REJET ET CASSATION sur les pourvois formés par :
- X... et autres,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Versailles, en date du 4 février 1998, qui, dans l'information suivie contre eux et divers autres, notamment pour abus de biens sociaux et recel, a partiellement fait droit à leurs requêtes aux fins d'annulation d'actes de la procédure.
LA COUR,
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 8 avril 1998, joignant les pourvois en raison de leur connexité et prescrivant leur examen immédiat ;
I. Sur le pourvoi de A... :
Attendu qu'aucun moyen n'est produit par ce demandeur ;
II. Sur le pourvoi de Z... :
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation proposé pour Z... et pris de la violation des articles 80-1, 174, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 6.3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
" en ce que l'arrêt attaqué a prononcé une annulation partielle de pièces de la procédure concernant D..., Y..., C..., E..., F... et X..., à l'exception de Z... ;
" alors, d'une part, que toute personne a droit d'être informée dans le plus court délai et d'une manière détaillée des faits pour lesquels elle est mise en examen et de leur qualification juridique ; qu'en n'ayant pas recherché d'office si l'avis de mise en examen notifié à Z... n'était pas irrégulier pour n'avoir pas détaillé les faits qui lui étaient reprochés, la chambre d'accusation a méconnu l'étendue de ses pouvoirs ;
" alors, d'autre part, que peut seule être placée en garde à vue une personne à l'encontre de laquelle il existe des indices faisant présumer qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction ; qu'en n'ayant pas recherché d'office si la garde à vue de Z... n'était pas irrégulière pour être intervenue à une date à laquelle aucun indice de culpabilité n'existait contre lui, la chambre d'accusation a encore méconnu l'étendue de ses pouvoirs " ;
Attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt attaqué ni des pièces de la procédure que Z... ait invoqué devant la chambre d'accusation l'irrégularité de son placement en garde à vue et de sa mise en examen ;
Que, dès lors, le moyen est nouveau et, comme tel, irrecevable ;
II. Sur les pourvois des autres demandeurs :
Vu les mémoires personnels et ampliatifs produits ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le 4 août 1995, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Versailles a reçu une lettre anonyme dénonçant des pratiques frauduleuses commises à l'occasion de la conclusion par le Conseil général des Yvelines de marchés portant sur la construction et l'entretien des bâtiments publics du département ;
Que cette lettre, qui faisait état d'un système de corruption pratiqué depuis une douzaine d'années, mettait en cause des élus du Conseil général D..., vice-président, membre de la Commission d'appel d'offres, E..., conseiller, président de ladite Commission et des fonctionnaires territoriaux Z..., directeur de la coordination et des services techniques, Y..., chef du service des bâtiments départementaux, B..., directeur dans ce service et s'étant traduit, grâce à la complicité de bureaux d'études, par des pratiques de favoritisme envers certains entrepreneurs ayant effectué des dons sous forme de cadeaux et de prestations diverses ;
Attendu que, dès la réception de cette lettre, le procureur de la République a ordonné une enquête préliminaire puis a ouvert une information, le 11 octobre 1995, qui a conduit à la mise en examen de 79 personnes ;
Attendu que, par diverses requêtes, C..., D..., X..., E... et A... ont saisi la chambre d'accusation de demandes en nullité de la procédure ; que, par l'arrêt attaqué, la chambre d'accusation de la cour d'appel de Versailles a rejeté leur requête ;
En cet état ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé par Y... et pris de la violation des articles 77 et 78 du Code de procédure pénale ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé par B... et pris de la violation des articles 77 et 78 du Code de procédure pénale ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé par Y..., pris de la violation de l'article 63-1 du Code de procédure pénale ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé par B... pris de la violation de l'article 63-1 du Code de procédure pénale ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Y... et B... se sont tous 2 présentés aux services de police le 9 octobre 1995, à 14 h 30, à la suite de la convocation qu'ils avaient reçue ;
Qu'à l'issue de leur audition, soit à 16 h 15, pour le premier, et à 15 h 30, pour le second, l'officier de police judiciaire leur a notifié leur placement en garde à vue à compter de 14 h 30, heure de leur arrivée dans les locaux de police, et leur a donné connaissance des droits mentionnés aux articles 63-2, 63-3 et 63-4 du Code de procédure pénale ;
Attendu que, pour écarter la requête en nullité présentée par les intéressés, qui soutenaient que leur placement en garde à vue avait été irrégulier, en l'absence d'indices faisant présumer qu'ils avaient commis ou tenté de commettre une infraction et en raison de la notification tardive de leurs droits, la chambre d'accusation énonce que la lettre anonyme adressée au procureur de la République, qui dénonçait l'existence de pratiques frauduleuses ayant eu pour effet de mettre en place un système d'attribution des marchés publics à des entreprises favorisées, mettait précisément en cause, outre certains élus, Y... et B..., en indiquant que le premier avait fait effectuer des travaux importants d'agrandissement d'une maison et que le second avait fait construire sa résidence principale par plusieurs des sociétés en cause ;
Qu'elle ajoute que la première audition tant de Y... que de B ..., qui ont admis certains faits reprochés, a permis de confirmer la réalité de la dénonciation anonyme et que c'est seulement à l'issue de leur audition que sont apparus des indices faisant présumer qu'ils avaient commis les délits de corruption passive et de trafic d'influence, justifiant leur placement en garde à vue ;
Qu'elle précise que la notification des droits mentionnés aux articles 63-2 et suivants du Code de procédure pénale, effectuée immédiatement après que leur placement en garde à vue fut devenu effectif, n'a présenté aucun caractère tardif ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors qu'il n'importe que, dans l'intérêt des demandeurs, la garde à vue ait été calculée à compter de l'arrivée de ces derniers dans les locaux de police, la chambre d'accusation n'a méconnu aucun des textes visés aux moyens, lesquels doivent être écartés ;
Sur le quatrième moyen de cassation proposé par B... et pris de la violation de l'article 63-2 du Code de procédure pénale :
Attendu que, pour écarter la requête en nullité proposée par le demandeur prise de l'inobservation des dispositions de l'article 63-2 du Code de procédure pénale en ce que, malgré sa demande, son épouse n'aurait pas été prévenue de son placement en garde à vue, la chambre d'accusation relève qu'il résulte du procès-verbal de la perquisition effectuée au domicile de l'intéressé, immédiatement après son audition, qu'à l'issue de l'exécution de cette mesure, l'épouse de B... a été avisée du placement en garde à vue de ce dernier ;
Attendu qu'en cet état, la chambre d'accusation n'encourt pas le grief allégué ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour E... et pris de la violation de l'article 105, 152, 171, 173, 593 et 802 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler les procès-verbaux d'interrogatoire de E... par la police judiciaire en date des 6 février 1996 (D 995), 7 février 1996 de 10 h à 13 h 15 (D 1001) et 7 février 1996 de 15 h à 16 h 50 (D 1006) ;
" aux motifs, d'une part, que le juge d'instruction n'était pas saisi des offres, des dons, des présents, des avantages qui auraient été sollicités ou agréés sans droit par E... pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir des actes de son mandat ou abuser de son influence pour faire obtenir des marchés de l'autorité publique, ni des faits constitutifs de recel habituel d'abus de biens sociaux ; qu'il n'a en effet été saisi de ces derniers faits de corruption passive et de recel habituel d'abus de biens sociaux que par le réquisitoire supplétif du 7 février 1996 en ce qui concernait E... (D 1009) qui a précédé sa mise en examen ;
" aux motifs, d'autre part, qu'au cours de l'enquête préliminaire, Y... a fait état d'instructions que lui auraient données D... et E... pour favoriser notamment les sociétés H... frères, STEPC, I..., J..., K..., L..., M..., BATEG, SAEP afin qu'elles soient attributaires des baux d'entretien ou des marchés de constructions neuves susvisés ; qu'il a indiqué qu'à la suite de contacts entre les chefs d'entreprise qui étaient ainsi favorisés, avec D..., E... et les autres élus de la commission d'appels d'offres et de "services" qu'ils leur rendaient, ces derniers lui demandaient de faire modifier les offres des entreprises et d'établir des rapports qui leur fussent favorables ; que Z..., au cours de sa garde à vue et de son interrogatoire de première comparution a, lui-même fait état de la communication par E... de la fourchette des prix limites pour les baux d'entretien, de réunions de chefs d'entreprises par Y... qui leur donnait les indications nécessaires pour constituer leurs dossiers de manière que leurs offres puissent être retenues, Y... ayant ainsi servi d'intermédiaire entre les élus de la commission d'appels d'offres et ces entreprises ; qu'il a précisé que ces réunions se tenaient lors de l'appel d'offres et essentiellement après l'ouverture des soumissions ; que N... a lui-même déclaré, avant que D... ait été entendu en qualité de témoin, que D... et E... lui avaient demandé de faire modifier l'offre des entreprises favorisées et que, le plus souvent, les propositions étaient en accord avec les souhaits des élus puisque les chefs d'entreprises étaient en contact avec eux ; que les accusations qui avaient ainsi été portées, à ce stade de la procédure, par ces 3 fonctionnaires territoriaux, à l'encontre de D... et de E..., ne donnaient aucune précision sur les manipulations qui avaient ainsi pu être employées, à la suite de leurs instructions, pour modifier les propositions des entreprises favorisées et écarter les entreprises concurrentes ; que Z..., à propos du rôle d'intermédiaire que Y... avait, selon lui, joué entre les élus et les chefs d'entreprises, n'appuyait ses accusations sur aucun fait précis dont il aurait eu directement connaissance et ne donnait aucune précision sur la manière dont il avait pu être informé de l'existence des réunions de chefs d'entreprises que Y... aurait organisées à la demande de D... et de E... ; qu'il ne donnait non plus aucune information sur les raisons pour lesquelles il avait pu penser que les fourchettes de prix limites avaient été communiquées aux entreprises par E... ; que les accusations qui étaient ainsi portées par ces 3 fonctionnaires étaient insuffisamment précises et circonstanciées pour avoir valeur d'indices graves de culpabilité ; que les accusations formulées par H... étaient tout aussi imprécises ; que, si Y... avait reconnu avoir manipulé les rapports techniques qu'il présentait à la commission des appels d'offres, pour favoriser telle ou telle entreprise, il avait aussi bien pu le faire, contrairement à ce qu'il affirmait, de sa propre initiative et à l'insu de E..., de D... et des autres élus ;
que, d'une manière plus générale, ces accusations de Y... pouvaient avoir été formulées de manière mensongère pour rejeter sur E..., D... et les autres élus de la commission, la responsabilité des pratiques frauduleuses auxquelles il avait été contraint de reconnaître s'être livré ; que si O... a relaté les contacts qu'il avait eus avec Y... sa participation à des réunions de chefs d'entreprises qu'il organisait, s'il a fait état des paiements de fausses factures à la suite desquels sa société avait pu obtenir certains marchés et s'il pensait que Y... était mandaté par E... et D..., cette opinion ne résultait selon lui, que des seules déclarations de Y... ; que si O... pensait que le marché du collège de Marly-le-Roi avait été attribué à la société I... après la démarche qu'il avait faite auprès de D... et de E..., cette opinion n'était justifiée par aucune promesse qui aurait pu alors lui être faite ;
" aux motifs, enfin, qu'après la mise en examen de D..., Y... a, pour la première fois au cours de son interrogatoire du 18 janvier 1996 (D 750), donné des précisions sur les manipulations qui auraient été faites, après l'ouverture des plis, en concertation avec E... et D..., pour favoriser telle ou telle entreprise, en la présentant artificiellement comme la mieux disante dans le rapport d'AMT ; qu'au cours de son interrogatoire du 25 janvier 1997 (D 803), D... a également reconnu qu'il était arrivé à E... et à lui-même de prendre contact avec Y... afin de vérifier les quantités et les qualités dans les rapports d'AMT, ce qui permettait, en jouant sur les variantes, de rendre "trop disants" les concurrents des entreprises auxquelles le marché devait être attribué ; que les déclarations convergentes de Y... et de D... constituaient certes, à l'encontre de E..., des indices de culpabilité qui n'étaient cependant pas suffisamment graves pour permettre d'exclure, avant toute audition de E..., la possibilité que ces manipulations aient pu être effectuées à son insu ; que les interrogatoires ultérieurs de Roland P... (D 773), de N... (D 786), de Q... (D 880), de Jean-Claude P... (D 990), dont fait état le conseil de E... dans sa requête en annulation n'ont pas permis d'établir d'indices nouveaux de culpabilité à l'encontre de celui-ci ; que Roland P... s'est en effet contenté de rapporter des propos qu'avait tenus Y... sur les relations privilégiées entretenues par D..., E..., S... avec certaines entreprises ; qu'il a également déclaré que lui-même et ses collègues savaient que la commission des appels d'offres "faisait passer qui elle voulait" sans toutefois préciser sur quels faits une telle opinion pouvait reposer ; que les nouvelles déclarations de N... qui n'apportaient pas d'éléments nouveaux par rapport à celles de Y... auquel l'unissait une communauté d'intérêts, imputaient globalement la même responsabilité à D... et E... sans distinguer quel avait été précisément le rôle de E... dans les instructions qui avaient pu être données en vue de la manipulation des rapports d'AMT ; qu'elles laissaient également subsister la possibilité, alors que E... n'avait pas encore été entendu, qu'elles aient été effectuées à son insu ; que ces déclarations ne pouvaient en outre qu'être prises avec réserves puisqu'il existait une contrariété d'intérêts entre N... et E... qui pouvait l'amener à vouloir rejeter, sur E..., la responsabilité des agissements qui lui étaient imputés ; que l'interrogatoire de Q... n'apportait aucun élément nouveau ; que les déclarations de Jean-Claude P... ne constituaient pas non plus des indices nouveaux de culpabilité à l'encontre de E... puisqu'il n'indiquait pas les raisons pour lesquelles il avait pensé que D... et E... avaient demandé à Y... de lui communiquer la fourchette des rabais pour le renouvellement des baux d'entretien, qu'il présentait de telles instructions comme une simple possibilité ; qu'à ce stade de la procédure, antérieur au placement en garde à vue de E..., si Y..., Z..., N... avaient donné quelques renseignements fragmentaires sur les manipulations qui avaient été utilisées pour favoriser certaines entreprises, ils n'avaient pas donné une vue d'ensemble de ces procédés ce qui n'avait pas permis de cerner quelles avaient été les responsabilités respectives de D..., de E... et des différents fonctionnaires du SBD dans leur mise en oeuvre ;
qu'il n'est en effet apparu qu'après la mise en examen de E... que, pour les marchés de travaux neufs, il aurait existé des ententes notamment entre des entreprises attributaires de baux d'entretien, les listes des entreprises qui avaient participé à ces ententes ayant ensuite été remises à E... pour lui permettre de proposer à la commission de présélection de ne retenir que les entreprises qui avaient participé à ces ententes ; que la manipulation des rapports d'AMT n'aurait ainsi été utilisée qu'à titre subsidiaire pour écarter, après ouverture des plis, les entreprises qui ne participaient pas à ces ententes et qui avaient, cependant, dû être présélectionnées ; que, seule la connaissance de l'existence d'un tel système, qui n'avait été acquise qu'après la mise en examen de E..., ces faits étant supposés établis, impliquait l'action concertée de D..., de E... et des fonctionnaires du SBD pour la mise en oeuvre de ces pratiques frauduleuses alors que la seule manipulation des rapports d'AMT pouvait avoir été faite par les fonctionnaires et D... à son insu ;
" 1o Alors que dès avant l'audition en garde à vue de E..., il existait des indices graves et concordants à son encontre d'avoir commis le délit de corruption passive ; que, notamment, il résulte des déclarations concordantes de Donato lors de sa première comparution devant le magistrat instructeur le 27 octobre 1975 et de O... lors de sa première comparution devant le magistrat instructeur le 9 novembre 1995 que les sociétés L... et I... ont effectué gratuitement à la demande de E..., la première, des travaux au domicile de son fils à Voisins-le-Bretonneux, la seconde, des travaux au domicile de E... pour un montant de 12 000 francs que, de son côté, H... a reconnu le 11 octobre 1995 avoir eu "des gentillesses" pour E... et que ces mises en cause concordantes s'opposaient à ce que E... puisse être entendu sous serment en garde à vue en sorte qu'en refusant d'annuler les procès-verbaux d'audition de E..., l'arrêt attaqué a méconnu les dispositions substantielles de l'article 105 du Code de procédure pénale ;
" 2o Alors qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué et des déclarations concordantes de Y..., Z... et N... que, dès avant le placement en garde à vue de D... le 13 novembre 1995, il existait des indices graves et concordants à l'encontre de E..., président de la commission d'appels d'offres pour les marchés publics, d'avoir faussé la concurrence entre les candidats aux marchés publics notamment en présélectionnant les entreprises et en faisant établir par les fonctionnaires territoriaux des rapports techniques truqués en faveur de certaines entreprises ;
" alors qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué qu'entre le placement en garde à vue de D... et les auditions sous serment en garde à vue de E..., Roland P... (D 773), N... (D 786), Q... (D 880) et Jean-Claude P... (D 990) ont donné des indications précises sur les faits de favoritisme auxquels avait participé E... ; que Y... a, au cours de son interrogatoire du 18 janvier 1996 (D 750), donné des précisions sur les manipulations qui auraient été faites, après l'ouverture des plis, en concertation avec E... et D... pour favoriser telle ou telle entreprise, en la présentant artificiellement comme la mieux disante dans le rapport d'AMT ; que D... a, au cours de son interrogatoire du 25 janvier 1997 (D 803) reconnu qu'il était arrivé à E... et à lui-même de prendre contact avec Y... afin de vérifier les quantités et les qualités dans les rapports d'AMT, ce qui permettait, en jouant sur les variantes, de rendre "trop disants" les concurrents des entreprises à laquelle le marché devait être attribué et que ces accusations convergentes constituaient des indices graves et concordants de culpabilité à l'encontre de E... qui ne pouvait plus, dès lors, être entendu comme témoin sous la foi du serment ;
" 3o Alors que les imputations d'avoir donné des directives aux responsables territoriaux, d'avoir donné des ordres en vue de la manipulation des rapports d'AMT, d'avoir initié des réunions de fonctionnaires territoriaux avec les maîtres d'oeuvre pour leur indiquer le choix des entreprises que la commission d'appels d'offres souhaitait faire passer, donnent une vue d'ensemble des procédés utilisés par les élus et notamment par E... pour violer les principes relatifs à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats en sorte que E... ne pouvait être entendu comme témoin à la suite de telles imputations graves et circonstanciées " ;
Attendu que E... a demandé l'annulation des procès-verbaux de ses auditions par la police judiciaire, en qualité de témoin, des 6 et 7 février 1996, ainsi que de la procédure subséquente, en soutenant qu'il existait, dès avant ces auditions, des indices graves et concordants contre lui d'avoir commis les délits de corruption passive et d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics ;
Attendu que, pour écarter cette demande, la chambre d'accusation énonce notamment, que s'il résultait de certaines déclarations de fonctionnaires et de témoins que E... aurait donné des instructions pour favoriser certaines sociétés lors de l'attribution de baux d'entretien ou de marchés de construction, ces accusations ne donnaient aucune précision sur les manipulations employées pour modifier les propositions des entreprises favorisées et écarter les entreprises concurrentes, de sorte qu'elles étaient insuffisamment précises et circonstanciées pour avoir valeur d'indices graves de culpabilité ;
Qu'elle ajoute que les éléments recueillis contre lui n'étaient pas suffisamment graves pour permettre d'exclure, avant toute audition, la possibilité que des manipulations aient pu être faites à son insu ni de déterminer la part prise dans le système par chacun des participants ;
Qu'elle conclut qu'avant le placement en garde à vue de l'intéressé, il n'existait pas à son encontre d'indices graves et concordants d'avoir commis les délits reprochés et qu'en raison de la qualité d'élu de ce dernier, le magistrat instructeur avait pu estimer devoir agir avec circonspection ;
Attendu qu'en cet état, et dès lors que le juge d'instruction a la faculté de ne mettre en examen une personne qu'après s'être éclairé, notamment en faisant procéder à son audition en qualité de témoin, sur sa participation aux agissements dont il est saisi, dans des conditions pouvant engager sa responsabilité pénale, la chambre correctionnelle n'encourt aucun des griefs allégués par le moyen, lequel doit être écarté ;
Sur le premier moyen proposé par Y... et pris de la violation de l'article 116 du Code de procédure pénale ;
Sur le premier moyen proposé par B... et pris de la violation de l'article 116 du Code de procédure pénale ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour rejeter la demande d'annulation des procès-verbaux des interrogatoires de première comparution, faute de notification précise des faits reprochés, la chambre d'accusation, après avoir rappelé que Y... et B... ont été mis en examen pour " recel habituel d'abus de biens sociaux, corruption passive et trafic d'influence, atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics commis courant 1993-1994 ", relève qu'il résulte de la référence au réquisitoire introductif du 11 octobre 1995, que cette dernière qualification concernait le renouvellement des baux d'entretien en 1993 et l'attribution des 5 marchés de travaux dont le juge d'instruction avait été saisi ; qu'elle retient, par ailleurs, qu'il leur a été notifié que les faits de recel étaient notamment ceux qui se rattachaient aux abus de biens sociaux commis par X... et H... et que les faits de corruption passive et de trafic d'influence étaient relatifs aux travaux de construction non facturés ou sous facturés effectués à leur profit à propos desquels ils avaient été entendus au cours de leur garde à vue ;
Attendu qu'en l'état des ces énonciations, d'où il résulte que le juge d'instruction a fait connaître aux intéressés chacun des faits reprochés, la chambre d'accusation a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Que, dès lors, les moyens ne peuvent être admis ;
Sur le second moyen de cassation proposé pour E... et pris de la violation des articles 80-1, 116, alinéa 1, 171, 173, 593 et 802 du Code de procédure pénale, 6.1 et 6.3 a de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler le procès-verbal de première comparution de E... en date du 7 février 1996 ;
" aux motifs qu'il résulte des mentions du procès-verbal d'interrogatoire de première comparution de E... que le magistrat instructeur lui a fait connaître expressément chacun des faits dont il était saisi en exécution du réquisitoire introductif du 11 octobre 1995 et qu'il était mis en examen pour des faits de recel habituel d'abus de biens sociaux, corruption passive, favoritisme ; que la notification de cette mise en examen s'est manifestement référée, quoiqu'il n'ait pas été mentionné dans le procès-verbal, au réquisitoire supplétif du 7 février 1995 qui saisissait le magistrat instructeur des faits de recel habituel d'abus de biens sociaux, corruption passive, favoritisme ; que le libellé des éléments constitutifs de ces différentes infractions a été détaillé dans la notification qui a été faite ; qu'il a été notifié à E... que les recels habituels d'abus de biens sociaux pour lesquels il était mis en examen étaient notamment ceux des abus de biens sociaux qui avaient été commis par les dirigeants des sociétés I..., STEPC, H..., L..., V... ; qu'il résulte ainsi des mentions du procès-verbal que E... a ainsi été informé qu'il était mis en examen pour des faits d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics pour le renouvellement des baux d'entretien en 1993 et dans les 5 marchés de travaux neufs et de rénovation qui avaient été évoqués par Y... au cours de sa garde à vue, dont le magistrat instructeur avait été saisi par le réquisitoire introductif, pour les faits de recel habituel d'abus de biens sociaux, de corruption passive relatifs aux différents travaux non facturés effectués à son profit et au profit de son fils, par les entreprises I..., STEPC, H..., L..., V... et aux attributions frauduleuses de marchés publics qui en auraient été la contrepartie, faits pour lesquels il avait été entendu au cours de sa garde à vue et dont le magistrat instructeur avait été saisi par le réquisitoire supplétif du 7 février 1996 ; qu'il résulte ainsi des mentions du procès-verbal d'interrogatoire de première comparution de E... qu'il a alors eu précisément connaissance des faits pour lesquels il était mis en examen et de leur étendue ;
" 1o Alors qu'aux termes de l'article 116, alinéa 1, du Code de procédure pénale, lors de la première comparution, le juge d'instruction fait connaître à la personne chacun des faits dont il est saisi et pour lesquels elle est mise en examen ainsi que la qualification juridique de ces faits ; que mention de ces faits et de leur qualification juridique est portée au procès-verbal ; que la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer, par l'examen du procès-verbal de première comparution, que ses énonciations sont presque exclusivement relatives à la qualification juridique des faits pour lesquels E... était mis en examen et ne comportent, particulièrement en ce qui concerne les délits de corruption passive et de favoritisme, aucune indication de fait et aucune date et que, dès lors, la chambre d'accusation ne pouvait refuser d'annuler le procès-verbal de première comparution pour violation du texte susvisé dont les dispositions sont substantielles ;
" 2o Alors que le non-respect des dispositions de l'article 116, alinéa 1, ne peut être couvert par la circonstance qu'aussitôt après la mise en examen de la personne concernée, son avocat a pu consulter le dossier et communiquer avec lui conformément aux dispositions de l'article 116, alinéa 2, dès lors que la seule consultation du dossier ne permet pas au conseil du mis en examen de connaître avec exactitude les faits qui sont reprochés à son client ; qu'en cet état, les droits de la défense ont été méconnus " ;
Attendu que, pour rejeter la demande d'annulation du procès-verbal de première comparution de E..., faute pour le juge d'instruction de lui avoir fait connaître chacun des faits reprochés ainsi que leur qualification juridique, la chambre d'accusation se prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que l'intéressé a été exactement informé des faits pour lesquels il a été mis en examen, l'arrêt attaqué n'encourt pas les griefs allégués ;
Que, dès lors, le moyen doit être écarté ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour X... et pris de la violation des articles 80, 82, 170, 171 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a écarté l'exception de nullité tirée de l'irrégularité des investigations effectuées par le magistrat instructeur ayant trait à la participation du mis en examen dans le capital de la société CRI ;
" aux motifs qu'il est apparu au cours de l'instruction que les faits de corruption active et passive dont le magistrat instructeur était saisi auraient notamment été commis avec les espèces qui avaient été dégagées par le paiement, par les entreprises qui avaient été favorisées, de fausses factures établies par la Société CRI ;
" que le magistrat instructeur a été saisi, par réquisitoire supplétif du 16 janvier 1996 (D 722), sous les qualifications de faux et usage de faux, de recel d'abus de biens sociaux, de l'ensemble de l'activité de faux facturier de cette société ;
" qu'étant saisi in rem, le magistrat instructeur était saisi de ces faits à l'égard de toute personne qui aurait pu y participer ;
" que, alors même qu'il n'avait pas encore été saisi de ces faits, le magistrat instructeur avait la faculté d'interroger l'exposant, le 15 décembre 1995, sur son rôle dans la création de cette société puisque cette question concernait directement les relations qu'il avait pu entretenir avec Y... qui avait également été mis en examen et qu'elle avait ainsi pour objet les faits dont le magistrat instructeur avait été saisi par le réquisitoire introductif, la société CRI ayant eu son siège social au domicile de Y... ;
" qu'après le réquisitoire supplétif du 16 janvier 1996, le magistrat avait la faculté de ne le mettre en examen pour des faits dont il avait été saisi, qu'après s'être éclairé, en lui permettant d'exposer ses moyens de défense lors de ses interrogatoires, sur sa participation, en qualité d'intermédiaire, à l'activité de faux facturier de cette société ;
" que, par ailleurs, les confrontations du 29 mars 1996 avec Y... et Marie-Thérèse Y..., à propos de la société CRI, n'avaient été organisées qu'à la suite d'une demande d'acte présentée par le conseil de X... donc, justement pour lui permettre de présenter ses moyens de défense ;
" qu'au vu de ces actes d'instruction, par réquisitoire supplétif du 17 juillet 1997, le procureur de la République a requis la mise en examen de X... pour sa participation à l'activité de faux facturier de la Société CRI, en qualité d'intermédiaire et non pour le rôle qui aurait été le sien dans la création de cette société en 1987 et sa participation au capital social ;
" que le réquisitoire supplétif du 17 juillet 1997 ne saisissait pas le magistrat instructeur de faits nouveaux, sa saisine, pour l'activité de faux facturier de la société CRI, remontant au réquisitoire supplétif du 16 janvier 1996 ;
" alors que la saisine in rem ne permet au juge d'instructeur que d'informer sur les faits visés au réquisitoire ; qu'il ne peut informer sur des faits nouveaux qu'il découvre sans nouvelles réquisitions ; que les actes d'information accomplis pour des faits non visés dans le réquisitoire sont radicalement nuls ; qu'en l'espèce, il résulte de la procédure que X..., au cours de son interrogatoire du 26 juillet 1997, a été mis en examen pour sa participation dans le capital de la société CRI ; que, cependant, il a été interrogé auparavant à propos de la constitution de la CRI : le 15 décembre 1995, le 28 mars 1996, le 29 mars 1996 au cours d'une confrontation avec Mme G..., épouse Y..., qui portait sur la société CRI ; qu'à cette date, le demandeur n'avait pas été mis en examen pour des faits antérieurs à 1993 et notamment pour son rôle dans la constitution et le fonctionnement de la société CRI ; qu'ainsi, le magistrat instructeur n'était pas compétent, avant le 25 juillet 1997, pour instruire à l'encontre de X... sur ces faits, faute de réquisitoire supplétif, celui-ci n'ayant été établi que le 17 juillet 1997 ; qu'en refusant d'annuler les interrogatoires et confrontations de X... ayant eu pour objet ses relations avec la société CRI antérieurement au 25 juillet 1997, la chambre d'accusation a violé les articles 80 et 171 du Code de procédure pénale " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que certains faits de corruption active auraient été commis avec des fonds provenant du paiement de fausses factures établies par la société CRI ;
Attendu que, pour rejeter la demande d'annulation d'actes d'instruction tendant à établir la participation de X... à ces derniers faits, tirée de ce que le juge d'instruction n' a été saisi à l'égard de l'intéressé que par un réquisitoire supplétif du 17 juillet 1997, la chambre d'accusation énonce que le juge d'instruction, qui avait été saisi par le réquisitoire introductif du 11 octobre 1995 et le réquisitoire supplétif du 16 janvier 1996, notamment des chefs de faux et usage ainsi que d'abus de biens sociaux, pouvait instruire à l'égard de toute personne ayant participé aux faits ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la chambre d'accusation n'a méconnu aucun des textes visés au moyen, lequel ne peut qu'être écarté ;
Sur le second moyen de cassation proposé pour X... et pris de la violation des articles 81, 170, 171, 175 et 593 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité tirée de l'annexion tardive des scellés au dossier ;
" aux motifs que le magistrat instructeur a adopté la méthode qui consistait à coter dans le dossier, avant chaque interrogatoire, les différents scellés sur lesquels l'interrogatoire porterait ;
" que des scellés, notamment des procès-verbaux de la commission d'appel d'offres ont, en outre, été cotés dans la procédure, postérieurement au dernier interrogatoire de X... et avant l'envoi des avis de fin d'instruction mentionnés à l'article 175 du Code de procédure pénale ;
" qu'avant d'être ainsi cotés dans le dossier, les scellés, qui tous avaient été inventoriés dans des procès-verbaux de saisie joints à la procédure, étaient déposés au greffe du tribunal de grande instance où ils étaient à la disposition des conseils des parties qui pouvaient en prendre connaissance à tout moment à la condition toutefois d'en faire la demande au magistrat instructeur ;
" que le conseil du demandeur avait la possibilité de prendre connaissance de chacun des scellés et notamment de ceux cotés dans le dossier après le dernier interrogatoire de X... ;
" qu'il ne résulte pas de l'examen de la procédure que X... ait été interrogé à partir de renseignements qui auraient été contenus dans des pièces placées sous scellés, sans que les procès-verbaux de saisie inventoriant ces scellés aient été au préalable cotés dans la procédure et sans que ces scellés aient été déposés au greffe du tribunal de grande instance ;
" alors que, d'une part, toutes les pièces du dossier sont cotées par le greffier au fur et à mesure de leur réception par le magistrat instructeur ; que l'inobservation des règles relatives à la cotation des pièces prive les mis en examen de toute garantie quant à la sincérité et à l'exhaustivité des documents utilisés à leur encontre ; qu'en l'espèce, il découle de la procédure que le magistrat instructeur a intégré au dossier depuis le 25 juillet 1997, date du dernier interrogatoire du demandeur, des scellés qui n'y figuraient pas auparavant ; que les interrogatoires à partir de pièces dont seul le magistrat instructeur et les services de police avaient connaissance sont entachés de nullité et que l'instruction doit être déclarée nulle à compter du 11 novembre 1996, date à partir de laquelle le magistrat instructeur devait disposer des pièces et documents dont il a nécessairement fait usage pour l'instruction en cours, sans que les conseils des parties puissent les consulter puisque non cotés dans le dossier et non intégrés à celui-ci ;
" alors, d'autre part, et en tout état de cause, que la chambre d'accusation, qui a expressément constaté que la consultation des scellés cotés après le dernier interrogatoire de X... et juste avant l'envoi des avis mentionnés à l'article 175 du Code de procédure pénale était importante et n'avait pas été respectée et que l'avis mentionné à la disposition susvisée doit être déclaré caduc, n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui en découlaient en refusant de sanctionner de nullité l'irrégularité tirée de l'annexion tardive des scellés au dossier " ;
Attendu que X... a sollicité l'annulation des actes de l'information à compter du 11 novembre 1996, date à partir de laquelle le juge d'instruction aurait disposé de documents dont il aurait fait usage pour conduire l'instruction sans que les avocats des parties aient pu les consulter ;
Attendu que, pour rejeter cette demande, la chambre d'accusation relève que si le juge d'instruction a choisi de coter avant chaque interrogatoire les scellés sur lesquels ce dernier devait porter, tous les scellés avaient été inventoriés dans des procès-verbaux qui figuraient dans la procédure et qu'ils avaient été déposés au greffe du tribunal où ils avaient été tenus à la disposition des avocats des parties, lesquels avaient pu à tout moment solliciter l'autorisation d'en prendre connaissance, et qu'il ne ressort pas de la procédure que X... ait été interrogé sur la base de scellés qui n'auraient pas été au préalable cotés et déposés au greffe ;
Qu'elle retient, en revanche, que la copie du dossier, mise à la disposition de l'avocat de X... après l'envoi de l' avis prévu à l'article 175 du Code de procédure pénale, ne comprenait pas la photocopie des scellés cotés après son dernier interrogatoire réalisé le 25 juillet 1997 ; qu'elle conclut que l'avocat de X... n'ayant pu prendre connaissance de l'intégralité du dossier dans le délai légal, l'avis mentionné à l'article 175 du Code de procédure pénale devait être déclaré caduc ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre d'accusation, n'a méconnu aucun des textes visés au moyen ;
D'où il suit que ce dernier doit être écarté ;
Mais sur le premier moyen de cassation proposé pour D... et pris de la violation des articles 63, 63-1, 171, 173, 593 et 802 du Code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé de prononcer la nullité de la procédure tirée de ce que ses droits avaient été notifiés à D..., sans motif légitime, plus de 6 heures après que son placement en garde à vue lui ait été signifié par l'officier de police judiciaire ;
" aux motifs que le 13 novembre 1995, à 13 h 10, l'officier de police judiciaire a procédé à une perquisition au domicile de D... à Dampierre, en présence de celui-ci (D 782) ; qu'en tête du procès-verbal, il est mentionné que l'officier de police lui a alors indiqué qu'il était placé en garde à vue à compter du début de son intervention et que cette mesure ainsi que ses droits lui seraient notifiés par procès-verbal "dans les meilleurs délais" ;
" que la perquisition a ensuite été réalisée en sa présence ; qu'étant encore à son domicile, l'officier de police judiciaire lui a notifié, à 19 h 15, son placement en garde à vue "ce jour à compter de 13 h 10, moment de son interpellation ; qu'il lui a immédiatement donné connaissance des droits mentionnés aux articles 63-2, 63-3, 63-4 du Code de procédure pénale et des dispositions relatives à la durée de la garde à vue ;
" qu'entre le moment auquel l'officier de police judiciaire a fait connaître à D... son intention de le placer en garde à vue et celui auquel il lui a notifié ce placement en garde à vue et les droits mentionnés aux articles 63-2, 63-3, 63-4 du Code de procédure pénale, D... a uniquement assisté aux perquisitions effectuées à son domicile ou dans son bureau ;
" qu'au cours de cette période, l'officier de police judiciaire n'a procédé à aucune audition ; qu'il ne résulte d'aucune mention des procès-verbaux que certaines des mesures coercitives attachées à un placement en garde à vue aient été exercées à son encontre pendant qu'il assistait à ces perquisitions ; qu'il n'est pas allégué dans la requête en annulation et le mémoire déposé en son nom, que des mesures coercitives aient été exercées à son encontre au cours de cette période ; que l'assistance aux perquisitions à son domicile ou dans son bureau constituait, pour lui, l'exercice des droits mentionnés à l'article 96 du Code de procédure pénale, qu'elle ne résultait pas de la mise en oeuvre d'une mesure coercitive ; que le terme "d'interpellation" utilisé en marge des procès-verbaux de perquisition au domicile de D... et dans le procès-verbal de notification de garde à vue de l'intéressé, pour fixer l'heure à partir de laquelle la garde à vue devait être décomptée, ne figure pas dans le Code de procédure pénale ; qu'aucune définition légale ne pouvant ainsi lui être donnée, cette notion recouvre des réalités différentes selon les circonstances dans lesquelles elle est employée ; qu'en l'espèce, l'officier de police judiciaire entendait informer la personne concernée du début des actes de police judiciaire qui allaient être diligentés à son encontre, ces actes devant commencer par une ou plusieurs perquisitions et se poursuivre ensuite par des auditions au cours desquelles elle serait amenée à s'expliquer sur les faits qui la concernaient ; que l'emploi de ce terme ne désignait pas une appréhension de cette personne à son domicile par la force publique puisqu'elle n'avait pas, à ce moment, été conduite dans les locaux du service de police et qu'elle avait dans un premier temps assisté à une ou plusieurs perquisitions ; que, pendant toute la durée de ces perquisitions, elle n'était pas ainsi l'objet d'une mesure de garde à vue effective ; que le placement en garde à vue a été notifié à D... juste avant qu'il ait été conduit dans les locaux du service de police ; que l'officier de police judiciaire lui a alors donné immédiatement connaissance des droits mentionnés aux articles 63-2, 63-3, 63-4 du Code de procédure pénale et des dispositions relatives à la durée de la garde à vue ; que D... ayant reçu notification de ses droits dès que sa garde à vue a été effective, les exceptions de nullité tirées de la violation de l'article 63-1 du Code de procédure pénale doivent être rejetées ;
" 1o Alors que le placement en garde à vue est effectif dès que l'officier de police judiciaire signifie à la personne concernée qu'elle est placée en garde à vue ; que cette signification qui ôte à la personne concernée sa liberté d'aller et venir, constitue une mesure coercitive par elle-même et que dès lors en déclarant que le placement en garde à vue n'avait pas été effectif à 13 h 10, heure à laquelle l'officier de police judiciaire avait signifié à D... qu'il était placé en garde à vue, l'arrêt attaqué a méconnu les dispositions des articles 63 et suivants du Code de procédure pénale ;
" 2o Alors qu'il résulte des dispositions de l'article 63-1 du Code de procédure pénale que l'officier de police judiciaire ou, sous son contrôle, l'agent de police judiciaire, a le devoir de notifier immédiatement les droits attachés au placement en garde à vue ; que tout retard injustifié dans la mise en oeuvre de cette obligation porte nécessairement atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne et que l'arrêt qui n'a relevé l'existence d'aucune circonstance insurmontable autorisant l'officier de police judiciaire à différer la notification des droits à D..., a méconnu le texte susvisé dont les dispositions sont substantielles " ;
Et sur le moyen unique de cassation proposé pour C... et pris de la violation des articles 7 de la Déclaration des droits de l'homme, 66 de la Constitution, 5 et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 63, 63-1, 76, 94, 154, 171, 591, 593 et 802 du Code de procédure pénale :
" en ce que, la chambre d'accusation a refusé d'annuler la garde à vue du demandeur ensemble la procédure subséquente ;
" aux motifs que, le 6 décembre 1995, à 7 h 50, l'officier de police judiciaire s'est présenté au domicile de C... pour y procéder à une perquisition ; qu'il est indiqué au début du procès-verbal que l'officier de police judiciaire l'a alors "informé" qu'il était placé en garde à vue à compter de 7 h 50, heure du début de son intervention et que cette mesure et les droits qui y étaient liés lui seraient notifiés par procès-verbal "dans les meilleurs délais" (D 547) ;
" que l'officier de police judiciaire a ensuite procédé à cette perquisition en sa présence ; qu'à 10 h 50, étant toujours à son domicile, l'officier de police judiciaire lui a notifié qu'il était placé en garde à vue à compter de 7 h 50, moment de son interpellation ; qu'il lui a immédiatement donné connaissance des droits mentionnés aux articles 63-2, 63-3, 63-4 du Code de procédure pénale et des dispositions relatives à la durée de la garde à vue ; qu'entre les moments auxquels l'officier de police judiciaire a fait connaître à C... son intention de le placer en garde à vue et celui auquel il lui a notifié son placement en garde à vue, C... a uniquement assisté à la perquisition effectuée à son domicile ; qu'au cours de cette période, l'officier de police judiciaire n'a procédé à aucune audition ; qu'il ne résulte d'aucune mention des procès-verbaux que certaines des mesures coercitives attachées à un placement en garde à vue aient été exercées à son encontre pendant qu'il assistait à la perquisition ; qu'il n'est pas allégué dans ses requêtes et mémoires que des mesures coercitives aient été exercées à son encontre au cours de cette période ; que l'assistance à la perquisition en son domicile constituait pour lui l'exercice des droits mentionnés à l'article 96 du Code de procédure, pénale ; qu'elle ne résultait pas de la mise en oeuvre d'une mesure coercitive ; que le terme "d'interpellation" utilisé en marge du procès-verbal de perquisition au domicile de C... et dans le procès-verbal de notification de garde à vue de l'intéressé, pour fixer l'heure à partir de laquelle la garde à vue devait être décomptée, ne figure pas dans le Code de procédure pénale ; qu'aucune définition légale ne pouvant ainsi lui être donnée, cette notion recouvre des réalités différentes selon les circonstances dans lesquelles elle est employée ; qu'en l'espèce, l'officier de police judiciaire entendait informer la personne concernée du début des actes de police judiciaire qui allaient être y diligentés à son encontre, ces actes devant commencer par une ou plusieurs perquisitions et se poursuivre ensuite par des auditions au cours desquelles l'intéressé serait amené à s'expliquer sur les faits le concernant ; que l'emploi de ce terme ne désignait pas une appréhension de la personne à son domicile par la force publique puisqu'elle n'avait pas, à ce moment, été conduite dans les locaux du service de police et qu'elle avait, dans un premier temps, assisté à une perquisition ; que pendant toute la durée de cette perquisition, C... n'était ainsi pas l'objet d'une mesure de garde à vue effectuée ; que son placement en garde à vue lui a été notifié avant qu'il ait été conduit dans les locaux du service de police ; que l'officier de police judiciaire lui a donné alors immédiatement connaissance des droits mentionnés aux articles 63-2, 63-3, 63-4 du Code de procédure pénale et des dispositions relatives à la durée de la garde à vue ; que C... ayant reçu notification de ces droits dès que sa garde à vue a été effective, les exceptions de nullité tirées de la violation de l'article 63-1 du Code de procédure pénale doivent être rejetées (arrêt p. 113 à 115) ;
" 1o Alors que, d'une part, la notification des droits prévue par l'article 63-1 du Code de procédure pénale est immédiate en cas de placement en garde à vue ; que tout retard injustifié dans la mise en oeuvre de cette obligation porte nécessairement atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne ; qu'il était interdit aux services de différer de 3 heures pareille notification sous couvert d'une perquisition, mesure coercitive, directement effectuée au domicile du demandeur de 7 h 50 à 10 h 50 lequel était alors privé de sa liberté d'aller et de venir dans le cadre d'une garde à vue qui lui avait été notifiée à 7 h 50 ;
" 2o Alors que, d'autre part, en l'état du placement en garde à vue notifié par les services à 7 h 50 au demandeur dont ils ont alors perquisitionné le domicile, la chambre d'accusation ne pouvait prétendre situer en fin de perquisition le point de départ de la garde à vue sans contredire les pièces de la procédure ou commettre une erreur de droit sur la qualification de l'acte de police soumis à son contrôle " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu l'article 63-1 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que l'officier de police judiciaire ou, sous son contrôle, l'agent de police judiciaire, a le devoir de notifier immédiatement les droits attachés au placement en garde à vue ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le 13 novembre 1995, à 13 h 10, a été pratiquée une perquisition au domicile de D..., en présence de celui-ci ; qu'en tête du procès-verbal, figure la mention que l'officier de police judiciaire l'a placé en garde à vue à compter du début de son intervention et lui a précisé que " ses droits lui seraient notifiés par procès-verbal dans les meilleurs délais " ;
Qu'à l'issue de la perquisition, à 19 h 15, l'officier de police judiciaire lui a notifié son placement en garde à vue à compter de 13 h 10 et lui a donné connaissance des droits mentionnés aux articles 63-2, 63-3 et 63-4 du Code de procédure pénale, avant sa conduite dans les locaux de police ;
Que, dans des conditions identiques, les policiers se sont présentés au domicile de C... le 6 décembre 1995, à 7 h 50, pour procéder à une perquisition à l'issue de laquelle, à 10 h 50, l'officier de police judiciaire lui a notifié son placement en garde à vue à compter de 7 h 50 et lui a donné connaissance des droits mentionnés aux articles 63-2, 63-3 et 63-4 du Code de procédure pénale ;
Attendu que, pour rejeter la requête en nullité fondée sur une notification tardive de ces droits, la chambre d'accusation retient qu'entre les moments auxquels l'officier de police judiciaire a fait connaître aux personnes en cause son intention de les placer en garde à vue et ceux auxquels il leur a notifié cette mesure ainsi que les droits en découlant, il n'a été procédé à aucune audition ni à aucune mesure coercitive à l'égard des intéressés, dont la présence au cours des perquisitions ne constituait que l'exercice par eux de leurs droits prévus à l'article 96 du Code de procédure pénale ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que la notification de leurs droits aux intéressés devait intervenir dès le début de la perquisition, au moment où ils avaient effectivement été placés en garde à vue, et alors que tout retard injustifié dans la mise en oeuvre de cette obligation porte nécessairement atteinte aux intérêts des personnes concernées, la chambre d'accusation a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;
Que, dès lors, la cassation est encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens de cassation proposés pour D...,
I. Sur les pourvois de A..., Z..., X..., Y..., B... et E... :
REJETTE les pourvois ;
II. Sur les pourvois de D... et C... :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions concernant ces demandeurs, l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Versailles en date du 4 février 1998 et pour qu'il soit jugé à nouveau, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Versailles, autrement composée.