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12/11/1997 | FRANCE | N°92-83250

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 12 novembre 1997, 92-83250


CASSATION PARTIELLE SANS RENVOI sur le pourvoi formé par l'Etat, pris en la personne du préfet de la Drôme, partie intervenante, contre l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble, chambre spéciale des mineurs, du 13 avril 1992, qui, dans les poursuites exercées contre Y..., Z..., A... et B... pour viol aggravé, contre C..., D... et E... pour attentats à la pudeur avec contrainte, violence ou surprise et en réunion et contre F... pour omission d'empêcher un crime, a prononcé sur les intérêts civils, mis les parents des prévenus hors de cause et déclaré l'Etat, pris en la personne du

préfet de la Drôme, responsable par substitution aux membres d...

CASSATION PARTIELLE SANS RENVOI sur le pourvoi formé par l'Etat, pris en la personne du préfet de la Drôme, partie intervenante, contre l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble, chambre spéciale des mineurs, du 13 avril 1992, qui, dans les poursuites exercées contre Y..., Z..., A... et B... pour viol aggravé, contre C..., D... et E... pour attentats à la pudeur avec contrainte, violence ou surprise et en réunion et contre F... pour omission d'empêcher un crime, a prononcé sur les intérêts civils, mis les parents des prévenus hors de cause et déclaré l'Etat, pris en la personne du préfet de la Drôme, responsable par substitution aux membres de l'enseignement public.
LA COUR,
Vu les mémoires ampliatif et additionnel produits ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des article 2 et 593 du Code de procédure pénale, 1384, alinéas 4, 6, 7 et 8 du Code civil, et 2 de la loi du 5 avril 1937 :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a jugé que les enseignants avaient commis une faute consistant en un défaut de surveillance, a déclaré l'Etat, pris en la personne du préfet de la Drôme, civilement responsable, et a condamné ce dernier in solidum avec Y..., Z..., B..., A..., D..., E..., C... et F... à payer à Mme G..., administratrice légale de sa fille mineure X..., la somme de 50 000 francs ;
" aux motifs que le voyage retour Paris-Valence s'est effectué de nuit et dans un wagon à compartiments, que les deux enseignants, MM. K... et L..., s'étaient isolés avec le jeune fils de M. L..., qu'il s'agissait d'enfants " à problème " et que X... et deux de ses compagnes avaient consommé un demi-litre de " Pastis " ; que compte tenu du déroulement des événements et de l'exiguïté des lieux, il apparaît peu probable que l'attention des enseignants n'ait pas été attirée par le bruit à la suite du premier incident, la victime ayant déclaré " voyant que je ne peux me dégager, je crie assez fort pour être entendue des compartiments voisins, ce qui effraie les garçons " ; qu'il est certain qu'après cette première scène, au moment où X..., en complet état d'ivresse, vomissait tant dans le compartiment que dans le couloir du wagon, M. K... est intervenu et, après avoir demandé à la mineure si elle désirait des soins et attendu quelques instants, est rentré dans son compartiment ; que le viol a été commis peu après, alors que X..., de nouveau prise de nausées, était allée respirer dans le couloir ; qu'il est manifeste que l'un et l'autre des accompagnateurs ont failli à leur devoir de surveillance dans la mesure où, s'agissant de préadolescents difficiles livrés à eux-mêmes dans des compartiments fermés, ils devaient renforcer la surveillance de sorte d'éviter tout " dérapage " ;
" alors que l'action en responsabilité exercée contre l'Etat substitué aux membres de l'enseignement public est portée devant le tribunal de grande instance ou le juge du tribunal d'instance du lieu où le dommage a été causé ; que la cour d'appel ne pouvait statuer sur une demande formée devant le tribunal pour enfants, juridiction d'exception relevant d'un ordre distinct " ;
Et sur le moyen de cassation relevé d'office, pris de la violation des articles 2 du Code de procédure pénale et 1384, alinéas 6 et 8, du Code civil, en ce que la juridiction pénale a prononcé sur la faute de surveillance des enseignants de nature à engager leur responsabilité civile du fait des infractions :
Les moyens étant réunis ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que la responsabilité civile résultant des articles 1384, alinéas 6 et 8 du Code civil n'existe à l'égard des instituteurs que dans la mesure où une faute d'imprudence ou de négligence, nécessairement distincte de celles reprochées aux mineurs délinquants, peut être prouvée contre eux conformément au droit commun ;
Que la juridiction répressive, saisie de l'action publique du fait des infractions commises par les seuls mineurs, n'est pas compétente pour statuer sur l'action civile fondée sur les fautes imputées par la victime aux instituteurs chargés de leur surveillance ;
Attendu, en outre, qu'il résulte de l'article 2 de la loi du 5 avril 1937 que seuls les tribunaux judiciaires de droit commun sont compétents pour connaître des actions en responsabilité exercées contre l'Etat, substitué aux membres de l'enseignement public ;
Attendu qu'il résulte des pièces de procédure que le lycée de Die (Drôme) a organisé un voyage scolaire en région parisienne pour les élèves des classes de 4e et 3e technologiques, sous la conduite de deux enseignants ; que lors du trajet de retour effectué de nuit en train, dans une voiture à compartiments, X..., qui avec deux autres camarades avait acheté de l'alcool à la gare à l'insu de ses professeurs, et se trouvait en état d'ivresse, a été victime d'agressions sexuelles commises par plusieurs élèves ;
Que, sur les poursuites exercées contre ces derniers, mineurs de seize ans, devant le tribunal pour enfants, la mère de la victime s'est constituée partie civile en sa qualité d'administratrice légale des biens de sa fille et a notamment demandé à l'Etat, substitué aux membres de l'enseignement public, la réparation du dommage causé par les élèves qui leur étaient confiés, sur le fondement de l'article 2 de la loi du 5 avril 1937 ;
Que la juridiction du second degré, retenant une faute de surveillance à la charge des deux enseignants, a condamné l'Etat à indemniser la victime, in solidum avec les prévenus mineurs, définitivement déclarés coupables des faits poursuivis ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors, d'une part, que la juridiction pénale ne pouvait statuer sur la responsabilité civile de tiers à raison de fautes qu'ils avaient personnellement commises et, d'autre part, que les tribunaux pour enfants ne sont pas des juridictions de droit commun, la cour d'appel, chambre spéciale des mineurs, a excédé ses pouvoirs et méconnu les principes ci-dessus rappelés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens de cassation proposés ;
CASSE ET ANNULE, l'arrêt de la Cour d'appel de Grenoble, chambre spéciale des mineurs, en date du 13 avril 1992, mais seulement en ce qu'il a condamné l'Etat, comme responsable par substitution aux membres de l'enseignement public, à des réparations civiles envers X... ;
Et attendu qu'il ne reste plus rien à juger par les juridictions répressives ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 92-83250
Date de la décision : 12/11/1997
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° RESPONSABILITE CIVILE - Civilement responsable - Instituteur - Infraction commise par son élève - Incompétence de la juridiction répressive.

1° ACTION CIVILE - Fondement - Faute personnelle - Condamnation - Personne autre que le prévenu (non).

1° La responsabilité civile résultant des articles 1384, alinéas 6 et 8, du Code civil n'existe à l'égard des instituteurs que dans la mesure où une faute d'imprudence ou de négligence, nécessairement distincte de celles reprochées aux mineurs délinquants, peut être prouvée contre eux conformément au droit commun. La juridiction répressive, saisie de l'action publique du fait des infractions commises par les seuls mineurs, n'est pas compétente pour statuer sur l'action civile fondée sur les fautes imputées par la victime aux instituteurs chargés de leur surveillance(1).

2° ACTION CIVILE - Recevabilité - Membre de l'enseignement public (instituteur) - Substitution de la responsabilité de l'Etat - Etat défendeur à l'action civile - Juridictions de droit commun.

2° MINEUR - Tribunal pour enfants - Action civile contre l'Etat substitué aux membres de l'enseignement public (instituteur) - Irrecevabilité.

2° Il résulte de l'article 2 de la loi du 5 avril 1937 que seuls les tribunaux judiciaires de droit commun sont compétents pour connaître des actions en responsabilité exercées contre l'Etat, substitué aux membres de l'enseignement public. Tel n'est pas le cas des tribunaux pour enfants.


Références :

1° :
2° :
Code civil 1384 al. 6 et 8
Loi du 05 avril 1937

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 13 avril 1992

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1970-06-11, Bulletin criminel 1970, n° 200, p. 485 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1986-12-03, Bulletin criminel 1986, n° 366, p. 953 (cassation) ;

Chambre criminelle, 1990-11-07, Bulletin criminel 1990, n° 370, p. 937 (cassation partielle) ;

Chambre criminelle, 1990-06-21, Bulletin criminel 1990, n° 256, p. 658 (cassation), et les arrêts cités.

Cf. Ch. mixte, 1.76-04-23, Bulletin criminel 1976, n° 123, p. 302 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 12 nov. 1997, pourvoi n°92-83250, Bull. crim. criminel 1997 N° 385 p. 1291
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1997 N° 385 p. 1291

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Culié
Avocat général : Avocat général : M. Le Foyer de Costil.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Ferrari.
Avocat(s) : Avocat : la SCP Vincent et Ohl.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1997:92.83250
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