Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué rendu en référé (Rennes, 6 juillet 1995), que M. Z... et Mmes Y... et X... étaient employés de la société Interself qui assurait la restauration de l'Ecole des Mines ; qu'à la suite du transfert des locaux de l'école, celle-ci a procédé à un appel d'offres et le marché a été dévolu à la société Eurest à compter du 1er janvier 1995 ; qu'informée, les 13 et 16 décembre 1994, que sa candidature n'avait pas été retenue, la société Interself a communiqué à la société Eurest les renseignements relatifs aux trois salariés qu'elle employait par lettre du 22 décembre 1994 ; que la société Eurest a refusé de reprendre le personnel ;
Attendu que la société Eurest fait grief à l'arrêt d'avoir ordonné la " remise en état " des contrats de travail des trois salariés et de l'avoir condamnée au paiement des salaires à compter de la date de prise d'effet du marché, alors, selon le moyen, d'une part, que le trouble manifestement illicite justifiant la compétence du juge des référés s'entend d'une méconnaissance flagrante des droits de la partie demanderesse ; qu'en l'espèce, la société Eurest soutenait que les salariés de la société Interself n'avaient aucun droit contre elle, ni au titre de l'article L. 122-12 du Code du travail, ni au titre de l'article 3 de l'avenant du 26 février 1986 à la convention collective des entreprises de restauration ; qu'à l'appui de ses dires la société Eurest faisait valoir, d'abord, que le lieu de l'activité n'était pas le même, l'Ecole des Mines ayant déménagé ; qu'elle exposait, ensuite, que le matériel avec lequel elle travaillait était nouveau et mis à sa disposition par l'Ecole des Mines alors que le matériel de la société Interself était la propriété de cette dernière ; qu'elle faisait encore valoir que ses prestations étaient différentes de celles offertes par la société Interself et que le self de cette dernière était ouvert à l'ensemble des entreprises locataires de l'immeuble dans lequel était installée l'Ecole des Mines ; qu'elle en déduisait justement que les salariés n'ayant aucun droit sur elle, il ne pouvait y avoir trouble manifestement illicite ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a violé l'article R. 516-31 du Code du travail ; alors, d'autre part, que la cour d'appel s'est bornée à affirmer qu'il résultait des documents de la cause que les marchés litigieux étaient identiques pour relever l'existence d'un trouble manifestement illicite ; qu'en n'indiquant ni n'analysant les documents d'où elle déduisait une telle affirmation contestée par l'employeur, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, encore, que le refus pour un employeur de continuer le contrat de travail conclu entre un salarié et son ancien employeur s'analyse en un licenciement justifiant éventuellement le paiement exclusif d'indemnités de rupture ; que l'employeur ne peut être condamné, contre son gré, à poursuivre le contrat de travail et à verser au salarié les salaires correspondants ; qu'en imposant à la société Eurest de continuer, contre son gré, les contrats de travail des salariés de la société Interself, la cour d'appel a violé les articles R. 516-30, R. 516-31 et L. 122-14-4 du Code du travail ; et alors, enfin, que la condamnation, par une juridiction de référé, à payer des salaires s'analyse en une provision ; que la formation de référé ne peut accorder de provision qu'à la condition que l'obligation ne soit pas sérieusement contestable ; qu'en l'espèce, la société Eurest apportait une contestation sérieuse à l'encontre de la demande des salariés de la société Interself, en faisant valoir que le marché n'avait pas été repris dans les mêmes conditions d'exploitation ; qu'en condamnant, en référé, la société Eurest à payer les salaires malgré l'existence d'une contestation sérieuse, la cour d'appel a violé l'article R. 516-31 du Code du travail ;
Mais attendu, d'abord, que même en présence d'une contestation sérieuse, le juge des référés peut prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;
Attendu, ensuite, que l'article 3 de l'avenant à la Convention collective nationale du personnel des entreprises de restauration de collectivités du 26 février 1986 précise que l'entreprise qui se voit confier un marché précédemment attribué à une autre entreprise est tenu de poursuivre les contrats de travail de certaines catégories de personnels ;
Attendu, enfin, que la cour d'appel, qui a constaté que les marchés passés par l'Ecole des Mines tant avec la société Interself qu'avec la société Eurest France étaient identiques et qui, par une appréciation souveraine, a estimé que le changement de lieu n'avait pas affecté les conditions fondamentales d'exploitation, a pu décider que les salariés qui entraient dans la catégorie des personnels visés à l'article 3 de l'avenant susvisé devaient être repris par la société Eurest et que le refus de cette dernière constituait un trouble manifestement illicite qu'il convenait de faire cesser ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la demande de mise hors de cause de la société Interself :
REJETTE le pourvoi.