CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux, 3e chambre, en date du 18 mars 1997, qui l'a déboutée de ses demandes après relaxe de X... du chef de fraude ou fausses déclarations pour obtenir ou faire obtenir des prestations sociales indues.
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 377-1 et suivants du Code de la sécurité sociale, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé le prévenu des fins de la poursuite ;
" aux motifs qu'il est reproché à ce chirurgien d'avoir, d'octobre 1992 à février 1993, à treize reprises, établi des demandes d'entente préalable relatives à des stérilisations tubaires pratiquées par ses soins sans indication thérapeutique, en attribuant à ces actes une cotation de la nomenclature générale des actes professionnels à laquelle ceux-ci ne pouvaient prétendre, demandes suivies d'une prise en charge effective au titre de l'assurance maladie... ; que le prévenu, qui n'a pas contesté la matérialité des faits, a, en revanche, versé aux débats des avis et témoignages émanant de certains de ses confrères, dont l'un sous la plume d'un chef de service de gynécologie-obstétrique des hôpitaux de Paris, qui tendent à démontrer en effet qu'une pratique s'est établie, avec l'accord des organismes d'assurance maladie, pour permettre le remboursement des interventions pratiquées pour stérilisation tubaire pure et simple ; qu'il apparaît, en tout cas, que le prévenu a pu, de bonne foi, croire à l'existence d'un tel accord tacite ; qu'il s'ensuit que l'élément intentionnel faisant défaut à la prévention, X... doit être renvoyé des fins de la poursuite ;
" alors que, d'une part, constitue une fausse déclaration la cotation inexacte d'un acte médical au regard de la nomenclature générale des actes professionnels par un médecin pour obtenir des prestations indues ; qu'en déclarant, pour exonérer le prévenu de sa responsabilité pénale, qu'il avait pu croire à une pratique instaurée pour permettre le remboursement de ces actes par les organismes sociaux, de sorte que l'élément intentionnel du délit n'était pas établi, la cour d'appel, qui a ainsi constaté qu'il connaissait la fausseté de ses déclarations et qui, pour refuser d'appliquer la loi, fait prévaloir une pratique incertaine sur un acte réglementaire obligatoire, s'est contredite et a privé sa décision de base légale ;
" et alors que, d'autre part, l'arrêt attaqué ne s'explique pas sur le chef d'incrimination tenant au défaut d'indication sur la feuille de soins de l'intégralité des honoraires perçus " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que constitue le délit prévu par l'article L. 377-1 du Code de la sécurité sociale toute fraude ou fausse déclaration faite sciemment pour obtenir, faire obtenir ou tenter de faire obtenir des prestations qui ne sont pas dues ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que X..., chirurgien, est poursuivi du chef de fraude ou fausses déclarations pour obtenir ou faire obtenir des prestations indues, pour avoir pratiqué sur treize patientes des stérilisations volontaires sans indication thérapeutique et obtenu leur prise en charge effective au titre de l'assurance maladie ;
Attendu que, pour renvoyer le prévenu des fins de la poursuite et débouter la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde, partie civile, de ses demandes, l'arrêt attaqué, après avoir constaté que X... savait que les interventions pratiquées n'étaient pas remboursables, énonce que, selon des attestations versées par lui aux débats, une pratique s'est établie, avec l'accord des organismes d'assurance maladie, pour permettre le remboursement de ces interventions par référence à un acte techniquement assimilable ;
Que les juges en déduisent que X... a "établi les demandes de prise en charge litigieuses en l'absence d'intention de sa part de faire obtenir des prestations qui n'étaient pas dues", et que, dès lors, l'élément intentionnel fait défaut ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le prévenu avait agi en connaissance de cause et que le prétendu usage contraire aux dispositions réglementaires en vigueur n'était pas de nature à retirer aux faits leur caractère délictueux, la cour d'appel a méconnu les textes et principes ci-dessus rappelés ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 18 mars 1997, mais en ses seules dispositions civiles et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Poitiers.