Attendu que M. X..., engagé en 1991 par la société Maulde et Renou Sambre en qualité de claviste, a été licencié pour motif économique le 18 mai 1993 et a adhéré à une convention de conversion le 25 mai suivant ;
Sur la première et la troisième branches du moyen unique :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Douai, 27 octobre 1995) d'avoir retenu que l'employeur n'avait pas appliqué les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, alors, selon le moyen, que, d'une part, un salarié, qui a adhéré à une convention de conversion, n'est pas recevable à contester l'ordre des licenciements ; que la cour d'appel a expressément constaté que, dans le cadre d'un licenciement économique, M. X... avait accepté d'adhérer à une convention de conversion ; qu'en accueillant sa demande tendant à obtenir une indemnité au titre du non-respect des critères de fixation de l'ordre des licenciements, la cour d'appel a violé l'article L. 321-6 du Code du travail ; et alors, d'autre part, que la société démontrait la réalité du motif économique du licenciement de M. X... en versant aux débats de nombreux courriers du personnel du service de photocomposition relatifs à leur reclassement faute de travail dans ce secteur ; que la société, contrainte de fermer cet atelier, avait proposé un reclassement aux deux salariés restant dans ce service, dont M. X..., lequel avait décliné cette offre ; qu'en relevant qu'elle ne fournissait aucune explication sur les motifs du choix l'ayant conduite à licencier M. X..., la cour d'appel a dénaturé les conclusions de la société et a violé l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu, d'abord, qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 321-1-1, L. 321-6, L. 322-3 et L. 511-1, alinéa 3, du Code du travail que les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements doivent être mis en oeuvre à l'égard des salariés qui adhèrent à une convention de conversion et dont le licenciement a été décidé ; que, dès lors, la cour d'appel a jugé, à bon droit, que le salarié était recevable à contester l'ordre des licenciements ;
Et attendu, ensuite, qu'il appartient à l'employeur, tenu de prendre en considération l'ensemble des critères qui déterminent l'ordre des licenciements, de communiquer au juge, en cas de contestation, les éléments objectifs sur lesquels il s'est appuyé pour arrêter son choix ; que la cour d'appel, qui n'a pas dénaturé les conclusions de la société, a constaté que celle-ci ne lui fournissait pas les éléments lui permettant d'apprécier le bien-fondé du choix qu'elle avait opéré ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé en ses première et troisième branches ;
Mais sur la deuxième branche du moyen unique :
Vu les articles L. 122-14-3, L. 122-14-4, L. 321-1 et L. 321-1-1 du Code du travail ;
Attendu que, pour condamner l'employeur à payer au salarié une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi qu'à rembourser à l'ASSEDIC les indemnités de chômage, la cour d'appel énonce que l'inobservation de l'ordre des licenciements rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse et qu'en l'absence de texte spécifique sanctionnant cette irrégularité, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 122-14-4 qui a une portée générale pour sanctionner tout licenciement suspect ;
Attendu, cependant, que l'inobservation des règles relatives à l'ordre des licenciements pour motif économique prévues à l'article L. 321-1-1 du Code du travail n'est pas soumise aux sanctions énoncées à l'article L. 122-14-4 du Code du travail ; qu'elle constitue pour le salarié une illégalité qui entraîne pour celui-ci un préjudice, pouvant aller jusqu'à la perte injustifiée de son emploi, lequel doit être intégralement réparé, selon son étendue par les juges du fond ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions ayant condamné la société à payer au salarié une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à rembourser à l'ASSEDIC des indemnités de chômage, l'arrêt rendu le 27 octobre 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims.