Attendu que, dans le but d'adapter ses structures et de moderniser son réseau pour faire face à la concurrence, la Société générale a soumis au comité central d'entreprise, le 29 octobre 1992, un document intitulé " plan de renforcement de la compétitivité et d'adaptation des emplois " comportant un plan social ; que ce projet impliquant la suppression de nombreux emplois, la Société générale a engagé la procédure d'information et de consultation des instances représentatives du personnel et leur a remis, en application de l'article 49 de la convention collective des banques des tableaux indiquant le nombre de postes supprimés et les noms des salariés susceptibles d'être licenciés ; que le comité central d'entreprise et divers comités d'établissement soutenant, d'une part, que la consultation aurait dû comprendre deux phases successives, l'une, légale, sur le nombre de suppressions d'emplois envisagées, l'autre, conventionnelle, sur les salariés susceptibles d'être licenciés, et, d'autre part, que la Société générale avait fait une application erronée de la convention collective dans l'établissement des tableaux relatifs à l'ordre des licenciements en ce qui concerne les définitions données aux termes de " localité ", " d'établissement " et de " catégorie d'emploi ", ont assigné la Société générale devant le tribunal de grande instance aux fins de voir déclarer irrégulière la consultation et obtenir la condamnation de la banque à des dommages-intérêts ; que la Fédération française des syndicats CFDT de banques et de sociétés financières est intervenue dans la procédure ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal des organisations représentatives et du syndicat :
Attendu que le comité central d'entreprise, les comités d'établissement et la Fédération française des syndicats CFDT de banques et des sociétés financières font grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté leur demande en ce qui concerne la définition qui aurait dû être donnée, conformément à l'article 49 de la convention collective des banques, aux notions de " localité " et d'" établissement " pour l'élaboration des tableaux des salariés susceptibles d'être licenciés, alors, selon le moyen, que l'établissement désigne, selon les circonstances, l'unité à laquelle les travailleurs concernés par les licenciements sont affectés pour effectuer leurs tâches ; qu'en refusant de tenir compte de l'aire géographique dans laquelle le contrat de travail doit être exécuté et dans laquelle l'employeur peut exercer unilatéralement son pouvoir de mutation, correspondant à une telle affectation, la cour d'appel a violé l'article 49 de la convention collective des banques ; alors, en tout cas, qu'en s'abstenant de définir l'établissement au sens dudit article 49 et de préciser ce que représentaient les guichets ou " points de vente " et les " domaines " retenus pour les service centraux, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des dispositions susvisées ; et alors qu'en affirmant que la notion d'établissement ne peut se confondre avec celle retenue pour les besoins de l'élection des représentants du personnel dès lors que l'article 49 de la convention collective fait référence à l'existence de plusieurs établissements par localité, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, enfin, que le syndicat et les comités faisaient valoir qu'en dressant autant de tableaux que de guichets ou " points de vente " et, pour les services centraux, que d'unités de travail appelées " domaines ", entités plus fines que l'établissement et non prévues par l'article 49, la Société générale cloisonnait le classement du personnel à un point tel que dans la plupart des cas, elle supprimait toute possibilité de choix entre les personnes ayant un emploi de même nature, éludait l'objectivité que les parties à la convention collective avaient entendu conférer à cette sélection et aboutissait ainsi à ce que l'application dudit article 49 soit moins favorable aux salariés que le dispositif légal ; que faute d'avoir pris en considération ce chef des conclusions des organisations représentatives et du syndicat, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'en application de l'article 49 de la convention collective des banques, les licenciements collectifs pour suppression d'emplois sont effectués dans une même localité, par établissement et par nature d'emploi, après avis du comité d'entreprise lorsqu'il en existe un ou à défaut des délégués du personnel, et suivant un classement établi entre toutes les personnes occupées dans chacun des établissements de cette même localité ;
Et attendu que la cour d'appel a fait une exacte application de ce texte en décidant, qu'au sens de la convention collective applicable, d'une part, le concept de " localité " désigne la commune et ne peut pas concerner l'aire géographique à l'intérieur de laquelle peuvent intervenir des mutations de personnel n'impliquant pas la modification du contrat de travail, et, d'autre part, la notion d'établissement, dont elle a par là même donné la définition, ne peut se confondre avec celle retenue pour les élections des représentants du personnel et doit s'entendre des guichets, points de vente et pour les services centraux des unités de travail appelés domaines ; que sans encourir les griefs du moyen, elle en a exactement déduit qu'il devait y avoir autant de tableaux que de points de vente ou de guichets et pour les services centraux d'unités de travail appelés domaines ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi incident de la Société générale et de M. X..., ès qualités :
Vu l'article 49 de la convention collective des banques ;
Attendu que, pour décider que la consultation des organisations représentatives était irrégulière, la cour d'appel énonce que la convention collective, au-delà des obligations légales, prescrit à l'employeur de consulter les instances représentatives, non seulement sur l'effectif à licencier et l'ordre des licenciements, mais encore de réunir le comité d'entreprise afin, notamment, de recueillir ses observations sur le cas de chaque personne susceptible d'être licenciée et recevoir leurs propositions écrites et motivées, en vue de modifier le tableau de licenciement ; qu'elle en conclut que l'examen des situations individuelles suppose que les instances représentatives du personnel aient été préalablement informées et consultées sur l'effectif licenciable et l'ordre des licenciements avant que ne leur soit présentée, lors d'une nouvelle réunion, la liste des personnes licenciables et qu'en conséquence l'employeur doit organiser deux réunions successives, l'une pour livrer les renseignements relatifs à l'effectif licenciable et à l'ordre des licenciements, l'autre pour donner les informations nominatives relatives aux personnes licenciables ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'article 49 de la convention collective des banques n'organise pas deux consultations successives concernant les postes supprimés et les personnes licenciables et qu'une consultation simultanée sur ces deux points était possible, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et vu l'article 627, alinéa 1er, du nouveau Code de procédure civile la cassation encourue n'impliquant pas qu'il dit à nouveau statué sur le fond de ce chef ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi principal ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions déclarant la procédure de consultation irrégulière en raison d'une consultation unique sur les postes supprimés et les personnes licenciables, l'arrêt, rendu entre les parties, le 11 décembre 1995 par la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Rejette les demandes du comité d'entreprise et des comités d'établissements tendant à voir déclarer irrégulière la procédure de consultation des instances représentatives du personnel en raison d'une consultation simultanée sur les postes supprimés et les personnes licenciables.