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04/06/1998 | FRANCE | N°95-44693

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 04 juin 1998, 95-44693


Attendu que Mme X..., engagée le 1er juin 1978, en qualité d'employée de maison, par M. Y..., a été licenciée le 28 septembre 1992, après avoir refusé une réduction de son horaire de travail, due au fait que l'employeur souhaitait se mettre en conformité avec la durée maximale du travail, la salariée cumulant deux emplois chez deux employeurs distincts ; que contestant la régularité et la légitimité de son licenciement, elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes en indemnité ;

Sur le premier moyen : (sans intérêt) ;

Sur le cinquième moyen qui

est préalable et les deuxième et quatrième moyens réunis :

Attendu que la sal...

Attendu que Mme X..., engagée le 1er juin 1978, en qualité d'employée de maison, par M. Y..., a été licenciée le 28 septembre 1992, après avoir refusé une réduction de son horaire de travail, due au fait que l'employeur souhaitait se mettre en conformité avec la durée maximale du travail, la salariée cumulant deux emplois chez deux employeurs distincts ; que contestant la régularité et la légitimité de son licenciement, elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes en indemnité ;

Sur le premier moyen : (sans intérêt) ;

Sur le cinquième moyen qui est préalable et les deuxième et quatrième moyens réunis :

Attendu que la salariée fait encore grief à l'arrêt d'avoir statué comme il l'a fait, alors, selon les moyens, premièrement, que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'il a été soutenu et maintenu que l'employeur avait mis en oeuvre ce licenciement en raison de l'accident du travail tardivement déclaré et aux conséquences qu'il emportait ; qu'en réalité, l'employeur a utilisé un prétexte, celui du double emploi qu'il prétendait irrégulier, alors que, non seulement la loi ne l'interdit pas aux gens de maison, mais surtout que l'employeur connaissait ce second emploi pratiqué par Mme X... depuis 10 ans et qu'à tout le moins, et selon les propres mentions de M. Y..., il connaissait cette situation depuis mai 1992 ; qu'il ne pouvait en conséquence invoquer en septembre 1992, 5 mois après avoir découvert " ce fait fautif ", pour justifier le licenciement, alors, que les textes prévoient qu'une sanction doit être prise dans les deux mois après que l'employeur en ait eu connaissance ; que de surcroît, M. Y... n'avait pas hésité à demander à son employée de venir, après accord de la Sécurité sociale, travailler en juillet-août 1992, en dépassant alors les horaires, puisque la fiche de paie de juillet 1992 fait état des horaires... week-end et nuits passés au service de l'employeur ; qu'il est à tout le moins inadmissible qu'un employeur utilise une salariée, pendant son arrêt de travail, puis la licencie avant la reprise, au prétexte que cette salariée avait un second emploi dont il n'a jamais été affirmé qu'il a gêné l'activité de Mme X... pour le compte de M. Y..., et ce qui n'était pas interdit ; que la cassation est encourue et devra être prononcée pour violation des dispositions de l'article L. 122-44 du Code du travail ; alors, deuxièmement, de surcroît, à supposer, ce qui est contesté en fait et en droit, bien fondée l'analyse de l'employeur, il lui appartenait d'inviter Mme X... à choisir entre son emploi, dont tous les éléments devaient être maintenus au regard de l'article L. 122-32-4, alinéa 1er, du Code du travail et le travail effectué concurremment chez l'autre employeur ; que l'employeur n'avait pas à imposer cette modification unilatérale des conditions substantielles de son propre contrat de travail, mais il devait mettre en demeure Mme X... de choisir entre deux emplois qu'il jugeait incompatibles ; que la cassation de ce chef est également encourue et devra être prononcée, pour violation de la loi et défaut de base légale, aux termes d'une jurisprudence constante qui décide qu'il appartient au seul salarié de choisir, le cas échéant, l'emploi qu'il souhaite conserver, après que l'employeur l'ait, avant toute autre démarche, invité, voire mis en demeure d'avoir à se conformer aux obligations... à supposer qu'elles aient existé ; alors, troisièmement, que la proposition de modification de contrat faite par l'employeur était inacceptable, en la forme et au fond ; qu'au fond, M. Y... prétend ramener l'horaire de travail à 104 heures par mois, mais il ajoute des nuits, des dimanches... ce qui revient à dire qu'il se propose de violer la loi sur la durée légale du travail qu'il invoque comme motif de son licenciement ;

qu'en la forme, il est inacceptable d'écrire à une employée de maison depuis 14 ans, d'origine et de nationalité portugaise, qu'elle était analphabète, alors que, tout au plus, Mme X... rencontrait quelques difficultés avec les subtilités de la langue française, ce qui n'avait jamais compromis la bonne marche de son activité ; qu'en faisant référence, faussement, à l'analphabétisme d'une employée de maison de nationalité étrangère, M. Y... a contrevenu aux dispositions du Code du travail et aux conventions européennes ; que le contrat " proposé " par M. Y... était inacceptable avec les dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme ; que le licenciement prononcé pour avoir refusé ce nouveau contrat de travail était nul et non avenu, dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Mais attendu que l'employeur d'une employée de maison, quand bien même il aurait antérieurement toléré une situation irrégulière quant à la durée du travail, doit se conformer à la législation relative à la durée maximale du travail, sous réserve de laisser à la salariée un délai de réflexion suffisant pour lui permettre de choisir entre l'emploi qu'elle souhaite conserver ou la réduction d'horaire proposée ;

Et attendu, qu'après avoir constaté, d'une part, que le motif du licenciement n'était pas lié à la déclaration tardive de l'accident du travail dont la salariée avait été victime, d'autre part, qu'un délai de réflexion suffisant avait été accordé à l'intéressée et que le nouveau contrat de travail proposé par l'employeur, aux fins de se mettre en conformité avec la législation relative à la durée du travail, était régulier, la cour d'appel a exactement décidé que le refus de la salariée de choisir une solution permettant de l'employer dans des conditions légales constituait une cause réelle et sérieuse de licenciement ;

D'où il suit que l'arrêt qui n'encourt aucun des griefs énoncés par ces moyens est légalement, justifié ;

Sur le troisième moyen : (sans intérêt) ;

Sur le sixième moyen :

Attendu que la salariée fait, enfin, grief à l'arrêt d'avoir statué comme il l'a fait, alors, selon le moyen, d'une part, que Mme X... reprenait devant la cour d'appel le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article R. 122-2 du Code du travail qui doivent s'appliquer aux employés de maison en l'absence de toute exclusion légale ; d'autre part, que la décision attaquée n'a pas répondu à l'argumentation et aux moyens tirés de l'irrégularité de la procédure, dont la précipitation et le caractère hâtif constituent la violation des dispositions réglementaires, spécialement dans le non-respect des délais, et la non-indication de la possibilité de se faire assister lors de l'entretien préalable ; que la cassation est de nouveau encourue et sera prononcée pour violation de la loi, manque de base légale et défaut de réponse à conclusions ; que l'arrêt qui n'a pas répondu aux moyens portés par les conclusions qui lui étaient soumises, doit être cassé, alors que de surcroît il manque de base légale et a été rendu en violation de la loi ;

Mais attendu, d'abord, que si la salariée a soutenu dans ses conclusions que les dispositions de l'article R. 122-2 du Code du travail relatif au calcul de l'indemnité minimum de licenciement prévue à l'article L. 122-9 de ce Code étaient applicables aux employées de maison, il ne résulte ni de l'arrêt ni des pièces de la procédure que la salariée ait chiffré sa demande en complément d'indemnité de licenciement en application de ce texte ;

Attendu, ensuite, que l'article L. 122-14 du Code du travail ne prévoit l'assistance du salarié par un conseiller de son choix qu'en l'absence d'institutions représentatives du personnel dans l'entreprise ; qu'il en résulte que cette disposition, applicable uniquement au personnel des entreprises, ne s'applique pas au personnel employé de maison au sens de l'article L. 772-1 du Code du travail ; que la cour d'appel qui a, en outre, relevé la régularité de la procédure de licenciement, a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune des ces branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 95-44693
Date de la décision : 04/06/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

1° CONTRAT DE TRAVAIL - RUPTURE - Licenciement - Cause - Cause réelle et sérieuse - Employé de maison - Durée du travail - Respect du maximum légal - Refus du salarié.

1° TRAVAIL REGLEMENTATION - Employé de maison - Contrat de travail - Durée du travail - Durée maximale - Respect par l'employeur - Obligation - Tolérance antérieure - Absence d'influence 1° TRAVAIL REGLEMENTATION - Employé de maison - Contrat de travail - Durée du travail - Réduction - Réduction pour respecter le maximum légal - Modalités 1° TRAVAIL REGLEMENTATION - Employé de maison - Contrat de travail - Durée du travail - Réduction - Réduction pour respecter le maximum légal - Refus du salarié - Portée 1° TRAVAIL REGLEMENTATION - Durée du travail - Durée maximale - Respect par l'employeur - Obligation - Domaine d'application - Employé de maison.

1° L'employeur d'une employée de maison cumulant deux emplois chez deux employeurs distincts, quand bien même il aurait antérieurement toléré une situation irrégulière quant à la durée du travail, doit se conformer à la législation relative à la durée maximale du travail, sous réserve de laisser à la salariée un délai de réflexion suffisant pour lui permettre de choisir entre l'emploi qu'elle souhaite conserver ou la réduction d'horaire proposée. Il en résulte que le refus d'une salariée de choisir une solution permettant de l'employer dans des conditions légales constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement.

2° CONTRAT DE TRAVAIL - RUPTURE - Licenciement - Formalités légales - Entretien avec le salarié - Assistance - Assistance du salarié par un conseiller - Domaine d'application - Personnel des entreprises - Employé de maison (non).

2° TRAVAIL REGLEMENTATION - Employé de maison - Contrat de travail - Licenciement - Formalités légales - Entretien avec le salarié - Assistance - Assistance du salarié par un conseiller - Application (non).

2° L'article L. 122-14 du Code du travail ne prévoit l'assistance du salarié par un conseiller de son choix qu'en l'absence d'institutions représentatives du personnel dans l'entreprise. Il en résulte que cette disposition, applicable uniquement au personnel des entreprises, ne s'applique pas au personnel employé de maison au sens de l'article L. 772-1 du Code du travail.


Références :

2° :
Code du travail L122-14, L772-1

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 08 février 1995


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 04 jui. 1998, pourvoi n°95-44693, Bull. civ. 1998 V N° 302 p. 229
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1998 V N° 302 p. 229

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gélineau-Larrivet .
Avocat général : Avocat général : M. de Caigny.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Bourgeot.
Avocat(s) : Avocat : Mme Luc-Thaler.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:95.44693
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