Sur le moyen unique :
Vu les articles 1291 du Code civil et 5 de la loi du 2 janvier 1981 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'invoquant une cession de créance consentie, selon la loi du 2 janvier 1981, par la société Gautier, la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Deux-Sèvres (la banque) a judiciairement réclamé paiement à la débitrice désignée, la société Robert ; que celle-ci lui a opposé la compensation qui serait intervenue, antérieurement à la notification de la cession, entre les créances réciproques qu'elle-même et la société Gautier avaient l'une sur l'autre, et qu'elles auraient rendu exigibles en renonçant aux acceptations souscrites par elles sur des lettres de change tirées l'une sur l'autre ; que la banque a, en réplique, fait valoir que l'échéance convenue entre les sociétés Gautier et Robert pour l'exigibilité de la créance litigieuse était, en tout cas, postérieure à l'établissement du bordereau de cession de créance et, dès lors, inopposable à son égard, peu important qu'elle ait été antérieure à la notification de cette cession à la débitrice ;
Attendu que la compensation légale ne peut être opposée au cessionnaire d'une créance qu'autant que les créances réciproques étaient certaines, liquides et exigibles avant la notification de la cession ;
Et attendu qu'en cas d'émission d'une lettre de change pour le recouvrement de l'une des créances, le tiré peut bénéficier de la compensation légale indépendamment de toute considération du terme indiqué sur l'effet, s'il ne l'a pas accepté ; que si le tiré a accepté l'effet, la compensation légale ne peut intervenir entre lui et le porteur qu'à compter de l'échéance mentionnée sur le titre cambiaire, ou de l'accord par lequel ils ont tous deux renoncé à ce terme ;
Attendu que, pour admettre l'exception de compensation légale invoquée par la société Robert, l'arrêt retient qu'il importe peu de savoir si c'est à la date de la cession elle-même ou bien à la date de la notification de la cession que se situe le moment à partir duquel la compensation de la créance cédée devient inopposable au cessionnaire, la compensation légale s'étant opérée de plein droit à l'instant même où les deux dettes se sont trouvées exister simultanément soit avant la cession ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs sans rechercher si les lettres de change tirées par les sociétés l'une sur l'autre avaient été acceptées et si, dans l'affirmative, celles-ci étaient convenues de renoncer à leurs échéances pour en compenser les montants, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 octobre 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Riom.