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29/04/1998 | FRANCE | N°98-80121

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 29 avril 1998, 98-80121


CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Grenoble, en date du 16 décembre 1997, qui, dans l'information suivie contre lui pour banqueroute, abus de confiance et fraude en matière d'assurance-chômage, a rejeté sa demande en annulation d'actes de la procédure.
LA COUR,
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 4 mars 1998, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 63-1, 77, 171, 59

1 et 593 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des dro...

CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Grenoble, en date du 16 décembre 1997, qui, dans l'information suivie contre lui pour banqueroute, abus de confiance et fraude en matière d'assurance-chômage, a rejeté sa demande en annulation d'actes de la procédure.
LA COUR,
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 4 mars 1998, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 63-1, 77, 171, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la requête de X... tendant à voir prononcer la nullité de la procédure pour notification tardive de ses droits en cours de garde à vue ;
" aux motifs que, le 10 septembre 1997, X..., convoqué au commissariat de police, s'y rendait ; qu'il était entendu à 10 heures 30 relativement à son identité, à ses ressources et à sa participation dans les diverses sociétés et les accusations portées contre lui ; qu'il disait alors comprendre sa position de gardé à vue ; qu'il était alors placé en garde à vue à 12 heures ; qu'il n'a pas sollicité d'examen médical et a rencontré son avocat le 11 septembre 1997 à 11 heures 10 ; que, dans le procès-verbal de déroulement de garde à vue, il est noté que, dès le début de la garde à vue, il a été informé de ses droits ; que, lors de son audition, X... a déclaré comprendre la mesure de garde à vue prise à son encontre ; que ses droits lui ont été notifiés 1 heure 30 après son arrivée dans les locaux de police, mais peu après le moment où il a déclaré comprendre son placement en garde à vue ; que, dans la présente affaire, leurs droits n'ont été notifiés au trois personnes que 1 heure 10 à 1 heure 45 après la retenue ; que, pour que la nullité soit encourue, il faut que le retard dans cette notification soit injustifié ; qu'il ne peut y avoir aucune justification lorsque ce retard a été très important, notamment 16 heures ; qu'un retard de 1 heure 45 n'est pas déraisonnable par le fait que les gardés à vue ont été entendus sommairement avant que leurs droits ne leur soient notifiés et afin de vérifier qu'il existait des indices laissant présumer qu'ils auraient commis ou tenté de commettre une infraction ; que seul tout retard injustifié et déraisonnable dans la notification des droits porte nécessairement atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne ; qu'en l'occurrence, le léger retard n'a pas eu pour effet de porter atteinte aux intérêts des gardés à vue, au sens des articles 171 et 802 du Code de procédure pénale, puisqu'ils ont eu connaissance de leurs droits et ont pu effectivement les exercer dans les conditions prévues par la loi, et en temps manifestement utile ; que, surtout, les policiers ont voulu, avant de notifier officiellement la garde à vue, vérifier que les indices laissaient présumer qu'ils avaient commis ou tenté de commettre une infraction pouvant justifier la mesure en vertu des articles 77, 78 et 153 du Code de procédure pénale ;
" 1o Alors que, selon l'article 63-1 du Code de procédure pénale, l'officier de police judiciaire ou, sous son contrôle, l'agent de police judiciaire a le devoir de notifier immédiatement les droits attachés au placement en garde à vue à la personne retenue et que le terme " immédiatement " signifie que la notification des droits doit intervenir dès le placement effectif en garde à vue, c'est-à-dire dès que l'intéressé a été transféré au lieu de la garde à vue et a été mis en présence de l'officier de police judiciaire qui décide de la mesure ; qu'il résulte de la procédure que, mis en présence, dans les locaux de la garde à vue, de l'officier de police judiciaire qui a décidé à 10 heures 30 de le placer en garde à vue, X... a été invité à s'expliquer sur le fond avant de se voir une heure et demie plus tard seulement, c'est-à-dire à midi, notifier les droits de la personne gardée à vue et que, dès lors, les dispositions substantielles du texte susvisé ont été méconnues en sorte que la chambre d'accusation avait l'obligation de prononcer l'annulation de la procédure ;
" 2o Alors qu'il n'est fait exception au principe précité qu'en cas " d'obstacle insurmontable " et qu'un tel obstacle ne peut résulter de la prétendue nécessité, pour l'officier de police judiciaire, d'entendre sur le fond la personne retenue avant de lui notifier ses droits ;
" 3o Alors que la circonstance selon laquelle les officiers de police peuvent, dans l'intérêt de la personne qu'ils placent en garde à vue, faire remonter le début de celle-ci à une audition faite avant le placement et, à l'issue de laquelle la mesure de garde à vue a été décidée, ne les autorise pas, inversement, à retarder le moment de la notification des droits d'une personne gardée à vue postérieurement à une première audition réalisée sous le régime de la garde à vue ;
" 4o Alors que la chambre d'accusation ne pouvait, sans se contredire, constater, d'une part, que, dès son entrée au commissariat, X... disait comprendre sa position de gardé à vue, ce dont il résultait qu'il avait, dès ce moment, été placé en garde à vue, et énoncer, d'autre part, que les policiers ont voulu, avant de notifier officiellement la garde à vue, vérifier que des indices laissaient présumer que les gardés à vue avaient commis ou tenté de commettre une infraction pouvait justifier une telle mesure ;
" 5o Alors que tout retard injustifié dans la notification de ses droits à la personne gardée à vue porte nécessairement atteinte aux intérêts de celle-ci et doit, dès lors, entraîner l'annulation de la procédure ;
" 6o Alors qu'il résulte des énonciations mêmes de l'arrêt attaqué que le retard mis à la notification des droits avait pour objet de réunir des indices contre le gardé à vue ; que les seules vérifications opérées par les officiers de police étant constituées par l'audition d'une personne en garde à vue à qui ses droits n'avaient pas été notifiés préalablement, il s'en déduit que cette carence a porté atteinte à ses intérêts " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'il résulte de l'article 63-1 du Code de procédure pénale que l'officier de police judiciaire ou, sous son contrôle, l'agent de police judiciaire a le devoir de notifier immédiatement les droits attachés au placement en garde à vue ; que tout retard injustifié dans la mise en oeuvre de cette obligation porte nécessairement atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que X... s'est présenté, le 10 septembre 1997, à 10 heures 30, au commissariat de police, où il avait été convoqué, et qu'il a été entendu, jusqu'à 11 heures 50 ; qu'au cours de cette audition, il a déclaré, après avoir été informé des dénonciations le concernant : " Je comprends aujourd'hui ma position de gardé à vue et je désire bien entendu m'expliquer sur chaque cas " ; qu'ensuite, il a fourni des explications sommaires sur les faits dénoncés ; qu'à 12 heures, il a été placé en garde à vue, à compter de 10 heures 30, et a reçu notification des droits attachés à ce placement ;
Attendu que, pour refuser d'annuler la garde à vue et les actes subséquents, l'arrêt attaqué retient que le retard, de courte durée, à notifier les droits attachés à cette mesure n'a pas eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de X..., dès lors qu'il a pu exercer ces droits en temps utile ; que les juges ajoutent que les enquêteurs pouvaient l'entendre, avant de le placer en garde à vue, afin de vérifier la réalité des indices de sa participation à des infractions ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte des énonciations mêmes du procès-verbal de son audition que Bernard X... était gardé à vue depuis son arrivée au commissariat de police, la chambre d'accusation a méconnu le sens et la portée du principe énoncé ci-dessus ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Attendu qu'en application de l'article 612-1 du Code de procédure pénale, l'annulation prononcée aura effet à l'égard de Sandrine X... et de Gisèle Y..., épouse X..., dont les demandes en annulation des mêmes actes de la procédure ont été également rejetées par l'arrêt attaqué et qui ne se sont pas pourvues ; qu'il ressort, en effet, de cet arrêt et des pièces de la procédure que l'une et l'autre ont été gardées à vue sans être immédiatement informées des droits attachés à une telle mesure ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Grenoble, en date du 16 décembre 1997 ;
ORDONNE que l'annulation prononcée aura effet à l'égard de Sandrine X... et de Gisèle Y..., épouse X... ;
Et pour qu'il soit jugé à nouveau, conformément à la loi, dans les conditions de l'article 609-1, alinéa 2, du Code de procédure pénale,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Chambéry.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 98-80121
Date de la décision : 29/04/1998
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

GARDE A VUE - Droits de la personne gardée à vue - Notification - Moment - Placement en garde à vue dès l'arrivée de la personne au service de police - Notification effectuée ultérieurement.

Il résulte de l'article 63-1 du Code de procédure pénale que l'officier de police judiciaire ou, sous son contrôle, l'agent de police judiciaire a le devoir de notifier immédiatement les droits attachés au placement en garde à vue. Tout retard injustifié dans la mise en oeuvre de cette obligation porte nécessairement atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne. Méconnaît le sens et la portée de ce principe la chambre d'accusation qui, pour refuser d'annuler la garde à vue, retient que le retard à notifier les droits attachés à cette mesure n'a pas eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la personne concernée, alors qu'il résulte des énonciations mêmes du procès-verbal de l'audition de celle-ci qu'elle était gardée à vue depuis son arrivée au commissariat de police. (1).


Références :

Code de procédure pénale 63-1

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble (chambre d'accusation), 16 décembre 1997

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1996-01-04, Bulletin criminel 1996, n° 5, p. 8 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1996-04-30, Bulletin criminel 1996, n° 181, p. 524 (cassation) ;

Chambre criminelle, 1996-12-03, Bulletin criminel 1996, n° 443, p. 1297 (cassation). A rapprocher : Chambre criminelle, 1996-11-13, Bulletin criminel 1996, n° 401, p. 1166, 1er arrêt, (rejet) ;

Chambre criminelle, 1997-05-06, Bulletin criminel 1997, n° 174, p. 576 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 29 avr. 1998, pourvoi n°98-80121, Bull. crim. criminel 1998 N° 145 p. 386
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1998 N° 145 p. 386

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Guilloux, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Avocat général : Avocat général : M. Le Foyer de Costil.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Farge.
Avocat(s) : Avocat : la SCP Piwnica et Molinié.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:98.80121
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