Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que Mme Peignie et Mme Chalaye ont constitué une société à responsabilité limitée (la société) pour l'acquisition, en août 1988, d'un fonds de commerce d'hôtel, acquisition à l'occasion de laquelle la banque La Hénin (la banque) leur a consenti un prêt de 1 400 000 francs, assorti d'un nantissement du fonds de commerce, de l'hypothèque d'un immeuble de Mme Chalaye et de l'engagement de trois cautions ; que, par un acte sous seing privé du 2 juin 1989, M. Breloux s'est engagé, sous la condition suspensive de l'accord de la banque pour la poursuite du prêt et la reprise des cautions, à racheter la société pour un prix de 1 900 000 francs sous déduction du passif de la société et notamment du prêt ; que, le 9 août 1989, cet acte authentique, rédigé par M. X..., notaire, a été signé, hors la présence de la banque ; que cet acte portait cession des parts de la société à la société Expotel et à M. Breloux, son gérant, pour un franc à chacune des cédantes, à charge pour les cessionnaires de rembourser les arriérés du prêt, de verser, au titre des comptes courants, les sommes de 319 000 francs à Mme Peignie et de 193 000 francs à Mme Chalaye et d'obtenir de la banque que d'autres garanties soient substituées à celles qui avaient été accordées pour le remboursement des prêts ; que la société Expotel ayant fait l'objet d'une liquidation judiciaire le 28 novembre 1990, la banque a poursuivi le recouvrement du prêt contre Mmes Peignie et Chalaye ; que celles-ci ont, ensuite, assigné M. X... en réparation de leur préjudice ;
Attendu que, pour les débouter de leurs demandes, l'arrêt énonce qu'il est constant que toute l'opération a été négociée sans intervention du notaire, qui n'est pas allé au-delà de sa mission habituelle de rédacteur d'acte, que le devoir de conseiller les venderesses devait dès lors être assumé essentiellement par l'avocat que Mmes Peignie et Chalaye avaient choisi pour les assister et non par le notaire lui-même et qu'aucun manquement ne peut être reproché à cet officier public dont la mission était limitée et qui, en raison de la présence de l'avocat que les appelantes avaient choisi pour les assister et de la complexité des négociations ayant précédé son intervention, avait un devoir de conseil des plus réduits, relevant enfin que le préjudice subi par les demanderesses était la conséquence directe de la défaillance de leurs cocontractants que le notaire simple rédacteur d'acte n'avait aucune raison particulière de soupçonner ;
Attendu, cependant, que le notaire, en tant que rédacteur de l'acte, lors même qu'il n'en a pas été le négociateur, est tenu de prendre toutes les dispositions utiles pour en assurer l'efficacité et que la présence d'un conseiller personnel au côté de son client ne le dispense pas du devoir de conseil dont il est tenu envers ce dernier pour lui permettre de prendre la décision appropriée à sa situation ; qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la première branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 décembre 1995, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.