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13/01/1998 | FRANCE | N°95-41480

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 13 janvier 1998, 95-41480


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 novembre 1994), que Mme X... a été engagée à compter du 17 avril 1990 par la Société européenne de sélection (SES), entreprise de travail temporaire, en qualité de chef d'agence ; que son contrat de travail comportait une clause de non-concurrence lui faisant interdiction, pendant une durée d'un an à compter de l'expiration du contrat, de participer, dans huit départements de la région parisienne, à toute affaire susceptible de concurrencer la société SES dans les domaines du travail temporaire, du recrutement, de la mise en place de

structure du personnel et d'" out-placement " ; que cette clause ...

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 novembre 1994), que Mme X... a été engagée à compter du 17 avril 1990 par la Société européenne de sélection (SES), entreprise de travail temporaire, en qualité de chef d'agence ; que son contrat de travail comportait une clause de non-concurrence lui faisant interdiction, pendant une durée d'un an à compter de l'expiration du contrat, de participer, dans huit départements de la région parisienne, à toute affaire susceptible de concurrencer la société SES dans les domaines du travail temporaire, du recrutement, de la mise en place de structure du personnel et d'" out-placement " ; que cette clause précisait qu'à titre d'indemnité compensatrice de l'interdiction, il lui serait versé une somme mensuelle de 200 francs bruts pendant toute la durée de son contrat ; que Mme X... a été licenciée pour motif économique le 31 janvier 1991 avec un préavis de 3 mois ; que le 2 mai 1991, elle a été embauchée en qualité d'agent technico-commercial par la société Interimatique, dont l'activité comprend le travail temporaire ; qu'informée de ce fait la société SES est intervenue par lettre du 30 mai 1991 auprès de la société Interimatique, qui a immédiatement mis fin à la période d'essai de Mme X... ; que, reprochant à cette dernière d'avoir violé la clause de non-concurrence, la société SES a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société SES fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande de dommages-intérêts à l'encontre de Mme X... pour inobservation par cette dernière de la clause de non-concurrence stipulée dans son contrat de travail, alors, selon le moyen, d'une part, que l'Accord national des salariés permanents des entreprises de travail temporaire invoquée par la cour d'appel prévoit une indemnité compensatrice dont les modalités de versement sont déterminées par le contrat de travail ; qu'il résulte de ces dispositions que les contractants pouvaient parfaitement envisager le paiement à l'avance, pendant l'exécution du contrat, d'une indemnité destinée à compenser l'engagement de non-concurrence de la salariée après son départ ; qu'ainsi, la cour d'appel, en reprochant à la société SES de n'avoir pas prévu une indemnité compensatrice pendant la période de l'application de la clause de non-concurrence sans rechercher si le supplément de rémunération mensuel de 200 francs versé par la société SES afin de compenser les engagements de la salariée n'était pas une modalité de l'indemnité prévue par l'article 7-4 de l'accord national précité, n'a pas justifié légalement sa décision ; alors, d'autre part, qu'il résulte des éléments de la cause que le contrat de travail liant Mme X... à la société SES se terminait le 30 avril 1991 et que, dès le 2 mai, Mme X... avait été embauchée par une société concurrente, tout en ayant déjà touché de la société SES la somme de 2 400 francs au titre de l'indemnité compensatrice de son engagement de non-concurrence ; que, dès lors, la cour d'appel ne pouvait considérer que la société SES avait manqué gravement à ses obligations conventionnelles dans la mesure où l'indemnité devait, en vertu de la convention collective, s'élever à la somme mensuelle de 2 697 francs, sans rechercher si, eu égard à la rupture unilatérale et précipitée de Mme X..., qui n'avait pas attendu le moindre délai avant de se faire engager par un concurrent, ni formulé la moindre réclamation à son ancien employeur, la somme de 2 400 francs déjà versée par la société SES ne constituait pas une contrepartie suffisante de la clause de non-concurrence non respectée par l'ancienne salariée, n'a pas justifié sa décision au regard des articles 1134 du Code civil et 7-4 de l'accord collectif national ; alors, en outre, qu'en l'absence de clause résolutoire expresse, une partie ne saurait rompre unilatéralement sans préavis ni demande d'exécution préalable, ses engagements contractuels ; qu'en l'espèce, Mme X..., sans avoir réclamé le moindre complément d'indemnité ni même averti son ancien employeur, a délibérément méconnu son obligation de non-concurrence en se faisant engager par une autre entreprise de travail intérimaire ; qu'ainsi, la cour d'appel, en se bornant à relever l'insuffisance de l'indemnité versée par la société SES pour établir le prétendu manquement de cette dernière à ses obligations sans constater que Mme X... avait cherché à obtenir un complément d'indemnité et mis en demeure la société SES de s'acquitter, n'a pas justifié légalement au regard de l'article 1184 du Code civil la libération de Mme X... ; et alors, enfin, que le fait qu'un contractant ait manqué à ses engagements ne saurait libérer l'autre partie de ses obligations qu'à la condition que cette dernière ait été de bonne foi ;

qu'en raison du caractère précipité de la méconnaissance par Mme X... de la clause de non-concurrence, la cour d'appel se devait de rechercher si son comportement n'excluait pas la bonne foi nécessaire à sa libération ; qu'en ne procédant pas à cette recherche la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article 1184 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel a relevé qu'aux termes de l'article 7-4 de l'Accord national relatif aux salariés permanents des entreprises de travail temporaire du 23 janvier 1986, " la clause de non-concurrence comporte, en cas de rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur autre que dans l'hypothèse de faute grave ou lourde, pendant la durée de la non-concurrence, une contrepartie financière qui ne pourra, en tout état de cause, être inférieure à un montant mensuel égal à 20 % de la moyenne mensuelle de la rémunération du salarié au cours de ses trois derniers mois de présence dans l'entreprise, pour la première année... " ; qu'ayant constaté que la clause du contrat de Mme X... réduisait ce versement à une indemnité mensuelle dérisoire par rapport au minimum prévu par ce texte, elle a pu décider que cette clause était nulle et en déduire, sans encourir les griefs du moyen, que la clause de non-concurrence n'étant pas applicable, à défaut de contrepartie, la salariée s'était trouvée libérée de l'interdiction de concurrence ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Sur le second moyen : (sans intérêt) ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 95-41480
Date de la décision : 13/01/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Clause de non-concurrence - Indemnité de non-concurrence - Accord collectif prévoyant un montant minimum - Clause fixant un montant dérisoire - Nullité - Effet .

TRAVAIL REGLEMENTATION - Travail temporaire - Accord national du 23 janvier 1986 - Article 7-4. - Indemnité de non-concurrence - Fixation d'un montant minimum - Portée

CONVENTIONS COLLECTIVES - Accords et conventions divers - Entreprises de travail temporaire - Accord national du 23 janvier 1986 - Article 7-4. - Indemnité de non-concurrence - Fixation d'un montant minimum - Portée

Une cour d'appel, ayant constaté que la clause du contrat de travail d'un salarié réduisait le versement de la contrepartie financière d'une clause de non-concurrence à une indemnité mensuelle dérisoire par rapport au minimum prévu par l'article 7-4 de l'Accord national relatif aux salariés permanents des entreprises de travail temporaire du 23 janvier 1986, a pu décider que cette clause était nulle et en déduire que, la clause de non-concurrence n'étant pas applicable, à défaut de contrepartie, la salariée s'était trouvée libérée de l'interdiction de concurrence.


Références :

Accord national relatif aux salariés permanents des entreprises de travail temporaire du 23 janvier 1986 art. 7-4

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 17 novembre 1994


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 13 jan. 1998, pourvoi n°95-41480, Bull. civ. 1998 V N° 6 p. 5
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1998 V N° 6 p. 5

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Waquet, conseiller doyen faisant fonction. .
Avocat général : Avocat général : M. Terrail.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Desjardins.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:95.41480
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