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03/03/1998 | FRANCE | N°95-20628

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 03 mars 1998, 95-20628


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que chargée par la société Rank Xerox de transporter, par voie terrestre, des photocopieurs de Hollande en France, la société Frans Maas (société Maas) a sous-traité le déplacement à la société Van der Vleuten ; qu'à la suite d'un accident intervenu le 27 juin 1988, les marchandises ont subi des avaries ; que la société Rank Xerox et son assureur, la société Eagle Star, ont assigné en réparation des préjudices subis, le 22 mars 1990 la société Maas, le 27 mars 1990, la société Centraal Beheer Schadeverzekering, assureur de la société

Van der Vleuten et, le 31 mai 1991, cette dernière société ; que, le 19 mar...

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que chargée par la société Rank Xerox de transporter, par voie terrestre, des photocopieurs de Hollande en France, la société Frans Maas (société Maas) a sous-traité le déplacement à la société Van der Vleuten ; qu'à la suite d'un accident intervenu le 27 juin 1988, les marchandises ont subi des avaries ; que la société Rank Xerox et son assureur, la société Eagle Star, ont assigné en réparation des préjudices subis, le 22 mars 1990 la société Maas, le 27 mars 1990, la société Centraal Beheer Schadeverzekering, assureur de la société Van der Vleuten et, le 31 mai 1991, cette dernière société ; que, le 19 mars 1993, la société Maas a interjeté appel du jugement du 4 novembre 1992 qui avait accueilli la demande de la société Rank Xerox et de son assureur et, par conclusions du 6 juillet 1993, a demandé la garantie de la société Van der Vleuten et de son assureur ; que ces dernières ont soutenu que cette demande était tardive et donc irrecevable ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu que la société Van der Vleuten et son assureur font grief à l'arrêt d'avoir écarté cette fin de non-recevoir, alors, selon le pourvoi, que la mise en oeuvre des dispositions de l'article 39-4 de la convention de Genève du 19 mai 1956 relative au contrat de transport international de marchandises par route, dite CMR, suppose nécessairement l'intervention successive de plusieurs transporteurs ayant accompli personnellement des actes matériels d'acheminement de la marchandise ; qu'ayant constaté que la société Maas s'était substituée la société Van der Vleuten pour effectuer le transport et n'avait accompli aucun acte matériel d'acheminement de la marchandise, ce qui résultait au demeurant des propres écritures de cette société, la cour d'appel ne pouvait alors reconnaître à la société Maas le bénéfice des dispositions de l'article 39-4 de la CMR ; qu'en statuant néanmoins ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Mais attendu que l'arrêt relève que la société Rank Xerox a conclu le contrat de transport avec la société Maas et que le nom de cette société figure en qualité de transporteur sur la lettre de voiture ; que c'est donc sans encourir les griefs du moyen, que l'arrêt retient de ces constatations que, suivant l'intention des parties au contrat de transport, la société Maas a pris la qualité de transporteur, peu important, dès lors, que cette société se soit substitué la société Van der Vleuten pour déplacer la marchandise ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal et sur le premier moyen du pourvoi incident, réunis :

Attendu qu'il est encore reproché à l'arrêt d'avoir retenu la faute lourde de la société Van der Vleuten et d'avoir exclu par voie de conséquence la limitation de responsabilité du contrat, alors, selon les pourvois, d'une part, que la faute lourde doit s'entendre d'une négligence d'une exceptionnelle gravité confinant au dol et dénotant l'inaptitude du transporteur, maître de son action, à accomplir la mission qui lui a été confiée ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que l'ensemble routier avait pu être gêné dans la dernière partie de son parcours par le dépassement intempestif du véhicule de tourisme ; qu'ainsi un doute demeurait quant à l'ampleur du rôle causal imputable au fait d'un tiers ; qu'en énonçant, néanmoins, que la seule vitesse jugée excessive de l'ensemble routier était constitutive d'une faute lourde eu égard à l'accident ainsi provoqué, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article 29 de la CMR ; et alors, d'autre part, que la faute lourde s'apparente à une négligence d'une exceptionnelle gravité confinant au dol et dénotant l'inaptitude du transporteur, maître de son action, à accomplir la mission qui lui a été confiée ; qu'en décidant qu'à elle seule, la vitesse jugée excessive de l'ensemble routier était constitutive d'une faute lourde à l'origine de l'accident, bien qu'il résultât de ses énonciations que le camion avait pu être gêné dans la dernière partie de son parcours par le dépassement intempestif du véhicule de tourisme, ce qui établissait qu'un doute demeurait quant à l'ampleur du rôle causal du fait d'un tiers dans la survenance de l'accident ainsi provoqué, la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 29 de la CMR ;

Mais attendu que l'arrêt relève que le transporteur, dont le camion était chargé de marchandises, roulait à une vitesse de 60 kilomètres/heure environ sur un tracé de route limité à 20 kilomètres/heure, que le virage où l'accident s'est produit est dangereux et ne pouvait être négocié sans danger à la vitesse à laquelle il l'a été, que si l'ensemble routier a pu être gêné par le dépassement intempestif d'une voiture de tourisme, une vitesse plus raisonnable que celle à laquelle il se déplaçait lui aurait permis de freiner et d'éviter l'accident ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu retenir que le transporteur avait commis une faute lourde ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;

Mais sur le troisième moyen du pourvoi principal et sur le second moyen du pourvoi incident :

Vu l'article 27, paragraphe 1, de la CMR ;

Attendu qu'en vertu de ce texte les intérêts que peut demander l'ayant droit sont calculés à raison de 5 % l'an ;

Attendu qu'après avoir évalué la créance de la société Rank Xerox et de son assureur, l'arrêt décide que les sommes seront " majorées des intérêts judiciaires " ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et attendu qu'il y a lieu conformément à l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile de mettre fin au litige en appliquant la règle de droit appropriée ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a fixé au taux légal les intérêts des sommes auxquelles la société Maas a été condamnée à payer aux sociétés Rank Xerox et Eagle Star Group, l'arrêt rendu le 18 mai 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DIT que les sommes de 60 700 francs et de 651 210,90 francs que la société Maas est tenue in solidum avec la société Van der Vleuten et son assureur de payer respectivement à la société Rank Xerox et à la société Eagle Star porteront intérêt au taux de 5 % l'an à compter du jour de la réclamation adressée par écrit au transporteur ou à défaut du jour de la demande en justice.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 95-20628
Date de la décision : 03/03/1998
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° TRANSPORTS TERRESTRES - Marchandises - Transport international - Convention de Genève du 19 mai 1956 (CMR) - Responsabilité - Action en responsabilité - Prescription - Domaine d'application - Recours entre transporteurs - Qualité de transporteur - Mention en tant que tel sur la lettre de voiture - Constatations suffisantes.

1° Une société ayant conclu un contrat de transport avec une autre et le nom de celle-ci figurant en qualité de transporteur sur la lettre de voiture la cour d'appel en a déduit que de l'intention des parties au contrat cette dernière a pris la qualité de transporteur, peu important qu'elle se soit substituée quelqu'un d'autre pour déplacer la marchandise.

2° TRANSPORTS TERRESTRES - Marchandises - Transport international - Convention de Genève du 19 mai 1956 (CMR) - Responsabilité - Limitation - Exclusion - Faute lourde - Constatations suffisantes.

2° TRANSPORTS TERRESTRES - Marchandises - Responsabilité - Clause limitative - Exclusion - Dol ou faute lourde - Définition.

2° Une cour d'appel peut retenir qu'un transporteur commet une faute lourde lorsqu'elle relève que le camion de ce transporteur chargé de marchandises roulait à une vitesse de 60 kilomètres/heure environ sur un tracé de route limité à 20 kilomètres/heure, que le virage où l'accident s'est produit est dangereux et ne pouvait être négocié sans danger à la vitesse à laquelle il l'a été, que si l'ensemble routier a pu être gêné par le dépassement intempestif d'une voiture de tourisme, une vitesse plus raisonnable que celle à laquelle il se déplaçait lui aurait permis de freiner et d'éviter l'accident.

3° TRANSPORTS TERRESTRES - Marchandises - Transport international - Convention de Genève du 19 mai 1956 (CMR) - Responsabilité - Dommage - Réparation - Indemnité - Intérêts moratoires - Taux - Taux judiciaire (non).

3° TRANSPORTS TERRESTRES - Marchandises - Transport international - Convention de Genève du 19 mai 1956 (CMR) - Responsabilité - Dommage - Réparation - Indemnité - Intérêts moratoires - Taux - Taux de 5 % l'an.

3° En vertu de l'article 27, paragraphe 1, de la convention de Genève du 19 mai 1956 (CMR), les intérêts en cas de dommage sont calculés à raison de 5 % l'an ; viole en conséquence ce texte la cour d'appel qui décide que les sommes seront majorées des intérêts judiciaires.


Références :

3° :
Convention de Genève du 19 mai 1956 CMR art. 27 paragraphe 1

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 18 mai 1995


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 03 mar. 1998, pourvoi n°95-20628, Bull. civ. 1998 IV N° 92 p. 74
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1998 IV N° 92 p. 74

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard .
Avocat général : Avocat général : M. Mourier.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Apollis.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Delaporte et Briard, M. Le Prado, la SCP Richard et Mandelkern.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:95.20628
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