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05/02/1998 | FRANCE | N°96-10396

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 février 1998, 96-10396


Attendu que le 16 septembre 1991, M. Chokri X..., salarié mis à la disposition de la société Guiraudie Auffeve par la société Interservice, aux droits de laquelle se trouve la société Intertra, s'est blessé au pied droit en manoeuvrant la flèche de la grue mobile qu'il conduisait ; que la cour d'appel a jugé que cet accident du travail était dû à la faute inexcusable de l'entreprise utilisatrice ;

Sur le moyen unique, pris en ses quatre premières branches :

Attendu que la société Guiraudie Auffeve fait grief à l'arrêt d'avoir statué ainsi alors, selon le moyen

, d'une part, que les éléments par lesquels la cour d'appel caractérise la faut...

Attendu que le 16 septembre 1991, M. Chokri X..., salarié mis à la disposition de la société Guiraudie Auffeve par la société Interservice, aux droits de laquelle se trouve la société Intertra, s'est blessé au pied droit en manoeuvrant la flèche de la grue mobile qu'il conduisait ; que la cour d'appel a jugé que cet accident du travail était dû à la faute inexcusable de l'entreprise utilisatrice ;

Sur le moyen unique, pris en ses quatre premières branches :

Attendu que la société Guiraudie Auffeve fait grief à l'arrêt d'avoir statué ainsi alors, selon le moyen, d'une part, que les éléments par lesquels la cour d'appel caractérise la faute de l'employeur concernent 1° la sélection comme grutier de l'employé qui exerçait 9 mois avant des fonctions d'aide cuisinier, 2° l'absence de pratique suffisante de M. X... au cours des missions du premier semestre 1991, 3° la formation insuffisante du salarié pour acquérir la qualification de grutier professionnel, 4° le caractère inopérant des stages de perfectionnement, ce dont il résultait que la faute résidait exclusivement dans une mauvaise affectation, dépassant les compétences de l'intéressé, choix qui relevait exclusivement de l'employeur de M. X..., à savoir l'entreprise de travail temporaire qui l'avait mis contractuellement à disposition avec la qualification et la rémunération de grutier N3P1, de sorte qu'en décidant sur ces bases que " l'accident est imputable à la faute inexcusable de la société Guiraudie Auffeve ", entreprise utilisatrice, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 241-5-1, L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, ensemble l'article L. 124-1 du Code du travail ; que de surcroît, la brièveté prétendue du stage auquel l'entreprise Guiraudie Auffeve a fait participer M. X... ne saurait lui être imputée dès lors qu'il s'agissait pour l'entreprise utilisatrice d'un simple stage de perfectionnement d'un personnel dont la qualification était déjà acquise, sous la responsabilité d'un employeur, la société Intertra qui l'avait recruté et qui garantissait sa qualification, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard des textes précités ; alors, d'autre part, qu'en énonçant que la qualification contractuelle de M. X... en tant que grutier N3P1 ne pouvait avoir pour effet de lui conférer des compétences dont il était dépourvu, la cour d'appel caractérise la responsabilité de l'entreprise de travail temporaire qui établit le contrat de travail temporaire et également celle du salarié signataire, mais nullement celle du client utilisateur qui demeurait bien fondé à se prévaloir des termes du contrat, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du Code civil et L. 124-1 du Code du travail ; alors, enfin, que le jugement pénal définitif qui relaxait M. Y..., " délégataire de responsabilité de la société Guiraudie Auffeve ", du chef de blessures involontaires impliquait nécessairement qu'aucune négligence ne pouvait être imputée à la société utilisatrice, de sorte qu'en refusant de reconnaître l'autorité de la chose jugée au pénal, la cour d'appel a violé l'article 1351 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt relève que, neuf mois avant l'accident, M. X... n'avait d'autre formation que celle d'aide cuisinier et qu'initié seulement à la conduite d'une grue à tour lors de missions précédentes auprès de la société Guiraudie-Auffeve, il se trouvait, au moment de l'accident, en charge d'une grue mobile dont la conduite exige une formation de douze semaines et n'a rien de commun avec celle des autres grues ; qu'ayant ainsi fait ressortir l'exceptionnelle gravité de la faute commise par l'entreprise utilisatrice et la conscience que celle-ci devait avoir du danger couru par le salarié mis à sa disposition, dont elle connaissait la formation insuffisante, la cour d'appel a pu en déduire que cette faute revêtait un caractère inexcusable et qu'elle avait eu un rôle déterminant dans la réalisation de l'accident, dès lors que, sans elle, l'imprudence commise par le salarié n'aurait pu avoir lieu ou n'aurait pas entraîné de dommage ;

Et attendu, enfin, que la relaxe prononcée au profit de M. Y..., responsable sur le chantier, n'empêchait pas la cour d'appel de retenir la responsabilité de la société pour n'avoir pas donné à M. X... la formation appropriée aux fonctions qu'elle lui confiait ;

D'où il suit que la cour d'appel a, sans encourir les griefs du moyen, légalement justifié sa décision ;

Sur les autres branches du même moyen : (sans intérêt) ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 96-10396
Date de la décision : 05/02/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL - Faute inexcusable de l'employeur - Défaut de prudence - Inadaptation de l'ouvrier à son travail - Relaxe du chef de chantier - Portée .

SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL - Faute inexcusable de l'employeur - Définition - Défaut de prudence - Absence de formation appropriée aux fonctions

Justifie sa décision la cour d'appel qui, après avoir relevé que la formation insuffisante d'un salarié avait eu un rôle déterminant dans la réalisation de l'accident du travail dont celui-ci avait été victime, décide que la relaxe prononcée au profit du chef de chantier ne met pas obstacle à la responsabilité de l'entreprise qui avait commis une faute inexcusable pour n'avoir pas donné au salarié mis à sa disposition une formation appropriée à ses fonctions.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 10 novembre 1995


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 05 fév. 1998, pourvoi n°96-10396, Bull. civ. 1998 V N° 69 p. 49
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1998 V N° 69 p. 49

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gélineau-Larrivet .
Avocat général : Avocat général : M. de Caigny.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Thavaud.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Célice, Blancpain et Soltner, M. Odent.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:96.10396
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