REJET du pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Versailles, en date du 10 février 1998, qui l'a renvoyé devant la cour d'assises des Hauts-de-Seine, sous l'accusation de viols sur mineures de 15 ans par personne ayant autorité et délits connexes.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 4 du protocole n° 7 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles 332 de l'ancien Code pénal, 1351 du Code civil, 7, 211, 214, 591 à 593 du Code de procédure pénale, contradiction de motifs :
" en ce que la chambre d'accusation a renvoyé X... devant la cour d'assises des Hauts-de-Seine, pour y répondre de l'accusation d'avoir commis des actes de pénétration sexuelle sur la personne de sa soeur, Y..., avec la circonstance que la victime était mineure de 15 ans au moment des faits, écartant les exceptions de prescription et d'autorité de la chose jugée qui lui étaient soumises ;
" aux motifs que différents éléments du dossier permettaient de retenir à l'encontre du mis en examen, en dépit de ses dénégations, l'existence de charges suffisantes du chef de viols sur Y... ; que l'article 7, alinéa 3, du Code de procédure pénale faisait courir le délai de prescription à compter de la majorité de la victime, en cas de crime commis par une personne ayant autorité sur elle ; que la mise en oeuvre de cet article ne nécessitait pas le dépôt d'une plainte, mais la révélation des faits aux autorités compétentes ; qu'en l'espèce, Y... avait déposé plainte auprès de la gendarmerie, le 8 janvier 1992 ; que ce dépôt de plainte avait été déposé moins de 10 ans après la survenance de la majorité de la victime, en date du 23 juin 1983 ; que X... avait autorité sur sa soeur au moment des faits ; que la chambre d'accusation de Bourges n'avait pas été saisie des faits dont aurait été victime Y... ; que l'arrêt de cette juridiction constatant la prescription des infractions reprochées à X... ne faisait référence auxdits faits que dans la partie consacrée aux renseignements et à la personnalité ; qu'il n'avait pas prononcé un non-lieu de ce chef ; que cette décision n'avait donc pas l'autorité de la chose jugée (arrêt attaqué, pages 11 et 12) ;
" alors qu'il ressort des constatations mêmes de l'arrêt attaqué (pages 3 et 4) que la déclaration de Y... aux gendarmes, le 8 janvier 1992, était une plainte et que cette plainte avait été transmise au juge d'instruction mandant, à Nevers ; que la chambre d'accusation de la cour d'appel de Bourges, saisie elle aussi de cette plainte, avait estimé que les faits de viols dénoncés par Y... étaient prescrits (arrêt, page 4, 4e alinéa) ; que la chambre d'accusation de Versailles ne pouvait donc affirmer par ailleurs que la prescription décennale, pour les faits dont elle était elle-même saisie, avait été interrompue par la même plainte du 8 janvier 1992 (arrêt, page 11, dernier alinéa) et que la chambre d'accusation de Bourges n'avait pas statué sur la prescription des faits de viol sur la personne de Y... dénoncés dans cette plainte (arrêt, page 12) " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 8 janvier 1992, au cours de son audition en qualité de témoin dans une information suivie contre son frère, X..., Y..., née le 23 juin 1965, a déclaré incidemment aux services de gendarmerie avoir été victime de viols commis par celui-ci alors qu'elle était mineure ;
Que le procès-verbal recueillant ces déclarations a été adressé au juge d'instruction mandant, qui, par une ordonnance de soit-communiqué en date du 20 février 1992, l'a transmis au procureur de la République ; que celui-ci a estimé, par réquisitions du même jour, qu'il n'y avait pas lieu d'étendre l'information aux faits dénoncés ;
Que, dans son arrêt en date du 8 juillet 1993 renvoyant X... devant la cour d'assises pour ces crimes, définitivement jugés depuis lors, la chambre d'accusation de Bourges a mentionné, à titre de renseignement, la plainte déposée par Y... et précisé, attribuant à la victime une date de naissance erronée, que l'action publique concernant les faits dénoncés était prescrite par application de l'article 7, alinéa 3, du Code de procédure pénale ;
Que, Y... s'étant inquiétée de la suite réservée à sa plainte, le procureur de la République de Nanterre a, le 15 novembre 1993, saisi les services de police aux fins d'enquête ; qu'à l'issue de celle-ci, une information a été ouverte contre X... pour viols et attentats à la pudeur sur mineurs de 15 ans par personne ayant autorité, à raison, tant des faits dénoncés par la plainte que de faits de même nature, non visés au moyen, qui auraient été commis par l'intéressé sur 2 autres de ses soeurs ;
Attendu que, pour écarter les exceptions de chose jugée et de prescription de l'action publique invoquées par X... et renvoyer celui-ci devant la cour d'assises, notamment pour les viols commis sur la personne de Y... du 15 juillet 1979 au mois de novembre 1983, avec cette circonstance que, jusqu'au 23 juin 1983, la victime était mineure, les juges retiennent, à bon droit, que l'arrêt de la chambre d'accusation de Bourges en date du 8 juillet 1993 ayant constaté la prescription de l'action publique est dépourvu, sur ce point, de l'autorité de la chose jugée, dès lors que cette juridiction n'était pas saisie des faits concernés ;
Que les juges ajoutent que la prescription, dont le délai a commencé à courir le 23 juin 1983 pour l'ensemble des faits commis durant la minorité de la victime, a été interrompue le 8 janvier 1992, date du procès-verbal recueillant la plainte de celle-ci ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la chambre d'accusation a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Qu'en effet, les procès-verbaux établis par les officiers et agents de police judiciaire pour l'exécution de la mission qui leur est confiée par l'article 14 du Code de procédure pénale constituent des actes d'instruction au sens du premier alinéa de l'article 7 du Code précité ;
Qu'au surplus, la prescription des crimes poursuivis a été à nouveau interrompue par l'ordonnance de soit-communiqué en date du 20 février 1992, qui, dès lors qu'elle saisissait le procureur de la République aux fins de réquisitions sur l'action publique, constituait également un acte d'instruction au sens des mêmes dispositions ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que la chambre d'accusation était compétente ; qu'il en est de même de la cour d'assises devant laquelle le demandeur est renvoyé ; que la procédure est régulière, et que les faits, objet principal de l'accusation, sont qualifiés crimes par la loi ;
REJETTE le pourvoi.