Vu leur connexité, joint les pourvois n° 96-40.022 et n° 95-45.639 ;
Attendu que M. Y..., préparateur en pharmacie, est entré, le 15 septembre 1962, au service de l'Officine Ehret, rachetée en 1982 par M. X... ; que M. X... l'a licencié, par lettre du 10 novembre 1993, pour fautes graves, lui imputant des erreurs importantes dans la gestion du stock, son inadaptation à l'informatique et, enfin, le refus de se conformer aux directives hiérarchiques en se présentant sur les lieux de son travail malgré la défense qui lui était faite ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° 95-45.639 formé par l'employeur, pris en sa première branche :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que le licenciement n'était pas justifié par une faute grave, alors, selon le moyen, qu'il était reproché au salarié d'avoir délibérément commis des erreurs dans la mise en place du fichier informatique des produits homéopathiques qui lui avait été confiée, et non pas seulement dans son utilisation ; que l'employeur versait aux débats un rapport d'audit dont il résultait que le fichier informatique constitué au cours du 2e semestre 1992 et mis en fonction début 1993 devait correspondre très exactement au stock physique au 31 décembre 1992 ; qu'en réalité, le stock physique des produits n'avait pas été préparé à une reprise ordonnée et homogène en informatique et présentait des lacunes et des fautes de rangement, en sorte que, saisi dans ce contexte, le fichier informatique était le reflet de ces défauts avec, en plus, des malfaçons de dénomination qui affectaient encore les enregistrements informatiques ; que le fichier mettait très gravement en danger le fonctionnement du système informatique et l'exploitation de l'officine ; que ce rapport en concluait qu'il convenait de tout reprendre à la base comme si rien n'avait été fait, l'outil informatique devant être parfaitement fiable et cohérent pour être exploitable ; que la cour d'appel, qui a constaté que le fichier créé initialement par M. Y... était à l'origine d'incidents dénoncés, mais a déduit de la durée de la remise en ordre la difficulté de la tâche de mise en place, sans rechercher si les difficultés de remise en ordre, augmentées par le fonctionnement du système, étaient de même nature que celles de mise en place, seules imputées à M. Y..., n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 122-8, L. 122-9 et L. 122-14-4 du Code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel a constaté que les erreurs commises par le salarié ne relevaient pas d'une mauvaise volonté délibérée, mais de son insuffisance professionnelle ; qu'elle en a exactement déduit qu'elles ne pouvaient constituer une faute grave ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le même moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, et sur le moyen unique du pourvoi n° 96-40.022 formé par le salarié :
Vu les articles L. 122-8, L. 122-9 et L. 122-14-3 du Code du travail ;
Attendu que, pour décider que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel, après avoir écarté les autres griefs énoncés dans la lettre de licenciement, a retenu que le salarié, invité à rester à son domicile entre la réception de la convocation à l'entretien préalable et cet entretien, avait passé outre à ces instructions ; que ce comportement était fautif au regard des prérogatives de l'employeur, maître de décider, dans le contexte de relations tendues entre un salarié et ses supérieurs hiérarchiques, que l'intérêt de l'entreprise impose l'absence de l'intéressé pendant la déroulement de la procédure de licenciement ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'à défaut d'avoir prononcé une mise à pied conservatoire, l'employeur ne pouvait interdire au salarié d'exécuter son contrat de travail, en sorte que la venue de celui-ci à son poste de travail ne constituait pas une faute, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement dans celle de ses dispositions déboutant M. Y... de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 2 novembre 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon.