REJET des pourvois formés par :
- X...,
- Y...,
- Z...,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, en date du 29 septembre 1997, qui, dans l'information suivie contre eux du chef d'infractions à la législation sur les stupéfiants, a rejeté leurs requêtes aux fins d'annulation d'actes de la procédure.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu l'ordonnance du président de la Chambre criminelle du 8 janvier 1998 prescrivant l'examen immédiat des pourvois ;
Vu les mémoires produits ;
Sur le moyen unique de cassation pris en faveur de X... pour violation des articles 222-37 du Code pénal, 706-32 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler l'ensemble de la procédure ouverte, notamment contre X... du chef d'infractions à la législation sur les stupéfiants ;
" aux motifs que l'attitude de l'officier de police judiciaire n'a pas provoqué la commission de l'infraction ; que les trois mis en examen s'apprêtaient au moment de leur appréhension à livrer la drogue, à trois autres personnes et non à l'officier de police judiciaire directement, lequel n'a donc pas acquis les stupéfiants ; que l'absence d'autorisation du parquet ne pouvait vicier la procédure qu'en cas d'acquisition directe de la drogue par l'officier de police judiciaire ; que par ailleurs ce dernier, en acceptant des échantillons de drogue au cours des pourparlers, n'a pas détenu de la drogue au sens de l'article 706-32 du Code de procédure pénale :
" alors, d'une part, que constitue un moyen de caractère juridique au sens de l'article 706-32, alinéa 2, du Code de procédure pénale, dont l'emploi est, à peine de nullité de toute la procédure subséquente, subordonné à une autorisation préalable du procureur de la République, le fait pour un officier de police judiciaire de formuler une offre ferme d'acquisition de drogue, accréditée par l'acception d' "échantillons" et la présentation d'espèces prêtées pour le paiement ;
" alors, d'autre part, que le fait que les services de police qui contrôlaient la livraison commandée par l'officier de police judiciaire aient choisi d'appréhender les auteurs avant que la drogue se trouve matériellement dans les mains de l'officier de police judiciaire n'est pas de nature à faire perdre à l'opération sa nature de livraison contrôlée, subordonnée à autorisation préalable du procureur de la République ;
" alors, de surcroît, que toute détention de produits stupéfiants est prohibée par l'article 222-37 du Code pénal ; que tombe sous le coup de cette disposition, et doit donc être préalablement autorisée par le parquet, l'acceptation d'échantillons de drogue par un officier de police judiciaire, fût-ce dans le but d'infiltrer un réseau ;
" alors, en toute hypothèse, que le comportement de l'officier de police judiciaire en l'espèce, qui a accepté de se présenter comme acquéreur potentiel de cocaïne pour le compte de personnalités du monde du spectacle, accepté des échantillons de produit, exhibé des espèces avec lesquelles il se déclarait susceptible de les payer et accepté un rendez-vous pour la livraison, a provoqué l'infraction à la législation sur les stupéfiants imputée aux mis en examen ; que cette provocation, constitutive d'un stratagème viciait intégralement la procédure ouverte du chef de cette infraction, qui devait donc être annulée ;
" alors, enfin, et en tout état de cause, qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la livraison a au moins été surveillée par les officiers de police judiciaire ; qu'à défaut de toute information préalable du parquet, une telle livraison surveillée était irrégulière et que les actes de procédure qui s'en sont suivis devaient être annulés, en application de l'article 702-36, alinéa 1, du Code de procédure pénale " ;
Sur le moyen unique de cassation pris en faveur de Y... et Z... pour violation des articles 706-32, 591 et 593 du Code de procédure pénale :
" l'arrêt attaqué encourt la censure en ce qu'il a rejeté la requête de Y... et Z... tendant à l'annulation de la procédure ayant conduit à leur appréhension ;
" aux motifs que, d'une part, l'acceptation par A..., au cours des pourparlers, d'un échantillon de cocaïne et de deux pilules d'ecstasy dans un souci de favoriser son infiltration dans le réseau et de rendre crédible son acceptation de l'offre d'achat, n'entre pas dans le champ d'application de l'article 706-32 du Code de procédure pénale ; que leur possession ne constitue pas en effet une détention au sens des dispositions de l'alinéa 2 dudit article, qui suppose, pour trouver application, que l'agent de l'autorité bénéficiant de son infiltration dans le réseau et dans le but d'en confondre les participants, ait délibérément procédé à l'acquisition de stupéfiants ou encore, à cette fin, volontairement détenu, transporté et livré des stupéfiants à l'occasion de sa participation à l'activité du réseau ; que, d'autre part, en raison de l'arrestation de Y... et de Z... et X..., le rendez-vous prévu le 7 novembre à 18 heures (à l'hôtel E..., place de la République à Paris) entre les dénommés B..., C..., D... et A... n'a pas eu lieu et qu'il n'y a donc pas eu d'acquisition de stupéfiants par ce dernier ; que l'offre d'achat acceptée par A... ne fut pas suivie d'effet et, en l'absence d'acquisition de la marchandise, il ne peut être reproché à ce dernier de s'être affranchi de cette autorisation dont l'absence, en application de l'alinéa 2, de l'article 706-32 précité ne pourrait vicier la procédure qu'en cas d'acquisition ;
" alors que, premièrement, la surveillance de l'acheminement des stupéfiants par les officiers de police judiciaire ne peut être régulièrement effectuée qu'après information du procureur de la République ; que A..., officier de police judiciaire, a fait procéder à la surveillance de divers trafiquants se faisant dénommer B..., C... et D... et a accepté un rendez-vous afin d'acquérir les stupéfiants qu'ils lui proposaient, ce procédé ayant favorisé l'appréhension de Y... et Z..., sans en avoir préalablement informé le procureur de la République ; qu'ainsi, les conditions de leur arrestations sont irrégulières ;
" alors que, deuxièmement, un officier de police judiciaire n'a pas le pouvoir de détenir des stupéfiants sans l'autorisation préalable du procureur de la République ; que A... s'est fait remettre un échantillon de cocaïne et deux pilules d'ecstasy, sans y avoir été préalablement autorisé par le procureur de la République ; qu'il a ainsi excédé les pouvoirs qu'il tient de l'article 706-32 du Code de procédure pénale ;
" alors que, troisièmement, un officier de police judiciaire ne peut fournir les moyens matériels ou juridiques nécessaires à la commission d'une infraction prévue par les articles 222-34 et suivants du Code pénal sans y avoir été préalablement autorisé par le procureur de la République ; que A..., officier de police judiciaire, a accepté l'acquisition d'une certaine quantité de cocaïne à un prix déterminé, et a de la sorte consenti à un contrat de vente dont l'exécution n'a été interrompue que par l'intervention des services de police au moment le plus opportun ; que ces moyens juridiques de commission de l'infraction ont été fournis par l'officier de police judiciaire sans autorisation préalable du procureur de la République et en excédant les pouvoirs qu'il tient de l'article 706-32 du Code de procédure pénale ;
" alors que, quatrièmement, faute d'avoir recherché si les agissements de A... avaient déterminé la commission de l'infraction au cours de laquelle Y... et Z... ont été appréhendés, la chambre d'accusation a privé sa décision de base légale au regard du même texte " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, le 25 octobre 1996, le capitaine de police A..., qui se faisait passer pour un habitué des milieux du spectacle, était mis en relation avec un nommé D... qui se proposait de l'approvisionner en produits stupéfiants (ecstasy et cocaïne) ; que, lors d'une deuxième rencontre, le 5 novembre 1996, il acceptait de se porter acquéreur d'un kilo de cocaïne au prix de 400 000 francs après que son interlocuteur lui ait remis pour le convaincre de la qualité du produit un échantillon de cocaïne et 2 sachets d'ecstasy ; que la livraison n'ayant pu avoir lieu le 6 novembre suivant, le nommé D... lui donnait rendez-vous pour le lendemain après s'être assuré qu'il était bien en possession des fonds correspondant au prix de la transaction ; qu'au jour dit, et avant que n'intervienne la remise de la drogue dans les conditions prévues, les policiers procédaient à l'interpellation de Y..., Z... et X... trouvés à bord ou à proximité d'un véhicule loué par Y..., qui contenait un kilo de cocaïne et divers documents attestant d'un séjour récent dudit véhicule à Amsterdam ;
Attendu qu'après leur mise en examen pour transport, détention, offre, cession, acquisition ou emploi de stupéfiants, Y..., Z... et X... ont saisi la chambre d'accusation d'une requête aux fins d'annulation d'actes de la procédure ;
Attendu que, pour refuser d'y faire droit, la chambre d'accusation se prononce par les motifs repris aux moyens, après avoir relevé que l'intervention du policier n'avait pas déterminé les agissements des personnes mises en examen mais avait eu pour seul effet, en facilitant son infiltration d'un réseau préexistant, de constater le trafic de stupéfiants auquel ces derniers se livraient ;
Attendu qu'en cet état, et dès lors que l'autorisation judiciaire visée par l'article 706-32 du Code de procédure pénale n'est prévue par la loi que pour exempter les fonctionnaires de police de leur responsabilité à raison de leur participation à des infractions à la législation sur les stupéfiants et n'a pas d'incidence sur la validité de la procédure, la chambre d'accusation a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
D'où il suit que les moyens ne peuvent être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.