Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 5 octobre 1995), que le 22 juin 1994, un mouvement de grève a été déclenché aux établissements de la société SICUP (Uniroyal) de Clairoix, avec blocage des entrées et des sorties de l'usine ; qu'après qu'une ordonnance de référé du président du tribunal de grande instance de Compiègne eût ordonné la libération des lieux, des grévistes ont continué à occuper les locaux administratifs, se livrant à diverses entraves et voies de fait constatées par procès-verbaux des 4 et 5 juillet 1994 ; que le 24 août 1994, l'employeur a notifié à M. X... et à 11 autres salariés non protégés ayant participé au mouvement collectif une mise à pied de 2 semaines avec retenue du salaire correspondant ; que le 2 septembre 1994, ces 12 salariés ont saisi la formation de référé de la juridiction prud'homale pour obtenir l'annulation des sanctions et le paiement des salaires retenus ;
Sur le moyen relevé d'office, tiré de l'amnistie :
Vu l'article 15 de la loi n° 95-884 du 3 août 1995 ;
Attendu que, selon ce texte, sont amnistiés, dans les conditions prévues à l'article 14, les faits commis avant le 18 mai 1995 et retenus ou susceptibles d'être retenus comme motifs de sanctions prononcées par un employeur ;
Attendu que les 12 salariés font grief à l'arrêt d'avoir infirmé l'ordonnance de référé du conseil de prud'hommes ayant constaté la nullité des mises à pied prononcées à leur encontre ;
Mais attendu que les faits reprochés aux intéressés, n'étant pas contraires à l'honneur, aux bonnes moeurs ou à la probité, sont amnistiés en application du texte susvisé ;
Sur la recevabilité du pourvoi :
Attendu que si, en raison de l'amnistie, le pourvoi est devenu sans objet en ce qui concerne les sanctions elles-mêmes, les salariés demeurent recevables à critiquer la décision précitée en ce qu'après infirmation de l'ordonnance des premiers juges, elle les a condamnés à rembourser les sommes qui leur avaient été allouées par cette décision ;
Sur les deux moyens réunis du pourvoi des salariés :
Attendu que M. X... et les 11 autres salariés font grief à l'arrêt d'avoir infirmé l'ordonnance de référé ayant condamné la société SICUP à leur payer les sommes dues au titre de la rémunération des jours de mise à pied ; alors, selon le premier moyen, qu'il résulte de l'article 484 du nouveau Code de procédure civile que toute décision de référé est toujours provisoire ; que le juge des référés prud'homal n'était, dès lors, pas tenu de rappeler cette règle au sujet de l'ordonnance qu'il était amené à prendre ; qu'en décidant que les premiers juges, qui n'ont pas estimé utile de rappeler la règle selon laquelle ils intervenaient à titre provisoire, avaient statué à titre définitif sur le bien-fondé des sanctions litigieuses, la cour d'appel a dénaturé par adjonction les termes de l'ordonnance rendue par les premiers juges ; qu'elle a ainsi violé les articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, selon le second moyen, qu'en matière prud'homale, les dispositions de l'article R. 516-31 du Code du travail confèrent au juge des référés le pouvoir de prescrire les mesures de remise en état qui s'imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; qu'en se refusant à vérifier, comme elle était invitée à le faire, que les mesures de mise à pied litigieuses étaient des sanctions discriminatoires constitutives d'un trouble manifestement illicite justifiant l'intervention du juge des référés, la cour d'appel a méconnu l'étendue de son pouvoir et a ainsi violé l'article R. 516-31 du Code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a fait ressortir que les salariés avaient commis des voies de fait et entravé la liberté du travail, a pu décider que les sanctions ne constituaient pas un trouble manifestement illicite et que l'obligation de l'employeur au paiement des salaires était sérieusement contestable ; que les moyens ne sont pas fondés ;
PAR CES MOTIFS :
CONSTATE l'amnistie des faits et REJETTE le pourvoi.