maintien des mêmes initiales au regard des mêmes établissements ne pouvait pas tromper le lecteur averti ;
qu'en se bornant à énoncer que les lettres " YC " se référaient à " Young Crowd ", sans rechercher si le maintien des mêmes initiales ne corroborait pas les propos litigieux, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; qu'en sixième lieu, la société TF1 avait aussi invoqué le témoignage de Mme Y..., de Médecins sans frontières, selon laquelle le guide Spartacus lui avait servi, durant 4 ans d'enquête, à retrouver les enfants livrés à la prostitution dans les établissements portant la mention " YC " et qu'il y avait bien une corrélation directe entre les hôtels dans lesquels ce commerce illicite existait et le guide ; que le témoignage de Mme Y... était cité dans les conclusions d'appel, de la société TF1 ; que la cour d'appel, qui n'a pas précisé si ce témoignage était postérieur à l'émission litigieuse, ne l'a ni mentionné ni recherché s'il n'était pas de nature à établir la vérité des propos litigieux, violant ainsi l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'il résulte des termes impératifs de l'article 55 de la loi du 29 juillet 1881, applicable devant la juridiction civile, qu'une pièce non notifiée dans le délai de 10 jours édicté par ce texte ne peut être produite pour appuyer l'offre de preuve, et la juridiction saisie ne peut en faire état pour former sa conviction ;
Et attendu qu'il ne ressort d'aucune énonciation de l'arrêt ni d'aucunes conclusions, ni productions qu'à la suite de l'assignation du 1er avril 1994, TF1 ait dénoncé une offre de preuve de la vérité des faits diffamatoires, dans les conditions et délais prévus par le texte précité ; qu'elle était donc déchue du droit de faire cette preuve ; que par ce motif de pur droit substitué à ceux critiqués par le moyen, la décision est légalement justifiée ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.