Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué, partiellement confirmatif (Colmar, 16 mai 1995), que par acte de vente passé le 27 octobre 1989 devant M. X..., notaire associé de la SCP Y... et X..., M. Barth a vendu aux époux Batt un fonds de commerce pour un prix de 320 000 francs ; que, selon un contrat de bail notarié du même jour, M. Barth a donné en location aux époux Batt les locaux commerciaux destinés à l'exploitation du fonds ; qu'en vertu d'un autre acte notarié de ce même jour la Banque fédérative de crédit mutuel (BFCM) a consenti un prêt de 450 000 francs aux époux Batt ; que ceux-ci, ayant cessé leur exploitation en mars 1990, ont demandé l'annulation de la vente et du bail commercial ainsi que des dommages-intérêts aux époux Barth et à M. X... ; que les époux Barth ont formé une demande reconventionnelle en nullité ou résolution de la vente, et en dommages-intérêts, et recherché la responsabilité du notaire ; que la BFCM est elle-même intervenue pour solliciter le remboursement par les époux Barth des sommes encaissées par eux et la condamnation des époux Batt au paiement du surplus des montants dus ; que la vente a été déclarée résolue aux torts des époux Batt et que le notaire a été déclaré responsable, envers les époux Barth, du préjudice subi par eux du fait de cette résolution ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches, du pourvoi principal, formé par M. X... :
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir retenu la responsabilité de M. X..., alors que, d'une part, en considérant que le notaire devait informer M. Barth, professionnel des questions immobilières, sur la signification du nantissement et sur la portée de la renonciation au privilège du vendeur, la cour d'appel aurait violé l'article 1382 du Code civil ; et que, d'autre part, en considérant que le notaire avait méconnu son devoir de conseil en n'avertissant pas M. Barth, vendeur et professionnel de l'immobilier, des conséquences relatives à l'inopposabilité de la résolution de la vente à la banque, la cour d'appel n'aurait pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard des articles 1134 et 1382 du Code civil ;
Mais attendu que les compétences personnelles du client ne dispensent pas le notaire de son devoir de conseil ; qu'ayant relevé, notamment, d'une part, qu'il résultait du document intitulé " reconnaissance d'information ", qui ne comportait aucune précision sur les conditions d'efficacité de l'inscription du privilège du vendeur, que M. Barth n'était pas en mesure d'apprécier en connaissance de cause la portée de la renonciation provisoire à l'inscription de ce privilège et que l'information qui lui avait été donnée était ambiguë et équivoque et ne lui permettait pas de mesurer les conséquences exactes découlant d'un état hypohécaire positif, et d'autre part, qu'il appartenait au notaire d'indiquer clairement au vendeur les conséquences de l'inopposabilité à la banque de la résolution de droit commun qu'il pouvait demander et de s'abstenir de lui laisser croire qu'il pouvait toujours bénéficier de l'inscription de son privilège et de l'action résolutoire, c'est à bon droit, que la cour d'appel s'est prononcée comme elle a fait ; qu'il s'ensuit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et, sur le second moyen, pris en ses trois branches, du même pourvoi ;
Attendu que M. X... reproche encore à l'arrêt d'avoir retenu sa responsabilité, alors que, d'une part, en énonçant que le vendeur avait subi un préjudice pour avoir conclu la vente sans attendre que le notaire ait reçu un état négatif d'inscription hypothécaire, lors même qu'aucun manquement d'information relatif à l'état hypothécaire n'était reproché au notaire, seules les conséquences de l'inopposabilité de la vente à la banque étant en cause, la cour d'appel n'aurait pu caractériser le lien de causalité entre la faute reprochée au notaire et le préjudice allégué par le vendeur, en violation de l'article 1382 du Code civil ; que, d'autre part, en se fondant sur l'allégation du vendeur, sans relever avec certitude que M. Barth n'aurait pas conclu la vente s'il avait été plus informé des risques, la cour d'appel n'aurait pu valablement caractériser un lien causal entre la faute reprochée au notaire et le préjudice allégué, en violation du même texte ; et alors que, enfin, en condamnant le notaire, sans relever qu'il était certain que le vendeur n'aurait pas passé la vente litigieuse, à réparer la totalité du préjudice, sans limiter la réparation à la perte de chance de ne pas contracter, la cour d'appel aurait encore violé le même texte ;
Mais attendu, d'abord, que c'est parce que M. Barth avait été induit en erreur quant aux conséquences de l'aménagement conventionnel de la vente et, notamment, quant à celles liées à l'inopposabilité de la résolution à la banque, que la cour d'appel a condamné le notaire à indemniser M. Barth du préjudice qu'il avait subi du fait de cette résolution ; qu'elle a ainsi caractérisé le lien de causalité entre la faute imputée au notaire et le préjudice réparé ; qu'ensuite, ayant relevé que M. Barth, s'il avait été correctement informé, se serait abstenu de requérir la passation de l'acte avant que le notaire ait reçu un état négatif d'inscription, les risques encourus étant trop importants par rapport aux avantages résultant de la signature immédiate de la vente, la cour d'appel a caractérisé un préjudice certain, et non la simple perte d'une chance, en relation causale avec la faute reprochée au notaire ; qu'ainsi, la cour d'appel a fait une juste application du texte visé par le moyen qui n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et, sur le moyen unique du pourvoi incident, formé par M. et Mme Batt : (sans intérêt) ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE tant le pourvoi principal que le pourvoi incident.