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10/03/1998 | FRANCE | N°95-42715

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 mars 1998, 95-42715


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bourges, 24 février 1995), que M. X... a été engagé le 1er mars 1988 au service de l'association Centre artistique et culturel Mansart, constituée pour participer, avec l'aide de bénévoles ou de jeunes stagiaires recrutés dans le cadre de travaux d'utilité collective, à des travaux de restauration et d'animation du château de Sagonne ; qu'un avertissement lui a été notifié le 15 septembre 1992 à la suite d'absences injustifiées et d'habitudes d'intempérance ; que le 4 mars 1993, il a été incarcéré dans le cadre d'une procédure criminelle

; que, remis en liberté sous contrôle judiciaire au mois d'août 1993, i...

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bourges, 24 février 1995), que M. X... a été engagé le 1er mars 1988 au service de l'association Centre artistique et culturel Mansart, constituée pour participer, avec l'aide de bénévoles ou de jeunes stagiaires recrutés dans le cadre de travaux d'utilité collective, à des travaux de restauration et d'animation du château de Sagonne ; qu'un avertissement lui a été notifié le 15 septembre 1992 à la suite d'absences injustifiées et d'habitudes d'intempérance ; que le 4 mars 1993, il a été incarcéré dans le cadre d'une procédure criminelle ; que, remis en liberté sous contrôle judiciaire au mois d'août 1993, il a manifesté le souhait de reprendre son travail le 23 août 1993 ; que le 19 août 1993, l'association lui a notifié sa mise à pied et l'a convoqué à un entretien préalable fixé au 23 août suivant ; qu'elle l'a licencié pour faute lourde par une lettre du 1er septembre 1993 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'association Centre Mansart fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer diverses sommes à M. X... au titre des indemnités de licenciement, de préavis et de congés payés ainsi qu'au titre d'un rappel de salaire afférent à la période de mise à pied conservatoire, alors, selon le moyen, d'une part, qu'en l'absence de licenciement antérieur, le contrat de travail de M. X... a été suspendu pendant le temps de son incarcération ; que le délai de prescription n'a donc pu commencer à courir avant que l'employeur ne soit avisé de la libération du salarié, le 19 août 1993 ; que, dès lors, M. X... ne pouvant se prévaloir de la prescription de deux mois édictée par l'article L. 122-44 du Code du travail, c'est à tort que la cour d'appel a fait application de ce texte ; alors, d'autre part, qu'il est constant que les faits litigieux ont donné lieu à une procédure pénale à la diligence du Parquet, dès le 6 mars 1993, date de l'incarcération provisoire de M. X... ; que l'arrêt a énoncé à tort que l'employeur ne saurait se retrancher derrière l'existence de poursuites pénales alors qu'il n'en a pas attendu l'issue pour engager la procédure de licenciement et que le grief invoqué reposait en fait sur l'altération de son image de marque ; qu'en effet si l'existence de ces poursuites pénales permettait à l'employeur de prendre en considération des faits fautifs au-delà du délai de deux mois fixé par l'article L. 122-44 du Code du travail, elle ne l'obligeait nullement à attendre l'issue des poursuites pénales pour engager la procédure de licenciement ; qu'il s'ensuit que, les conditions d'application de l'article précité n'étant pas réunies, la cour d'appel l'a violé par fausse application ; et alors, enfin, que certains des faits de détournement ou de vol de matériels et matériaux visés dans la lettre de licenciement ont été révélés à la reprise du chantier d'été, soit fin juin ou début juillet et ne pouvaient être prescrits à la date d'envoi de la lettre de convocation à l'entretien préalable, soit le 19 août 1993 ; que, dès lors, les faits prétendument prescrits ne fondant pas à eux seuls la mesure disciplinaire appliquée, l'article L. 122-44 ne pouvait trouver à s'appliquer en l'espèce ; que, pour écarter les faits fautifs révélés tardivement à l'employeur, l'arrêt a cru pouvoir retenir les dénégations du salarié, la tardiveté de la plainte, son classement sans suite par le Parquet et le fait que les dires de M. X... n'ont pas été déniés par l'employeur ; qu'une telle motivation révèle incontestablement un renversement de la charge de la preuve et une méconnaissance des faits exposés par l'employeur ; qu'il résultait des documents versés aux débats que l'infraction de vol de matériels imputée à M. X..., qui avait, à tout le moins, reconnu avoir " emprunté " divers matériels et outillages, en prétendant mensongèrement avoir eu l'autorisation de son employeur pour les prêter à des tiers, était établie et que ses allégations étaient contestées par l'employeur ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel, qui a renversé la charge de la preuve, a violé l'article 1315 du Code civil ; que, simultanément, le fait fautif nouvellement révélé permettant de prendre en considération les faits antérieurs et de faire obstacle à la prescription, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-44 du Code du travail ;

Mais attendu, d'abord, que c'est à bon droit que la cour d'appel a décidé que l'incarcération du salarié n'entraînait aucune interruption ni suspension du délai prévu par l'article L. 122-44 du Code du travail ;

Et attendu, ensuite, que si l'exercice de poursuites pénales à l'encontre du salarié empêche la prescription prévue à l'article L. 122-44 du Code de travail de courir, c'est à la condition qu'elles concernent le fait reproché au salarié et susceptible de justifier contre lui une sanction disciplinaire ; que tel n'est pas le cas dans l'hypothèse où les poursuites pénales concernent une infraction commise en dehors de l'entreprise et dans le cadre de la vie personnelle du salarié, l'employeur n'entendant invoquer que l'altération portée à son image de marque par cette infraction ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen : (sans intérêt) ;

Sur le troisième moyen : (sans intérêt) ;

Sur le quatrième moyen : (sans intérêt) ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 95-42715
Date de la décision : 10/03/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Pouvoir disciplinaire - Sanction - Conditions - Engagement des poursuites - Prescription - Délai - Interruption - Incarcération du salarié (non) .

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Pouvoir disciplinaire - Sanction - Conditions - Engagement des poursuites - Prescription - Délai - Suspension - Incarcération du salarié (non)

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Pouvoir disciplinaire - Sanction - Conditions - Engagement des poursuites - Prescription - Délai - Poursuites pénales - Portée

L'incarcération d'un salarié n'entraîne aucune interruption ni suspension du délai prévu par l'article L. 122-44 du Code du travail. De plus, l'exercice de poursuites pénales à l'encontre du salarié empêche la prescription prévue par ce texte de courir seulement à la condition qu'elles concernent le fait reproché à ce dernier et susceptible de justifier contre lui une sanction disciplinaire, ce qui n'est pas le cas lorsque ces poursuites concernent une infraction commise en dehors de l'entreprise et dans le cadre de la vie personnelle du salarié, l'employeur n'entendant invoquer que l'altération portée à son image de marque par cette infraction.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bourges, 24 février 1995

A RAPPROCHER : Chambre sociale, 1993-07-13, Bulletin 1993, V, n° 202, p. 139 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 mar. 1998, pourvoi n°95-42715, Bull. civ. 1998 V N° 123 p. 91
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1998 V N° 123 p. 91

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gélineau-Larrivet .
Avocat général : Avocat général : M. de Caigny.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Desjardins.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:95.42715
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