Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 9 janvier 1996), que M. Y..., propriétaire d'un immeuble comportant deux corps de bâtiments et une cour, a assigné les époux X..., propriétaires de la maison voisine, pour obtenir la suppression d'une fenêtre ouverte en 1992 au motif qu'elle créait des vues droites sur sa propriété ; que les époux X... se sont opposés à la demande en prétendant que cette fenêtre donnait sur un trottoir dépendant du domaine public ;
Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt de décider que la fenêtre objet du litige doit être mise en conformité avec les dispositions du Code civil, alors, selon le moyen, 1° que l'autorité administrative ayant seule le pouvoir de statuer sur l'étendue et les limites du domaine public, notamment en ce qui concerne la voirie, le juge judiciaire, saisi d'un litige qui soulève une difficulté sur ce point, doit surseoir à statuer sur le fond jusqu'à ce que la juridiction administrative ait tranché cette question préjudicielle ; qu'en l'espèce, la résolution du différend relatif à une servitude de vue supposait la détermination préalable et nécessaire de l'étendue et des limites d'une voie publique sur laquelle ouvrait la fenêtre litigieuse, notamment par l'appréciation de la portée de divers actes administratifs, tels des arrêtés municipaux d'alignement ; qu'en déclarant, néanmoins, que ce trottoir n'appartenait pas au domaine public, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs en violation de l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III ; 2° que, subsidiairement, les trottoirs, dépendances de la voie publique routière, laquelle appartient par sa nature au domaine public, font à ce titre partie eux-mêmes du domaine public ; qu'en décidant cependant que le trottoir sur lequel ouvrait la fenêtre litigieuse n'appartenait pas au domaine public, la cour d'appel a violé l'article L. 111-1 du Code de la voirie routière et l'article 538 du Code civil ; 3° qu'une voie urbaine fait partie du domaine public dès lors qu'elle est, de fait, utilisée pour la circulation publique ; qu'en présumant que la partie du trottoir sur laquelle donnait la fenêtre litigieuse n'appartenait pas au domaine public, sans rechercher si ce trottoir, non clôturé et ouvert intégralement à la circulation publique, ne faisait pas de la sorte partie en son entier du domaine public, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 538 du Code civil et de l'article L. 111-1 du Code de la voirie routière ; 4° que l'arrêté d'alignement, qui détermine la limite du domaine public routier au droit des propriétés riveraines, ayant un effet purement déclaratif, ne fait ainsi que constater une situation préexistante ; qu'il résultait en l'espèce de deux arrêtés d'alignement en date des 11 mai 1993 et 14 février 1995 que la limite de propriété du voisin s'arrêtait au " nu extérieur (de son) mur de clôture " et que le domaine public s'étendait en conséquence à l'intégralité du trottoir au-delà de cette clôture, si bien qu'en déclarant " sans incidence " sur le litige la constatation par ces arrêtés d'une situation préexistante révélant l'appartenance entière du trottoir au domaine public, la cour d'appel a violé les articles L. 112-1 et suivants du Code de la voirie routière ; 5° que la procédure d'alignement ne peut s'appliquer qu'aux voies publiques, dont elle fixe les limites, et non aux voies privées ; que les arrêtés d'alignement des 11 mai 1993 et 14 février 1995 ayant donné pour limite au domaine public le mur de clôture du voisin, l'arrêt attaqué ne pouvait décider que la propriété privée de ce dernier s'étendait au-delà ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 112-1 et suivants du Code de la voirie routière ;
Mais attendu, d'une part, que les époux X... ont soulevé pour la première fois devant la Cour de Cassation l'exception tirée de l'existence d'une question préjudicielle ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que le mur et le portail clôturant la cour de M. Toupin se trouve en retrait par rapport à l'immeuble des époux X... et ayant constaté qu'il résultait des métrés figurant sur les plans produits par M. Y..., non contestés par les époux X..., que la surface théorique de la cour appartenant à M. Y... était de 1 a 26 ca alors que la superficie réelle jusqu'au mur de clôture était de 1 a 11 ca, que la partie du trottoir revendiquée par M. Y... était de 15,39 ca, y compris l'épaisseur du mur, ce qui correspondait exactement à la surface manquante, que l'examen des photographies produites faisait apparaître que le terrain litigieux était pavé, alors que l'autre partie du trottoir ne l'était pas, et que M. Y... y avait déposé des quartiers de roches et une vasque de fleurs, la cour d'appel a, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérantes, retenu que la revendication de la propriété de partie du trottoir par M. Y... était fondée et a estimé, à bon droit, que l'arrêté d'alignement du 14 février 1995 était sans incidence sur le litige ;
D'où il suit que, pour partie irrecevable, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.