Attendu que Ion Radulescu, citoyen roumain résidant en Suisse, est décédé à Genève en 1987, laissant des biens incluant des immeubles situés en France ; que M. Giudici, désigné par décision de la justice de paix du canton de Genève pour administrer la succession, a, en septembre 1987, mandaté M. X..., notaire, pour dresser la liste des biens immobiliers situés en France et procéder à leur évaluation ; qu'en décembre 1987, l'héritière identifiée en la personne de Mlle Alexandru, fille du de cujus, a été envoyée en possession et les frais de M. Giudici ont été évalués par la juridiction genevoise à 50 000 francs suisses ; que les décisions suisses ont reçu l'exequatur par un jugement du 4 avril 1991, qui a validé une saisie-arrêt pratiquée entre les mains de M. X... à hauteur de 200 000 francs français et qui a condamné l'héritière à payer à M. Giudici l'équivalent en francs français de la somme de 50 000 francs suisses ; que M. X... ayant alors indiqué qu'il ne détenait plus de fonds pour le compte de Mlle Alexandru, s'en étant déssaisi le 27 juin 1989, M. Giudici lui a réclamé le paiement de la somme qui lui était due ; que l'arrêt attaqué a accueilli cette demande ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches : Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de l'avoir ainsi condamné, alors que, d'une part, en considérant que le notaire avait commis une faute en se dessaisissant des fonds, produits de la liquidation, au profit de l'héritière, pourtant seule en droit de les recevoir, la cour d'appel aurait violé l'article 1382 du Code civil ; que, d'autre part, en considérant que le notaire avait pu recevoir de M. Giudici mandat de retenir les fonds revenant à l'héritière, la cour d'appel aurait violé le même article ; qu'enfin, en considérant que le notaire avait commis une faute en s'abstenant de prendre les garanties pour préserver la créance de M. Giudici, la cour d'appel aurait encore violé le même texte ;
Mais attendu qu'ayant constaté que M. X... avait reçu mandat de M. Guidici pour faire l'inventaire des biens de Ion Radulescu, qu'il résultait de correspondances nombreuses que ce notaire n'ignorait pas l'existence d'un passif important en Suisse et que, malgré un avertissement du 13 avril 1989 précisant que le montant du passif n'était pas complètement connu, il s'était déssaisi de la totalité des fonds le 27 juin suivant, la cour d'appel, qui a justement énoncé que l'obligation faite par la loi française de procéder à la dévolution successorale des immeubles sis en France selon la loi française ne s'opposait pas à ce que le notaire prît toutes précautions nécessaires pour assurer la garantie de ce passif qui avait ainsi été porté à sa connaissance, a pu retenir une faute à la charge de cet officier public ; que le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches ;
Mais, sur le troisième moyen :
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que, pour condamner M. X..., l'arrêt énonce que le préjudice subi par M. Giudici était établi dès lors qu'il ne pouvait être contraint d'exercer un recours compliqué et aléatoire en Roumanie, alors que, sans la faute du notaire, il pouvait être normalement payé de ses diligences ;
Attendu, cependant, que seul est sujet à réparation le préjudice direct, actuel et certain ; qu'en se déterminant comme elle a fait, sans caractériser la perte définitive de la créance de M. Giudici, et donc l'existence d'un dommage actuel et certain, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de statuer sur le deuxième moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 mars 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée.