CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- Z... Hugues, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, en date du 21 octobre 1997, qui l'a débouté de ses demandes après relaxe de Claude Y... du chef de rébellion.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 433-6 du nouveau Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé Claude Y... du délit de rébellion, déboutant par conséquent le demandeur de l'ensemble de ses demandes ;
" aux motifs que, lors de son audition par l'Inspection générale des services, aussitôt après les faits, le 31 août 1996, Hugues Z... a déclaré que, vers la rue de Belleville, il avait apercu un groupe ; qu'il avait vu Claude Y..., qui était revêtu d'un blouson rouge, taper sur des véhicules en stationnement avec un tube en plastique, puis lancer un de ces objets sur des motocyclistes de la Préfecture de Police ; qu'il n'avait pas perdu de vue Claude Y..., qui était entré dans le bar " le Zorba " et qu'il avait décidé de l'interpeller à l'arrivée de ses collègues de la BAC du 10e arrondissement ; qu'il s'était dirigé vers Claude Y... et lui avait pris le bras ; que Claude Y... s'était dégagé et avait tenté de lui porter des coups ; qu'il lui avait fait une clé au bras et l'avait fait sortir de l'établissement avec un collègue de l'autre équipe, tandis que l'intéressé essayait de se dégager en donnant des coups de pied et en se cognant la tête contre le comptoir ; que Patrick X... a déclaré qu'Hugues Z... et lui-même s'étaient occupés de l'interpellation de Claude Y... dans le bar, et que celui-ci ne s'était pas laissé faire, tentant de dégager son bras et aussi de porter des coups au brigadier Z... ; que Claude Y... a contesté s'être rebellé, et qu'Hugues Z... ne fait pas état d'une résistance violente, mais de gestes esquissés par Claude Y... en vue de marquer sa réprobation et qui n'ont en aucun cas atteint Hugues Z..., selon les propres déclarations de ce dernier ; qu'Hugues Z..., ou Patrick X..., ont affirmé que Claude Y... avait " tenté de porter des coups ", ou " tenté de dégager (le) bras et aussi de porter des coups " ; que ces affirmations sont en contradiction avec les premières déclarations d'Hugues Z... le 29 août 1996, selon lesquelles Claude Y... " avait fortement résisté au cours de l'interpellation " ; qu'Hugues Z..., tant devant le tribunal que devant la Cour, a seulement confirmé qu'il avait fait une clé au bras de Claude Y..., car celui-ci voulait " se laisser chuter sur le sol ", et qu'il avait conduit l'intéressé ainsi vers la sortie du café " le Zorba " ; qu'il est établi que l'intervention des forces de police s'est déroulée, aux dires des témoins et des fonctionnaires de police eux-mêmes, dans un climat de tension extrême, et que les 6 policiers présents ont dû agir rapidement et en force, dans ce contexte, pour interpeller Claude Y... ;
" alors que le délit de rébellion est constitué dès lors que la résistance a été accompagnée de violences qui, sans atteindre matériellement l'officier public, ont entravé son action ; qu'ainsi, en se fondant sur la circonstance inopérante que le demandeur n'avait pas été atteint par les gestes du prévenu, tout en constatant que ce dernier avait tenté de lui porter des coups, ce qui était de nature à empêcher le brigadier de police d'exercer sa mission, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations, violant les textes susvisés " " ;
Vu les articles 433-6 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte du jugement et de l'arrêt attaqué qu'à la suite d'incidents consécutifs à une manifestation, des fonctionnaires de police ont interpellé, dans un café où il s'était réfugié, Claude Y..., soupçonné d'avoir lancé des projectiles sur les forces de l'ordre ;
Que Claude Y..., poursuivi pour violences sur la personne de 2 agents de la force publique et rébellion à l'égard d'Hugues Z..., brigadier de police, lors de son interpellation, en a été déclaré coupable par le tribunal correctionnel, qui l'a condamné à des réparations civiles au profit du demandeur ;
Attendu que, pour le renvoyer des fins de la poursuite et débouter Hugues Z... de ses demandes, l'arrêt, après avoir relevé les contradictions entre les déclarations successives des fonctionnaires de police quant au comportement du prévenu, énonce que, selon le gardien de la paix Patrick X..., Claude Y..., lors de son interpellation, " ne s'est pas laissé faire, tentant de porter des coups au brigadier Z... ", et que ce dernier ne fait pas état d'une résistance violente, mais de gestes esquissés par le prévenu, et ne l'ayant pas atteint ; que les juges ajoutent que l'intervention des forces de police s'est déroulée dans un climat de tension extrême, et que les 6 policiers présents ont dû agir en force pour interpeller Claude Y... ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que caractérise, notamment, le délit de rébellion tout acte de résistance active à l'intervention des agents dépositaires de l'autorité publique, même sans atteinte physique à la personne de ces derniers, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 21 octobre 1997, mais en ses seules dispositions civiles, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et, pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles.