Attendu que M. Y..., au service de la société Foncière d'assurance vie (PFA) depuis le 1er juillet 1972, occupant en dernier lieu le poste d'inspecteur général 4e échelon, responsable de la région France Sud Est, conseiller prud'homme, a été licencié le 20 avril 1988 après autorisation de l'inspecteur du Travail du 19 avril 1988 annulée par arrêt du Conseil d'Etat du 28 février 1992 ; que le salarié ayant demandé sa réintégration, l'employeur lui a proposé le poste d'adjoint au responsable commercial du réseau Lloyd de France vie qu'il a refusé ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale des demandes, à titre principal, de rappels de salaire et de réintégration sous astreinte dans le même emploi, à titre subsidiaire, en paiement de dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt (Lyon, 6 juillet 1995) d'avoir dit que le salarié avait un droit à réintégration, alors, selon le moyen, que la loi prévoit seulement que la procédure de licenciement d'un conseiller prud'homme est identique à celle d'un délégué syndical et comme telle subordonnée à l'autorisation de l'inspecteur du Travail ; qu'en revanche elle ne rend pas applicable au conseiller prud'homme les dispositions distinctes relatives au droit à réintégration et à indemnisation du délégué syndical en cas d'annulation de l'autorisation administrative de licenciement ; qu'en décidant néanmoins que M. Y..., ancien conseiller prud'homme, devait être réintégré de plein droit dans la société à la suite de l'annulation de l'autorisation administrative de licenciement suite à un recours contentieux et percevoir une indemnité de six mois de salaires, la cour d'appel a violé les articles L. 514-2, L. 412-18 et L. 412-19 du Code du travail ;
Mais attendu que l'article L. 514-2 du Code du travail soumettant le licenciement d'un conseiller prud'homme à la procédure prévue par l'article L. 412-18 du même Code, il en résulte que le conseiller prud'homme doit bénéficier de la protection du salarié mentionné à l'article L. 412-18 au sens de l'article L. 412-19, alinéa 1er, auquel les dispositions de ce dernier texte sont applicables ; qu'en conséquence la cour d'appel a décidé à bon droit qu'à la suite de l'annulation de l'autorisation administrative de licenciement, le conseiller prud'homme avait droit à réintégration dans son emploi ou dans un emploi équivalent ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que l'employeur fait encore grief à l'arrêt d'avoir dit que l'offre de réintégration n'était pas satisfactoire et de l'avoir, en conséquence, condamné à indemniser le salarié de la perte de revenu subie à la suite de son licenciement jusqu'à la fin de son mandat, alors, selon le moyen, d'une part, que l'employeur décrivait précisément dans ses écritures d'appel les caractéristiques du poste proposé à M. Y... au titre de sa réintégration ; qu'il indiquait, ainsi, que le salarié allait dépendre directement du responsable commercial du réseau Lloyd de France vie, M. X..., qui avait été son supérieur hiérarchique ; que son travail consisterait à animer et à développer sur l'ensemble du territoire national un réseau de production comprenant des agents généraux, des prescripteurs et tous apporteurs d'affaires dépendant ou non d'un collaborateur et occupant un échelon d'inspecteur cadre ; qu'il serait chargé du recrutement des apporteurs d'affaires, du suivi de l'activité des inspecteurs et participerait à l'élaboration de la stratégie commerciale ; qu'en relevant que les explications fournies par la société restaient imprécises, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions d'appel de l'employeur et a violé les articles 4 à 7 du nouveau Code de procédure ; alors, d'autre part, qu'en faisant grief à l'employeur de donner l'apparence de verser un salaire identique à celui perçu par M. Y..., en ajoutant au salaire fixe des avances sur intéressement non garanti sans en préciser les modalités de calcul, alors que par définition les avances sur intéressement sont calculées au fur et à mesure du chiffre d'affaires réalisé par l'employé, la cour d'appel a statué par un motif totalement inopérant et a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que l'assiette de calcul de la prime d'intéressement non garanti était modifiée par le changement de mission du salarié, que son mode de calcul n'était pas mentionné et qu'il n'était pas justifié que la réorganisation des services impliquait le déplacement du lieu de travail de Lyon à Paris, la cour d'appel, qui en a déduit que l'emploi proposé par l'employeur n'était pas équivalent à l'emploi occupé antérieurement par le salarié, a, sans encourir les griefs du moyen, légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que l'employeur fait encore grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande d'indemnisation de la violation par le salarié de son obligation de loyauté, alors, selon le moyen, qu'un salarié ne peut, sans manquer à ses obligations contractuelles, exercer une activité concurrente de celle de son employeur pendant la durée du contrat de travail ; qu'en se bornant à dire que l'employeur ne pouvait se prévaloir de la clause de non-concurrence insérée dans le contrat de travail de M. Y..., car cette dernière n'était applicable qu'en cas de rupture du contrat, sans rechercher, alors pourtant qu'elle y était invitée, si le simple fait d'avoir exercé une activité concurrentielle à celle de son employeur pendant son contrat de travail ne justifiait pas la condamnation du salarié fautif à verser des dommages-intérêts à son ancien employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu que, les recours administratifs n'ayant pas d'effet suspensif, le licenciement autorisé par l'inspecteur du travail produisait tous ses effets ; que, dès lors, la cour d'appel qui a fait ressortir qu'à la suite de la rupture du contrat de travail, le salarié n'était plus tenu à l'obligation de loyauté qui pesait sur lui pendant la durée du contrat, a légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.