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12/11/1997 | FRANCE | N°95-20280

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 12 novembre 1997, 95-20280


Attendu, selon l'ordonnance attaquée (premier président de la cour d'appel de Poitiers, 10 octobre 1995), que sur assignation délivrée par neuf concessionnaires de marques automobiles, implantés en Vendée, à l'encontre de la société Pontoizeau Automobile d'Olonne-sur-Mer pour concurrence déloyale, un jugement assorti de l'exécution provisoire a notamment interdit à cette société de posséder tout stock de véhicules neufs ou immatriculés depuis moins de 3 mois, ou ayant parcouru moins de 3 000 kms, de faire une publicité concernant ces véhicules et prononcé une astreinte par

infraction constatée et des condamnations à paiement ; que la socié...

Attendu, selon l'ordonnance attaquée (premier président de la cour d'appel de Poitiers, 10 octobre 1995), que sur assignation délivrée par neuf concessionnaires de marques automobiles, implantés en Vendée, à l'encontre de la société Pontoizeau Automobile d'Olonne-sur-Mer pour concurrence déloyale, un jugement assorti de l'exécution provisoire a notamment interdit à cette société de posséder tout stock de véhicules neufs ou immatriculés depuis moins de 3 mois, ou ayant parcouru moins de 3 000 kms, de faire une publicité concernant ces véhicules et prononcé une astreinte par infraction constatée et des condamnations à paiement ; que la société Pontoizeau a interjeté appel de cette décision et demandé au premier président d'en arrêter l'exécution provisoire ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il est fait grief à l'ordonnance d'avoir rejeté cette demande, alors, selon le moyen, d'une part, que risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives au sens de l'article 524 du nouveau Code de procédure civile, le prononcé de l'exécution provisoire entaché d'une erreur de droit grave et grossière ; que l'ordonnance attaquée est entachée d'excès de pouvoir dans la mesure où elle a refusé d'ordonner l'arrêt de l'exécution provisoire par le motif qu'il n'y aurait pas erreur de droit grave et grossière, même si l'appelante tente de prouver que le tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon, s'est juridiquement fourvoyé au préjudice de la liberté du commerce car les premiers juges n'ont, en réalité, pas interdit toute exploitation à la société condamnée, mais lui ont imposé certaines limites dans la vente des véhicules neufs ou assimilés ; et par le motif que force est d'écarter des présents débats toute considération touchant le fond du litige qui constitue l'essentiel des moyens avancés par l'appelant mais sans rechercher, ce qu'elle était tenue de faire, si ces moyens ne démontraient pas une erreur de droit grave et grossière ; alors, d'autre part, que constitue une erreur de droit grave et grossière, constituant par nature une conséquence manifestement excessive, le fait d'affirmer que la seule possibilité accordée aux particuliers d'acquérir un véhicule neuf, en dehors d'un réseau, est de faire appel à un mandataire, lequel ne peut exercer son mandat que selon des règles contraignantes ; qu'en effet, le règlement 123-75 et le règlement n° 1475-95 qui l'a remplacé ne sont que des règlements d'exemption au sens de l'article 85, alinéa 3, du Traité instituant la Communauté économique européenne et ne font donc pas obstacle à ce qu'un opérateur qui n'est ni revendeur agréé de distribution du constructeur d'une marque automobile ni un intermédiaire mandaté au sens des règlements susvisés, se livre à une activité parallèle et de revente et à ce qu'un opérateur indépendant cumule les activités d'intermédiaire mandaté, et celles de revendeur non agréé de véhicules provenant d'importation parallèle ; qu'en décidant que le jugement qui avait pris la position inverse n'était pas entaché d'une erreur de droit grave et grossière, la décision attaquée a violé l'article 85, alinéa 3, du Traité de la Communauté économique européenne, les règlements 123-85 et 1475-95 CEE ; alors, de troisième part, qu'en ne recherchant pas si l'interdiction de vendre tout véhicule à des particuliers, sauf en qualité de mandataire ne constituait pas une atteinte suffisamment grave à la liberté du commerce, que pour entraîner des conséquences manifestement excessives justifiant un arrêt de l'exécution provisoire et en se refusant à cet examen, par le simple motif que les premiers juges n'auraient pas interdit toute exploitation à la société condamnée, les juges du fond ont privé leur arrêt de base légale au sens de l'article 524 du nouveau Code de procédure civile ; alors, de quatrième part, que constitue un excès de pouvoir le fait de dénaturer les conséquences d'un jugement pour refuser l'arrêt d'exécution provisoire ;

qu'en l'espèce actuelle le jugement dont l'arrêt de l'exécution provisoire était demandé avait, d'une part, interdit à la société d'exploitation Pontoizeau de vendre des véhicules neufs ou immatriculés depuis moins de 3 mois ou ayant parcouru moins de 3 000 kilomètres à tout commerçant personne physique ou morale qui ne soit pas un utilisateur final, ce qui en apparence laissait à la société la possibilité de vendre des véhicules neufs ou assimilés à tout commerçant ou utilisateur final ; mais que, le même jugement ayant interdit à la société d'exploitation Pontoizeau Automobiles de vendre de tels véhicules à tout particulier utilisateur final, sans être au préalable immatriculé au registre du commerce sous la seule activité de mandataire, à l'exclusion de toute autre activité dans l'automobile, avait par là-même interdit à la société d'exploitation Pontoizeau de vendre des véhicules neufs ou assimilés à des commerçants utilisateurs finals en tant que commerçant indépendant, et lui avait également interdit de vendre des véhicules neufs ou assimilés à tout particulier utilisateur final en tant que commerçant indépendant, puisqu'il lui interdisait d'exercer une autre activité que celle de mandataire ; qu'ainsi, contrairement aux affirmations de la décision attaquée qui, de par la dénaturation qu'elle a fait du jugement attaqué, se trouve entachée d'excès de pouvoir, le jugement attaqué a bien interdit à la société Pontoizeau toute vente de véhicules neufs ou d'occasion et a par là-même attenté à la liberté du commerce ; alors de cinquième part, qu'en dénaturant le jugement dont l'arrêt de l'exécution provisoire était demandée, l'ordonnance attaquée a violé l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu que le caractère manifestement excessif des conséquences de l'exécution provisoire ordonnée ne doit être apprécié qu'au regard de la situation du débiteur, compte tenu de ses facultés et des facultés de remboursement de la partie adverse, et non au regard de la régularité ou du bien-fondé du jugement frappé d'appel ;

Que dès lors, et abstraction faite d'un motif surabondant, c'est à bon droit que le premier président a écarté des débats toutes les considérations touchant au fond du litige, et qu'ayant constaté que la société Pontoizeau ne rapportait pas la preuve que l'exécution du jugement aura des effets ruineux sur son commerce, et que l'éventuelle restitution des fonds se heurtera à l'insolvabilité des concessionnaires, a débouté la société de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu qu'il est fait grief à l'ordonnance, d'avoir condamné la société Pontoizeau à des dommages-intérêts pour procédure abusive, alors d'une part, que le premier président saisi comme en référé pour obtenir l'arrêt de l'exécution provisoire, n'a pas le pouvoir de condamner celui qui le saisit à des dommages-intérêts pour procédure abusive ; que la décision attaquée qui prononce une telle condamnation est entachée d'excès de pouvoir ; alors, d'autre part, que la décision attaquée qui a elle-même constaté que l'appelante a invoqué les conséquences excessives des condamnations sur sa trésorerie et tenté de prouver que le tribunal de commerce de la Roche-sur-Yon s'est juridiquement fourvoyé au préjudice de la liberté du commerce, n'a pu sans tirer les conséquences de ses propres décisions et, par là-même violer l'article 1382 du Code civil, affirmer que l'exposante a introduit l'instance avec légèreté et mauvaise foi sans même vouloir démontrer que le jugement provoque des conséquences manifestement excessives sur sa situation particulière ; alors, enfin, que la décision attaquée n'a pas caractérisé un préjudice nécessaire pour permettre la condamnation à des dommages-intérêts, en se contentant d'affirmer que les sociétés intimées subissent un préjudice dans la mesure où il y a eu intention de leur nuire dans le bon déroulement de la procédure, en utilisant les dispositions de l'article 524 du nouveau Code de procédure civile, hors de leur champ normal d'application ; qu'un tel motif à le supposer exact, caractérisait une faute et non un préjudice, que la décision attaquée est donc entachée de violation de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la société Pontoizeau avait introduit sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire avec légèreté et mauvaise foi, dans le seul but de faire échec au jugement sans démontrer que l'exécution de celui-ci provoquerait des conséquences manifestement excessives sur sa situation et constaté que cette procédure avait causé un préjudice aux concessionnaires, le premier président a pu, sans excéder ses pouvoirs, décider que la procédure, abusive et dilatoire, justifiait l'allocation de dommages-intérêts ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 95-20280
Date de la décision : 12/11/1997
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° REFERE DU PREMIER PRESIDENT - Exécution provisoire - Arrêt de l'exécution provisoire - Exécution entraînant des conséquences manifestement excessives - Recherche nécessaire.

1° EXECUTION PROVISOIRE - Suspension - Jugement frappé d'appel - Exécution entraînant des conséquences manifestement excessives - Recherche nécessaire.

1° Le caractère manifestement excessif des conséquences de l'exécution provisoire ordonnée ne doit être apprécié qu'au regard de la situation du débiteur, compte tenu de ses facultés et des facultés de remboursement de la partie adverse et non au regard de la régularité ou du bien-fondé du jugement frappé d'appel.

2° RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Faute - Abus de droit - Action en justice - Jugement frappé d'appel - Exécution provisoire - Demande de suspension.

2° EXECUTION PROVISOIRE - Suspension - Jugement frappé d'appel - Demande - Demande introduite avec légèreté et mauvaise foi - Portée.

2° Un premier président ayant relevé que la demande d'arrêt de l'exécution provisoire avait été introduite par une partie avec légèreté et mauvaise foi dans le seul but de faire échec au jugement sans démontrer que l'exécution de celui-ci provoquerait des conséquences manifestement excessives sur sa situation et avait causé un préjudice aux bénéficiaires du jugement a pu sans excéder ses pouvoirs décider que la procédure abusive et dilatoire justifiait l'allocation de dommages-intérêts.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 10 octobre 1995

A RAPPROCHER : (1°). Chambre civile 2, 1996-11-27, Bulletin 1996, II, n° 270, p. 163 (cassation)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 12 nov. 1997, pourvoi n°95-20280, Bull. civ. 1997 II N° 274 p. 161
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1997 II N° 274 p. 161

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Laplace, conseiller le plus ancien faisant fonction. .
Avocat général : Avocat général : M. Kessous.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Vigroux.
Avocat(s) : Avocat : la SCP Ryziger et Bouzidi.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1997:95.20280
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