CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X..., partie civile,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, en date du 1er octobre 1996, qui, dans l'information suivie sur sa plainte contre Y... pour abus de blanc seing et abus de confiance, a constaté l'extinction de l'action publique.
LA COUR,
Vu l'article 575, alinéa 2, 3° du Code de procédure pénale ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6, 7, 8, 575-3° et 593 du Code de procédure pénale, 49 de la loi du 24 août 1993, 407 et 408 de l'ancien Code pénal, 314-1 et suivants du Code pénal, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré l'action publique éteinte par l'effet de la prescription ;
" aux motifs qu'il ressort du dossier de l'information qu'aucun acte d'instruction ou de poursuite ayant pour objet de constater des délits, d'en déclarer ou d'en convaincre les auteurs n'est intervenu entre le 24 janvier 1991, date de l'audition du plaignant, et le 20 janvier 1995 alors que le juge d'instruction a sollicité, à au moins 2 reprises, la partie civile pour l'interroger sur la suite qu'elle souhaitait donner à sa plainte ;
" que, par ailleurs, la désignation d'un expert à l'occasion d'une procédure civile ne saurait être considérée comme un acte interruptif de prescription dans une instance pénale ;
" qu'enfin, le chèque de 20 000 francs qui n'a pas été versé au dossier de l'information, n'était pas visé dans la plainte initiale ;
" alors que, d'une part, aux termes de l'article 7 du Code de procédure pénale, la prescription de l'action publique est interrompue par tout acte d'instruction ou de poursuite tels que ceux qui ont pour objet de constater les délits, et d'en découvrir ou d'en convaincre les auteurs ; que, notamment, constituent des actes d'instruction le courrier adressé par le magistrat instructeur à l'avocat de la partie civile pour lui demander son avis sur la prescription des délits ayant fait l'objet de la plainte avec constitution de partie civile ainsi que l'avis à partie adressé à ce même avocat en application des dispositions de l'article 49 de la loi du 24 août 1993 ; que, dès lors, en l'espèce, la chambre d'accusation, qui a constaté l'envoi de tels documents par le magistrat instructeur en 1993, a violé le texte susvisé en prétendant contre toute évidence qu'aucun acte d'instruction ou de poursuite n'était intervenu entre le 24 janvier 1991, date à laquelle la personne dénoncée par la plainte avait, selon les constatations de l'arrêt, dû reconnaître que, contrairement à ce qu'elle avait précédemment déclaré, la partie civile avait bien établi les 2 chèques litigieux et le 20 janvier 1995 pour déclarer l'action publique prescrite ;
" alors que, d'autre part, la prescription de l'action publique en matière correctionnelle est nécessairement suspendue lorsqu'un obstacle de droit met la partie poursuivante dans l'impossibilité d'agir ; que, notamment, la partie civile ne disposant d'aucun moyen de droit pour obliger le juge d'instruction à accomplir un acte interruptif de la prescription de l'action publique, cette prescription est nécessairement suspendue à son profit quand aucun acte d'information ou de poursuite n'a été diligenté pendant plus de 3 ans dans une procédure ouverte sur sa plainte avec constitution de partie civile ; que, dès lors, en l'espèce, la Cour a une nouvelle fois méconnu l'article 7 du Code de procédure pénale, en invoquant à tort l'absence de tout acte d'instruction ou de poursuite accompli pendant plus de 3 ans dans le cadre de l'information pénale préalablement ouverte sur sa plainte avec constitution de partie civile du demandeur ;
" et qu'enfin, en matière d'abus de confiance comme en matière d'abus de blanc seing, la prescription ne commençant à courir qu'au moment où le détournement est apparu et a pu être constaté, la chambre d'accusation qui n'a même pas précisé à quelle date avait été encaissé le second des chèques litigieux signé en blanc par la partie civile et qui n'a pas démenti les constatations du réquisitoire définitif selon lesquelles les détournements étaient apparus en avril et août 1990, n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure de s'assurer de l'extinction de l'action publique par l'effet de la prescription " ;
Vu les articles 6 et 8 du Code de procédure pénale, ensemble l'article 49 de la loi du 24 août 1993 ;
Attendu que, d'une part, si les articles 81, alinéa 9, 156 et 173, alinéa 3, du Code de procédure pénale, qui permettent aux parties de demander aux juridictions d'instruction l'accomplissement de certains actes interruptifs, font désormais obstacle à ce qu'une partie civile se prévale de la suspension de la prescription de l'action publique du fait de l'inaction du juge, ces textes, d'application immédiate, ne sauraient avoir d'effet sur les prescriptions dont le cours est demeuré suspendu jusqu'à leur entrée en vigueur ;
Attendu, d'autre part, que la prescription de l'action publique est interrompue par la notification à la partie civile, de l'avis prévu à l'article 49 de la loi du 24 août 1993, lui notifiant son droit de formuler une demande d'acte ou de présenter une requête en annulation sur le fondement des articles 81, alinéa 9, 82-1, 156 et 173, alinéa 3, du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que l'information ouverte à la suite de la plainte avec constitution de partie civile de X... du 6 juillet 1990 contre Riad Y... pour abus de blanc seing et abus de confiance, a été clôturée par ordonnance de non-lieu du juge d'instruction en date du 16 avril 1996 ;
Attendu que, pour infirmer l'ordonnance entreprise et constater l'extinction de l'action publique par l'effet de la prescription, la chambre d'accusation retient qu'aucun acte d'instruction ou de poursuite ayant pour objet de constater des délits, d'en découvrir ou d'en convaincre les auteurs n'est intervenu entre le 24 janvier 1991, date de l'audition du plaignant, et le 20 janvier 1995 ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que la partie civile ne disposait d'aucun moyen de droit pour obliger le juge d'instruction à accomplir un acte interruptif de la prescription jusqu'à la date d'entrée en vigueur de la loi du 4 janvier 1993, et que cette prescription a nécessairement été suspendue à son profit entre le 24 janvier 1991 et le 1er mars 1993, puis interrompue par la notification par le juge d'instruction, le 24 novembre 1993, de l'avis prévu par l'article 49 de la loi du 24 août 1993, lequel constitue un acte d'instruction et de poursuite au sens des articles 7 et 8 du Code de procédure pénale, la chambre d'accusation a méconnu le sens et la portée des dispositions visées au moyen ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, en date du 1er octobre 1996, et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris autrement composée.