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10/03/1998 | FRANCE | N°95-43795

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 mars 1998, 95-43795


Sur le moyen unique :

Attendu que Mme Y..., qui, jusqu'en 1980, détenait 8 839 des 10 000 actions de la société La Montagne, exploitant le journal du même nom, et qui, en 1989, était encore titulaire de la majorité du capital social, n'était plus détentrice, en octobre 1989, à la suite de diverses cessions, que de 2 560 actions ; qu'estimant que les cessions d'actions ainsi réalisées s'analysaient en une cession de journal au sens de l'article L. 761-7 du Code du travail, MM. X... et Benech, journalistes au journal La Montagne, ont saisi le conseil de prud'hommes pour faire r

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Sur le moyen unique :

Attendu que Mme Y..., qui, jusqu'en 1980, détenait 8 839 des 10 000 actions de la société La Montagne, exploitant le journal du même nom, et qui, en 1989, était encore titulaire de la majorité du capital social, n'était plus détentrice, en octobre 1989, à la suite de diverses cessions, que de 2 560 actions ; qu'estimant que les cessions d'actions ainsi réalisées s'analysaient en une cession de journal au sens de l'article L. 761-7 du Code du travail, MM. X... et Benech, journalistes au journal La Montagne, ont saisi le conseil de prud'hommes pour faire reconnaître leur droit à bénéficier, après résiliation de leur contrat, des dispositions des articles L. 761-5 et L. 761-7 du Code du travail ; que le Syndicat national des journalistes s'est associé à cette demande ;

Attendu que la société La Montagne fait grief à l'arrêt attaqué, statuant sur renvoi après cassation (Lyon, 12 juin 1995), d'avoir dit que MM. X... et Benech étaient en droit de prétendre à l'indemnité prévue à l'article L. 761-5 du Code du travail, alors, selon le moyen, d'une part, que la cession d'une majorité des actions de la société exploitant le journal ne suffit pas, à elle seule, à caractériser la cession du journal au sens de l'article L. 761-7 du Code du travail si elle n'a pas pour conséquence d'entraîner la prise de contrôle de la société par un nouveau groupe d'actionnaires ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est déterminée par la seule circonstance de la perte par Mme Y... de la majorité du capital social du journal, aboutissant à confier le contrôle de la société à un groupe d'actionnaires devenu majoritaire, à savoir La Fondation et la société Sogescom ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si ces deux actionnaires, dont aucun ne possède plus de 36 % du capital social, avaient, par convention ou par tout autre moyen, tissé des liens leur permettant, par solidarité entre eux, d'être majoritaires au détriment de Mme Y..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 761-7 du Code du travail et 355-1 de la loi du 24 juillet 1966 ; alors, d'autre part, que, dans ses conclusions d'appel, la société a expressément fait valoir que, tant La Fondation, actionnaire du journal dès 1980, que la Sogescom, actionnaire depuis 1987, n'avaient pris une participation dans le capital de la société qu'à l'initiative de Mme Y... qui demeurait actionnaire de la Sogescom à concurrence de 27,2 % afin, précisément, de maintenir la ligne du journal et de réaliser un redéploiement du capital dont les trois quarts demeuraient entre les mains de ces trois actionnaires, solidaires entre eux ; qu'ainsi, en estimant qu'en l'état des ultimes cessions d'actions intervenues en octobre 1989, le contrôle du journal avait été perdu par Mme Y... pour être désormais dévolu à un groupe d'actionnaires, à savoir La Fondation et la Sogescom, sans répondre à ce chef péremptoire des conclusions d'appel de la société, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, enfin, que si l'exercice du droit de se prévaloir du bénéfice des dispositions de l'article L. 761-2 du Code du travail n'est enfermé dans aucun délai légal, ce bénéfice n'est toutefois accordé qu'aux journalistes dont la démission est exclusivement motivée par la cession du journal ; qu'en l'espèce, la société a démontré dans ses conclusions d'appel que le redéploiement du capital social, au profit notamment de La Fondation et de la Sogescom, avait été entrepris progressivement depuis 1980 avec l'assentiment sans faille des journalistes et des représentants du personnel, tandis que MM. X... et Benech avaient attendu le mois de septembre 1990, à quelques années de la retraite, pour solliciter le bénéfice de la clause de conscience à seule fin d'obtenir des indemnités complémentaires à l'issue de leur carrière ;

qu'en statuant comme elle l'a fait, en se bornant à indiquer que l'exercice du droit prévu à l'article L. 761-7 du Code du travail n'est enfermé dans aucun délai, sans rechercher si le caractère tardif et soudain de la décision des journalistes ne démontrait pas que les motifs de leur démission étaient étrangers à la cession du journal, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

Mais attendu, d'abord, qu'ayant constaté qu'à la suite de la dernière cession d'actions intervenue en 1989, Mme Y... avait perdu le contrôle de la société La Montagne au profit d'un groupe d'actionnaires, La Fondation Alexandre Varenne et la société Sogescom, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions, a exactement décidé que ce transfert de contrôle s'analysait en une cession de journal au sens de l'article L. 761-7.1° du Code du travail, peu important, dans le cadre de cet alinéa, que ce transfert ait eu lieu à l'initiative de Mme Y... et que l'orientation du journal ait été maintenue ;

Attendu ensuite que l'article L. 761-7 du Code du travail n'imposant aucun délai aux journalistes pour mettre en oeuvre la " clause de conscience ", il suffit pour que les dispositions de cet article puissent être invoquées que la résiliation du contrat de travail ait été " motivée " par l'une des circonstances qu'il énumère ; qu'ayant constaté que MM. X... et Benech avaient manifesté l'intention de résilier leurs contrats pour " cause de cession du journal " six mois après que soit devenue effective la dernière cession d'actions, la cour d'appel a mis en évidence le lien de causalité entre la résiliation et la cession du journal ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 95-43795
Date de la décision : 10/03/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

PRESSE - Journal - Journaliste professionnel - Clause de conscience - Invocation - Absence de délai - Portée .

PRESSE - Journal - Journaliste professionnel - Clause de conscience - Invocation - Condition

L'article L. 761-7 du Code du travail n'imposant aucun délai aux journalistes pour mettre en oeuvre la " clause de conscience ", il suffit pour que les dispositions de cet article puissent être invoquées que la résiliation du contrat de travail ait été motivée par l'une des circonstances qu'il énumère.


Références :

Code du travail L761-7

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 12 juin 1995


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 mar. 1998, pourvoi n°95-43795, Bull. civ. 1998 V N° 130 p. 97
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1998 V N° 130 p. 97

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gélineau-Larrivet .
Avocat général : Avocat général : M. de Caigny.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Waquet.
Avocat(s) : Avocat : la SCP Nicolay et de Lanouvelle.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:95.43795
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