Vu leur connexité, joint les pourvois n°s 91-41.053 et96-41.054 ;
Sur le moyen unique ;
Vu l'article L. 132-8 du Code du travail ;
Attendu que, selon ce texte, lorsqu'un accord d'entreprise a été dénoncé par l'employeur, l'accord continue de produire effet jusqu'à l'entrée en vigueur de l'accord qui lui est substitué ou, à défaut, pendant une durée d'un an à compter de l'expiration du délai de préavis ; que durant cette période, une nouvelle négociation doit s'engager, à la demande de l'une des parties, dans les trois mois qui suivent la date de la dénonciation ; qu'enfin, lorsque à l'issue de la période aucun accord n'a été conclu, les salariés conservent les avantages individuels qu'ils ont acquis en application de cet accord ; qu'il en résulte que les clauses des contrats de travail ne peuvent valablement être modifiées dans un sens moins favorable que celles de l'accord d'entreprise tant que ce dernier reste en vigueur ;
Attendu que, le 8 novembre 1991, la société Hôtel Ritz a dénoncé l'ensemble des accords et usages en vigueur dans l'entreprise concernant la rémunération du personnel ; que, par arrêt définitif du 6 mai 1993, la cour d'appel de Paris a décidé que ces accords continuaient à produire effet jusqu'au 8 février 1993 ; que dès le mois d'avril 1992, un certain nombre de salariés avaient signé un avenant à leur contrat et relatif à leur rémunération ; que soutenant que cet avenant moins favorable que le régime résultant de l'accord collectif dénoncé était illicite, ces salariés ont saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de salaires et de primes calculés conformément au mode de rémunération antérieur ;
Attendu que, pour débouter les salariés de leur demande de rappel de salaire pour la période postérieure au 9 février 1993, la cour d'appel a retenu que les avenants signés ne pouvaient produire effet au 1er avril 1992 et ce jusqu'au 8 février 1993, date non discutée de l'expiration de la survie des accords d'entreprise, que l'illicéité ne porte pas sur le principe de la modification mais sur son application dans le temps, qu'à compter du 9 février 1993, l'ancien mode de rémunération n'était plus obligatoire pour l'employeur, que la décision de modification du mode de rémunération exprimée par l'employeur dès le mois de novembre 1991 avait fait l'objet d'une offre aux salariés, que certains l'ont accepté et ont été maintenus à leur poste dans l'entreprise, que dès lors, passé le délai de survie des accords d'entreprise, la décision des deux parties de continuer les relations contractuelles sur un autre mode de rémunération doit s'appliquer de bonne foi ;
Attendu, cependant que les salariés, tant que leur contrat de travail est en cours, ne peuvent valablement renoncer aux avantages qu'ils tirent d'un accord collectif ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que les avenants aux contrats de travail emportaient renonciation aux dispositions de l'accord d'entreprise encore en vigueur au moment de la signature desdits avenants, ce dont il résultait qu'ils étaient nuls, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 novembre 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.