Sur le moyen unique :
Attendu que, du 6 mai 1991 au 15 février 1992, la société Auchelaine a conclu 22 contrats de travail temporaire avec la société Ecco qui avait mis à sa disposition M. X... ; que, le 12 février 1992, le salarié a été victime d'un accident du travail ; que le directeur du personnel de la société Auchelaine a été poursuivi devant le tribunal correctionnel de Béthune pour avoir eu recours au travail temporaire afin de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise en infraction de l'article L. 124-2 du Code du travail ; que, par jugement du 29 octobre 1994, il a été relaxé de ce chef et condamné du chef d'emploi de main d'oeuvre temporaire sans contrat valable de mise à disposition ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour demander la requalification de son contrat de travail en un contrat à durée indéterminée le liant à la société Auchelaine, pour obtenir sa réintégration ou, à défaut, le paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que la société Auchelaine fait grief à l'arrêt attaqué (Douai, 29 mars 1996) de l'avoir condamnée à payer à M. X..., salarié mis à sa disposition par la société Ecco, entreprise de travail temporaire, une somme à titre de dommages-intérêts en application de l'article L. 122-32-2 du Code du travail, alors, selon le moyen, que le salarié lié par un contrat de travail temporaire a pour employeur l'entreprise de travail temporaire et non l'entreprise utilisatrice, que seule la poursuite de la mission en l'absence de tout contrat de mise à disposition ou la conclusion d'un tel contrat pour pourvoir un poste de travail permanent dans l'entreprise dans des conditions ne satisfaisant pas aux exigences des articles L. 124-2 à L. 124-2-4, peut permettre au salarié de se prévaloir de l'existence d'un contrat de travail à durée indéterminée le liant à l'utilisateur, que les seules irrégularités prises de la conclusion tardive des contrats de mission ou du non-respect du délai imparti en cas de missions successives pour pourvoir un même poste, en l'état de contrats de mission dont l'existence même n'est pas contestée, ne sauraient permettre au salarié de se prévaloir de l'existence d'un contrat de travail à durée indéterminée le liant à la société utilisatrice, que la décision du tribunal correctionnel de Béthune du 29 octobre 1994 n'avait autorité de la chose jugée qu'en ce qui concerne la matérialité des faits qu'elle constate, qu'en considérant que la seule condamnation prononcée au regard de l'article L. 124-3 du Code du travail suffisait à elle seule pour requalifier les contrats intérimaires en un contrat à durée indéterminée, la cour d'appel a méconnu la portée des articles L. 124-3 et L. 124-7 du Code du travail et le principe de l'autorité au civil de la chose jugée au pénal et les a violés et alors que l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil interdisait à la cour d'appel de dire que la société Auchelaine avait eu recours au travail temporaire pour pourvoir un emploi normal et permanent de l'entreprise, fait dont, par décision définitive du tribunal de grande instance de Béthune en date du 22 septembre 1994, la société avait été relaxée, qu'en adoptant sur ce point la motivation des premiers juges, la cour d'appel a violé le principe susénoncé et l'article 1351 du Code civil ;
Mais attendu qu'il résulte de la combinaison des articles L. 124-3, alinéa 1er, et L. 124-7, alinéa 1er, du Code du travail que lorsque l'utilisateur continue à faire travailler un salarié temporaire après la fin de sa mission sans avoir conclu avec l'entrepreneur de travail temporaire un contrat écrit de mise à disposition dans les deux jours ouvrables suivant le début de cette nouvelle mission, le salarié est réputé lié à l'utilisateur par un contrat de travail à durée indéterminée ; que l'utilisateur ne peut écarter cette présomption légale en apportant la preuve de l'existence d'un contrat verbal ou de la signature tardive d'un contrat de mise à disposition ;
Et attendu que la cour d'appel a constaté que la société Auchelaine avait continué à faire travailler M. X... sans avoir signé un contrat de mise à disposition dans le délai de deux jours suivant le début de la nouvelle mission ; qu'il en résulte que M. X... était lié à la société Auchelaine par un contrat de travail à durée indéterminée ; que, par ce motif de pur droit substitué à ceux critiqués, l'arrêt se trouve légalement justifié ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.