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02/04/1998 | FRANCE | N°96-82991

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 02 avril 1998, 96-82991


CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- X..., partie civile,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, en date du 20 juin 1996, qui, dans la procédure suivie contre Y... et Z... des chefs d'abus de biens sociaux, abus de confiance, complicité et recel, infirmant partiellement l'ordonnance de renvoi, de non-lieu partiel, d'extinction de l'action publique et d'irrecevabilité partielle des constitutions de parties civiles rendue par le juge d'instruction, a constaté la prescription de l'action publique et l'irrecevabilité des constitutions de pa

rties civiles pour deux des abus de biens sociaux poursuivis...

CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- X..., partie civile,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, en date du 20 juin 1996, qui, dans la procédure suivie contre Y... et Z... des chefs d'abus de biens sociaux, abus de confiance, complicité et recel, infirmant partiellement l'ordonnance de renvoi, de non-lieu partiel, d'extinction de l'action publique et d'irrecevabilité partielle des constitutions de parties civiles rendue par le juge d'instruction, a constaté la prescription de l'action publique et l'irrecevabilité des constitutions de parties civiles pour deux des abus de biens sociaux poursuivis, et confirmé l'ordonnance entreprise pour le surplus.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que X... et A..., petits-fils du fondateur de la société B..., qui détenaient directement 30 % du capital de cette société et 87,5 % du capital de la société C..., elle-même détentrice de 49,98 % des actions de B..., ont cédé courant 1978 leurs titres Sopic à la société D..., dont Z... est associé-gérant, au prix de 100 francs la part, et leurs actions B... à la C... au prix de 250 francs l'action ; que leur compte-courant créditeur dans la société C... leur a été remboursé au moyen d'avances consenties à celle-ci par la société D..., laquelle a été elle-même remboursée grâce à un prêt de 100 millions de francs contracté en 1981 par la société anonyme E..., résultant de la transformation de la C..., auprès de sa filiale ; que, dans le même temps, E... a absorbé la société B... puis a pris la dénomination sociale de celle-ci ;
Que les actions de la nouvelle société B... ont été introduites en bourse en 1985, au prix de 560 francs le titre ;
Attendu qu'estimant avoir été lésés lors de la vente de leurs participations, les frères X... ont déposé plusieurs plaintes avec constitution de partie civile, dont la jonction a été ordonnée le 22 janvier 1988, X... a dénoncé les abus de biens sociaux ou de crédit que Y..., président de la société B..., aurait commis à l'occasion de la cession, en 1976, de la filiale F..., et du versement " d'honoraires " à M. G... ; le 4 février 1991, le susnommé a déposé plainte pour abus de confiance, dénonçant la façon dont il aurait été dépouillé de 287 actions de la Société française de H..., exploitant les F... ; le 18 novembre 1992, A... a porté plainte des chefs d'abus de confiance, abus de biens sociaux, complicité et recel, visant le prêt de 100 millions et les conditions dans lesquelles la société D... et Z... avaient pris le contrôle en 1981 du groupe B... ;
Qu'ils ont, en outre, déposé des notes en cours de procédure, dont l'une a donné lieu à la délivrance d'un réquisitoire supplétif, le 5 avril 1990, pour abus de biens sociaux concernant le prêt de 100 millions de francs susvisé ;
Attendu qu'au terme de l'information judiciaire, le juge d'instruction a renvoyé devant la juridiction correctionnelle Y... du chef d'abus de biens sociaux à raison des cessions d'actions de la société F... intervenues en 1976 et 1982 et du prêt de 100 millions de francs consenti en 1981 à E..., anciennement C..., par la société B..., Z..., en sa qualité d'administrateur de cette société, du chef d'abus de biens sociaux concernant ce dernier fait ;
Que, sur l'appel du ministère public et des parties civiles, la chambre d'accusation, par l'arrêt attaqué, a déclaré irrecevable l'appel de A... et infirmé l'ordonnance du juge d'instruction en ce qu'elle avait renvoyé Y... pour la cession de 1976 et le prêt consenti par la société B... en faveur de E..., Z... pour ce dernier fait et confirmé pour le surplus ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 372-1 et 437-4° de la loi du 24 juillet 1966, 1134 du Code civil, 2, 6, 8, 85, 202, 203 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré prescrit le délit d'abus de biens sociaux constitué par l'octroi d'un prêt de 100 millions de francs par la société B... à la société C... devenue E... et a constaté l'absence de qualité de partie civile de X... concernant cette infraction et, en tant que de besoin l'irrecevabilité de sa constitution de partie civile ;
" aux motifs que X... a clairement exclu de sa constitution de partie civile les faits d'abus de biens sociaux commis en juillet 1981 par octroi d'un prêt de 100 millions de francs accordé par la société B... à la société C..., dénoncés dans sa plainte initiale du 18 janvier 1988 pour illustrer la volonté de s'approprier les sociétés B..., F... et C... animant Y..., constitution de partie civile en laquelle il aurait été au demeurant irrecevable en 1988 en sa seule qualité d'actionnaire de la nouvelle société B... juridiquement distincte de la première société du même nom, et dissoute par décision de l'assemblée générale extraordinaire du 22 décembre 1981 après absorption avec la société E... ;
" qu'il s'ensuit que l'action publique a été mise en mouvement de ce chef par les seules réquisitions supplétives du procureur de la République prises le 5 avril 1990 ;
" que le juge d'instruction a fixé à juste titre le point de départ de la prescription triennale au 3 octobre 1985, date des publications relatives à l'introduction en bourse de la société B... qui a placé les parties civiles dans des conditions leur permettant de mettre l'action publique en mouvement ;
" que la prescription était par conséquent acquise le 3 octobre 1988 ;
" alors que, d'une part, quand des infractions distinctes sont liées entre elles par un lien de connexité, un acte interruptif de la prescription concernant l'une d'entre elles, comme celui qui résulte d'une plainte avec constitution de partie civile visant une infraction, interrompt nécessairement la prescription à l'égard de toutes les infractions connexes ; qu'il en est notamment ainsi lorsque, comme en l'espèce, une plainte porte sur une infraction au droit sur les sociétés commerciales qui interrompt le cours de la prescription pour toutes les infractions, même non visées dans cette plainte, qui ont été commises par le même dirigeant social dans le fonctionnement de cette même société, de même que lorsque la plainte avec constitution de partie civile fait état d'une opération complexe déterminée, la prescription est interrompue à l'égard de toutes les infractions qui ont été commises à l'occasion de cette opération, même si celles-ci ne sont pas expressément qualifiées dans la plainte ; que dès lors en l'espèce, où, dans sa plainte avec constitution de partie civile déposée le 18 janvier 1988 et donc dans le délai de trois ans qui, selon la Cour, a commencé à courir le 3 octobre 1985, la partie civile a clairement dénoncé l'abus de biens sociaux commis au préjudice de la société B... et résultant d'un prêt de 100 millions de francs consenti par cette personne morale, en demandant que l'instruction révèle le détail des opérations organisées par le dirigeant de cette société pour lui permettre de s'approprier la personne morale qu'il dirigeait, ainsi que leur caractère éventuellement délictueux, en précisant que, si ces opérations n'étaient pas directement visées par la plainte, elles constituaient néanmoins la poursuite de l'action délictueuse qui y était dénoncée, et qui constituait un abus de biens sociaux commis par la même personne au préjudice de la même société, la chambre d'accusation a méconnu les principes découlant des dispositions des articles 6 et suivants et 203 du Code de procédure pénale qui viennent d'être rappelés, et en prétendant qu'une telle plainte n'avait pas interrompu le cours de la prescription pour l'infraction d'abus de biens sociaux réalisée par le prêt de 100 millions de francs dont l'instruction a clairement établi l'existence ;
" alors que, d'autre part, pour qu'une constitution de partie civile soit recevable devant la juridiction d'instruction, il suffit que les circonstances sur lesquelles elle s'appuie, permettent au juge d'admettre comme possibles l'existence du préjudice allégué et sa relation avec une infraction à la loi pénale ; que dès lors, en l'espèce, la chambre d'accusation a violé l'article 2 du Code de procédure pénale, en déclarant irrecevable la constitution de partie civile d'un actionnaire d'une société nouvelle issue de la fusion de deux autres sociétés à raison d'un abus de biens sociaux commis au préjudice de l'une de ces deux personnes morales dont le patrimoine a été apporté à la société nouvelle qui a été ainsi lésée par l'infraction " ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable l'action civile de X... et éteinte par l'effet de la prescription l'action publique du chef d'abus de biens sociaux à raison du prêt de 100 millions de francs, l'arrêt attaqué se prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu que, si c'est à tort que la chambre d'accusation a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de X..., redevenu actionnaire de la société B... par l'acquisition faite en 1987 de dix actions de cette société, dès lors qu'en cas de fusion les associés de la société absorbante sont recevables personnellement à demander réparation du dommage résultant d'actes délictueux commis au préjudice de la société absorbée par ses dirigeants sociaux, la décision est cependant justifiée, la juridiction d'instruction du second degré ayant souverainement estimé que le réquisitoire supplétif du procureur de la République en date du 5 avril 1990 était le premier acte interruptif de la prescription et qu'en conséquence, celle-ci était acquise ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le deuxième moyen de cassation : (sans intérêt) ;
Sur le quatrième moyen de cassation : (sans intérêt) ;
Sur le cinquième moyen de cassation : (sans intérêt) ;
Mais sur le troisième moyen de cassation : (sans intérêt) ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris du 20 juin 1996 en ce qu'il a omis de statuer sur le délit de recel d'abus de biens sociaux visant le prêt de cent millions de francs, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, autrement composée.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 96-82991
Date de la décision : 02/04/1998
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

SOCIETE - Sociétés en général - Fusion - Effet - Société absorbante venant aux droits de la société absorbée - Constitution de partie civile des associés - Recevabilité.

ACTION CIVILE - Partie civile - Fusion de sociétés - Ancien associé redevenu actionnaire - Constitution de partie civile - Recevabilité

En cas de fusion de sociétés, les associés, anciens ou nouveaux, de la société absorbante sont recevables personnellement à demander réparation du dommage résultant d'actes délictueux comme au préjudice de la société absorbée par ses dirigeants sociaux. (1).


Références :

Code pénal 313-1, 321-1 ancien
Code pénal 405, 406 et 461
Loi du 24 juillet 1966 372-1°, 437-4°

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (chambre d'accusation), 20 juin 1996

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1987-05-25, Bulletin criminel 1987, n° 215, p. 580 (rejet et cassation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 02 avr. 1998, pourvoi n°96-82991, Bull. crim. criminel 1998 N° 132 p. 355
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1998 N° 132 p. 355

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Schumacher, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Avocat général : Avocat général : M. de Gouttes.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Martin.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Waquet, Farge et Hazan, M. Bouthors, M. Choucroy.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:96.82991
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