Attendu que M. X..., embauché depuis le 18 septembre 1990 en qualité de pâtissier par M. Y..., a quitté son emploi pour accomplir son service militaire ; qu'ayant sollicité sa réintégration et s'étant heurté à un refus de l'employeur, il a saisi la juridiction prud'homale qui lui a alloué des sommes à titre d'indemnité de licenciement et de dommages-intérêts ;
Sur la fin de non-recevoir soulevée par la défense : (sans intérêt) ;
Sur les deuxième et troisième moyens, réunis :
Attendu que M. Y... fait grief au jugement attaqué d'avoir décidé que la réintégration de M. X... était possible et de lui avoir alloué des dommages-intérêts pour violation de l'obligation de réintégration, alors, selon le moyen, d'une part, que l'obligation de réintégration du salarié ne saurait être transmise au nouvel employeur en cas de modification de la situation juridique de l'ancien employeur survenant dans le cadre de l'article L. 122-12 du Code du travail et, d'autre part, que la cessation d'activité de l'employeur dans le mois suivant la demande de réintégration constitue un motif légitime pour refuser sans abus cette réintégration ; que, ce faisant, le conseil de prud'hommes a privé sa décision de motifs et de base légale et a violé les articles L. 122-12, L. 122-18 et suivants et L. 122-23 du Code du travail ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'obligation de réintégration du salarié appelé à accomplir ses obligations militaires est transmise, en vertu de l'article L. 122-12, 2e alinéa, du Code du travail, au nouvel employeur, en cas de modification de la situation juridique de l'ancien employeur ;
Et attendu, en second lieu, que le conseil de prud'hommes, ayant constaté que l'employeur n'avait pas cessé son activité et n'apportait pas la preuve de la suppression de l'emploi qu'occupait le salarié, a pu décider qu'il avait violé l'obligation de réintégration résultant de l'article L. 122-18 du Code du travail ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article L. 122-9 et les articles L. 122-18 et suivants du Code du travail ;
Attendu que le conseil de prud'hommes, pour accueillir la demande d'indemnité de licenciement de M. X..., énonce que sa réintégration était possible et que l'employeur a omis de prévenir son successeur de l'obligation qui lui en était faite, en cas de demande du salarié ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le contrat de travail s'était trouvé résilié par le départ du salarié au service national et que ce dernier, qui n'avait pas été réembauché, n'avait donc pas été licencié du fait de sa non-réintégration dans l'entreprise, le conseil de prud'hommes a violé les textes susvisés ;
Et attendu qu'il y a lieu de faire application de l'article 627, 1er alinéa, du nouveau Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a alloué au salarié une indemnité de licenciement, le jugement rendu le 10 février 1995, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Soissons ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DEBOUTE M. X... de sa demande d'indemnité de licenciement.