Joint les pourvois n°s 95.12-707 et 95-13.591 ;
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, qu'au mois de décembre 1988, M. X... a acquis de la société Maisonnier un foyer clos, dit " insert ", fabriqué par la société Deville et installé avec l'aide de M. Z..., plâtrier ; que, dans la matinée du 18 janvier 1989, un incendie s'est déclaré dans la cheminée, manifesté par une fumée anormalement abondante et épaisse ; qu'après avoir fermé le tirage du foyer et vérifié l'état extérieur du conduit, M. X..., rassuré par un apparent retour à une émission normale de fumée, a regarni le foyer de combustible ; qu'au cours de l'après-midi du même jour, un incendie a détruit la maison de ce dernier ; que, selon l'expert désigné, l'incendie s'est produit par l'inflammation, au contact du tube d'évacuation du foyer, des goudrons présents dans le conduit, imparfaitement ramoné avant l'installation de celui-ci, et liquéfiés par la température de la fumée beaucoup plus élevée à la sortie d'un tel foyer que dans une cheminée à foyer ouvert ; que l'arrêt attaqué (Poitiers, 25 janvier 1995) a déclaré la société Maisonnier et M. X... responsables de l'incendie, respectivement à concurrence de 75 % et de 25 %, a condamné in solidum la société Maisonnier et la société La Concorde, assureur de celle-ci, à payer diverses indemnités à M. X... et au Groupama, assureur partiellement subrogé dans les droits de ce dernier, condamné la société Deville à garantir les sociétés Maisonnier et La Concorde à concurrence de la moitié des sommes mises à leur charge et mis M. Z... hors de cause ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches, du pourvoi principal de la société La Concorde et le moyen unique, pris en ses deux branches, du pourvoi incident de la société Maisonnier :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt, de première part, de s'être borné à des considérations inopérantes sur l'étendue du contrat d'assurance ou des déclarations faites après le sinistre, alors que la commande d'un bien d'équipement ne peut recevoir la qualification de contrat d'entreprise ou d'installation que si le fournisseur est chargé d'un travail spécifique, ce en quoi la cour d'appel aurait privé sa décision de base légale au regard des articles 1779 et 1792-4 du Code civil ; de deuxième part, d'avoir subordonné l'exonération de la société Maisonnier à l'imprévisibilité du vice de construction, ce en quoi la cour d'appel aurait violé les articles 1148 et 1792 du Code civil ; de troisième part, d'avoir condamné la société Maisonnier au motif qu'elle aurait dû déconseiller l'installation si le tubage de la cheminée s'avérait impossible alors qu'elle avait constaté que cette société ne pouvait, par ses propres connaissances, remédier à la carence du fabricant qui n'avait pas indiqué qu'il fallait y procéder, ce en quoi la cour d'appel n'aurait pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard de l'article 1147 du Code civil ;
Mais attendu, d'abord que la cour d'appel, par une appréciation souveraine des éléments de preuve soumis à son examen, tels notamment qu'ils résultaient des investigations contradictoires de l'expert judiciaire, a retenu que la société Maisonnier, qui avait vendu le foyer litigieux, avait également été le maître d'oeuvre de son installation ; qu'elle a pu considérer que cette société avait engagé sa responsabilité tant à ce titre que par manquement à son obligation de conseil sur les précautions indispensables d'installation du foyer et sur l'efficacité limitée du produit par elle vendu pour le ramonage de la cheminée ;
Attendu, ensuite, que, dès lors que le constructeur n'est exonéré de sa responsabilité que s'il prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère, c'est à juste titre que la cour d'appel a estimé que, tenue, comme installateur, de l'obligation de s'assurer de l'aptitude du conduit à recevoir la fumée provenant du foyer litigieux, la société Maisonnier ne pouvait être exonérée de sa responsabilité par le vice de la construction de celui-ci ;
D'où il suit, abstraction faite du motif erroné, mais surabondant, critiqué par la première branche du moyen du pourvoi incident de la société Maisonnier, que l'arrêt n'encourt pas les griefs des moyens ;
Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches, du pourvoi incident de M. X..., de la CRAMA et de la SAMDA :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de lui avoir fait supporter une part de responsabilité sans s'expliquer sur ses conclusions soulignant que " particulier non averti ", il n'avait pas eu conscience du danger après la survenance du premier feu de cheminée et avait été parfaitement rassuré en constatant que tout était rentré dans l'ordre après avoir arrêté l'insert, ce qui était de nature à exclure toute faute de sa part dans la survenance du dommage, ce en quoi la cour d'appel aurait privé sa décision de base légale au regard des articles 1147, 1747, 1792 et suivants du Code civil et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; d'avoir encore omis de se prononcer sur les conclusions qui mettaient en évidence l'incertitude sur le rapport causal entre l'abstention reprochée à l'acheteur et la propagation de l'incendie, ce en quoi la cour d'appel aurait violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; d'avoir enfin déduit des circonstances de fait du litige retracées par l'expert qu'il devait assumer une part de responsabilité, ce en quoi la cour d'appel aurait privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1792 du Code civil ;
Mais attendu que, pour attribuer à M. X... une part de responsabilité du sinistre, la cour d'appel qui a retenu, au vu d'une expertise non contestée, que l'incendie était pour partie dû au maintien en service du foyer après la survenance d'un premier incident, sans vérification préalable du conduit, a pu en déduire l'existence, à la charge de celui-ci, d'une faute postérieure au déclenchement du sinistre et n'ayant joué qu'un rôle d'aggravation de celui-ci ; qu'elle a ainsi, répondant, pour les rejeter, aux conclusions invoquées, justement considéré que le préjudice allégué par M. X... résultait directement du concours de plusieurs fautes dont, dans l'exercice de son pouvoir souverain, elle a fixé la part imputable à la faute de M. X... ;
D'où il suit que l'arrêt n'encourt pas les griefs du moyen ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal de la société Deville et sur le second moyen du pourvoi principal de la société La Concorde, pris en leurs deux branches identiques :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt, d'une part, d'avoir dénaturé les conclusions de la société Deville en retenant qu'il n'était pas allégué que M. Z... ait assuré une mission de maîtrise d'oeuvre, ce en quoi la cour d'appel aurait violé l'article 1134 du Code civil ; d'autre part, d'avoir retenu le témoignage de M. Z..., partie au litige, ce en quoi la cour d'appel aurait violé l'article 199 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, que si la société Deville, comme d'ailleurs la société Maisonnier, avait affirmé que M. Y... avait été chargé par M. X... du montage du foyer et de ses accessoires, elle n'avait pas soutenu que celui-ci avait été chargé d'une mission de maîtrise d'oeuvre, laquelle consiste en la direction, surveillance et coordination des travaux, ce en quoi la cour d'appel n'a pas dénaturé les conclusions dont elle était saisie ;
Attendu, ensuite, que pour déterminer leurs rôles respectifs, les juges d'appel ont, à côté des présomptions tirées de l'enquête de gendarmerie, pris en considération les déclarations des parties recueillies contradictoirement par l'expert, lesquelles, en dépit de la qualification erronée donnée par l'arrêt, ne constituent pas un témoignage ; qu'en aucune de leurs branches, les moyens ne sont fondés ;
Et sur le second moyen du pourvoi principal de la société Deville :
Attendu que la société Deville fait grief à l'arrêt d'avoir retenu un manquement à son devoir de conseil au motif que les instructions de la notice sont muettes sur les risques liés à l'installation d'un insert dans une cheminée ancienne dont le nettoyage ne peut être parfait et auquel il ne peut être remédié que par un tubage, sans expliquer en quoi la vérification soigneuse d'un conduit, réalisée dans les règles de l'art n'impliquait pas le tubage d'une cheminée ancienne, ce en quoi la cour d'appel aurait privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel a entériné l'avis non critiqué de l'expert judiciaire selon lequel, d'une part, le nettoyage parfait d'une cheminée ancienne est impossible et, d'autre part, les goudrons résiduels, liquéfiés par l'effet de la température plus élevée des fumées émises par un foyer clos, coulent et s'enflamment au contact du tube d'évacuation du foyer ; qu'elle a encore relevé que si les instructions de montage diffusées par la société Deville insistent sur la nécessité d'une vérification du conduit et d'un nettoyage complet et régulier, elles sont muettes sur les risques liés à l'installation d'un foyer clos dans une cheminée ancienne dont le nettoyage ne peut être parfait et auxquels il ne peut être remédié que par un tubage ; qu'ayant, par une appréciation souveraine, retenu que la société Maisonnier ne pouvait, par ses propres connaissances, remédier à l'insuffisance de l'information donnée par la société Deville, a pu en déduire que cette dernière société avait manqué à ses obligations ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.