REJET du pourvoi formé par :
- X... Marcel,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 27 septembre 1996 qui, pour fraude fiscale, l'a condamné à 15 mois d'emprisonnement avec sursis et 50 000 francs d'amende, a ordonné la publication et l'affichage de la décision, et a prononcé sur les demandes de l'administration des Impôts, partie civile.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et 14-7 du Pacte de New York, en ce que l'arrêt attaqué a condamné Marcel X... à une peine d'emprisonnement de 15 mois avec sursis, à 50 000 francs d'amende et ordonné la publication dudit arrêt attaqué au Journal officiel, ainsi que son affichage pendant une période de 3 mois sur les panneaux destinés aux publications officielles de la ville de Strasbourg aux frais du demandeur :
" aux motifs que l'opportunité de l'application des stipulations de l'article 6 précité de la Convention européenne des droits de l'homme en matière de pénalités pour manoeuvres frauduleuses infligées par l'administration fiscale à un contribuable relève dans notre système juridique français de la juridiction administrative qui est seule juge de l'impôt et qui est, dès lors, seule compétente pour qualifier "d'accusations pénales" les majorations d'imposition appliquées par l'Administration en cas de manoeuvres frauduleuses ; qu'en second lieu, aux termes des stipulations de l'article 14-7 du pacte international aux droits civils et politiques ouverts à la signature à New York le 19 décembre 1966 et entré en vigueur à l'égard de la France le 4 février 1981 : " nul ne peut être poursuivi ou puni en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de chaque pays ; que cette règle connue également par le principe général de notre droit non bis in idem s'impose à notre juridiction ; que pour en bénéficier, il appartient à Marcel X... de démontrer qu'il fait l'objet en l'espèce, d'une deuxième poursuite pénale pour des faits pour lesquels il a déjà été condamné ; qu'il revient par essence à la juridiction pénale de connaître et réprimer les infractions pénales telles que celles commises par le prévenu, prévues et réprimées ... par les dispositions du Code général des impôts ; que cette compétence ne saurait ... être déniée à la juridiction répressive au profit d'une Administration qui n'a, en principe, aucune compétence en matière pénale ; que si Marcel X... considère que, compte tenu de l'application par l'administration fiscale de majorations pour manoeuvres frauduleuses, le pacte de New York et la règle non bis in idem ont été méconnus, il lui appartient de saisir, s'il s'y croit fondé, la juridiction administrative qui est seule compétente, ... pour qualifier lesdites pénalités et pour se prononcer sur la violation du pacte et de la règle susvisée ;
" alors que les sanctions en majorations d'impôt qui ne tendent pas à la réparation pécuniaire d'un préjudice, mais qui visent à punir pour empêcher la réitération d'agissements semblables, constituent des sanctions pénales au sens de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'une telle qualification s'impose de droit à toutes les juridictions de l'ordre juridictionnel français, tant administratives que répressives, qui doivent ainsi, lorsqu'elles sont saisies, procéder à ladite qualification ; que l'assimilation des sanctions fiscales punitives aux sanctions pénales est un principe général qui ne résulte pas de décisions ponctuelles du juge de l'impôt ; que l'arrêt attaqué, qui a énoncé que la juridiction administrative était seule compétente pour qualifier "d'accusations pénales" les majorations d'imposition appliquées par l'administration en cas de manoeuvres frauduleuses, a donc violé l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme " ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et 14-7 du Pacte de New York en ce que l'arrêt attaqué a condamné Marcel X... à une peine d'emprisonnement de 15 mois avec sursis ainsi qu'à une amende de 50 000 francs au titre des faits dont il a été reconnu coupable :
" aux motifs que l'opportunité de l'application des stipulations de l'article 6 précité de la Convention européenne des droits de l'homme en matière de pénalités pour manoeuvres frauduleuses infligées par l'administration fiscale à un contribuable relève dans notre système juridique français de la juridiction administrative qui est seule juge de l'impôt et qui est, dès lors, seule compétente pour qualifier "d'accusations pénales" les majorations d'imposition appliquées par l'administration en cas de manoeuvres frauduleuses ; qu'en second lieu, aux termes des stipulations de l'article 14-7 du pacte international aux droits civils et politiques ouverts à la signature à New York le 19 décembre 1966 et entré en vigueur à l'égard de la France le 4 février 1981 : " nul ne peut être poursuivi ou puni en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de chaque pays ; que cette règle connue également par le principe général de notre droit non bis in idem s'impose à notre juridiction ; que pour en bénéficier, il appartient à Marcel X... de démontrer qu'il fait l'objet en l'espèce, d'une deuxième poursuite pénale pour des faits pour lesquels il a déjà été condamné ; qu'il revient par essence à la juridiction pénale de connaître et réprimer les infractions pénales telles que celles commises par le prévenu, prévues et réprimées... par les dispositions du Code général des impôts ; que cette compétence ne saurait... être déniée à la juridiction répressive au profit d'une administration qui n'a, en principe, aucune compétence en matière pénale ; que si Marcel X... considère que, compte tenu de l'application par l'administration fiscale de majorations pour manoeuvres frauduleuses, le pacte de New York et la règle non bis in idem ont été méconnus, il lui appartient de saisir, s'il s'y croit fondé, la juridiction administrative qui est seule compétente, ..., pour qualifier lesdites pénalités et pour se prononcer sur la violation du pacte et de la règle susvisée ;
" alors que l'article 4 du protocole n° 7 additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme interdit formellement les doubles poursuites au sujet d'une même infraction ; qu'il résulte de l'assimilation des sanctions fiscales punitives aux sanctions pénales, que ledit article 4 interdit l'application cumulative des sanctions fiscales et des sanctions pénales pour fraude fiscale et manoeuvres frauduleuses ; que l'arrêt attaqué, qui a constaté que Marcel X... s'était déjà vu infliger par l'administration fiscale des pénalités pour manoeuvres frauduleuses prévues aux articles 1728 et suivants du Code général des impôts et qui pourtant a cumulativement prononcé à l'encontre de ce dernier de nouvelles sanctions pénales portant sur des faits déjà sanctionnés pénalement, a donc violé l'article 4 du protocole n° 7 additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme " ;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et 14-7 du Pacte de New York en ce que l'arrêt attaqué a condamné Marcel X... à une peine d'emprisonnement de 15 mois avec sursis ainsi qu'à une amende de 50 000 francs au titre des faits dont il a été reconnu coupable :
" aux motifs que l'opportunité de l'application des stipulations de l'article 6 précité de la Convention européenne des droits de l'homme en matière de pénalités pour manoeuvres frauduleuses infligées par l'administration fiscale à un contribuable relève dans notre système juridique français de la juridiction administrative qui est seule juge de l'impôt et qui est, dès lors, seule compétente pour qualifier "d'accusations pénales" les majorations d'imposition appliquées par l'administration en cas de manoeuvres frauduleuses ; qu'en second lieu, aux termes des stipulations de l'article 14-7 du pacte international aux droits civils et politiques ouverts à la signature à New York le 19 décembre 1966 et entré en vigueur à l'égard de la France le 4 février 1981 : " nul ne peut être poursuivi ou puni en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de chaque pays ; que cette règle connue également par le principe général de notre droit non bis in idem s'impose à notre juridiction ; que pour en bénéficier, il appartient à Marcel X... de démontrer qu'il fait l'objet en l'espèce, d'une deuxième poursuite pénale pour des faits pour lesquels il a déjà été condamné ; qu'il revient par essence à la juridiction pénale de connaître et réprimer les infractions pénales telles que celles commises par le prévenu, prévues et réprimées... par les dispositions du Code général des Impôts ; que cette compétence ne saurait... être déniée à la juridiction répressive au profit d'une administration qui n'a, en principe, aucune compétence en matière pénale ; que, si Marcel X... considère que compte tenu de l'application par l'administration fiscale de majorations pour manoeuvres frauduleuses, le pacte de New York et la règle non bis in idem ont été méconnus, il lui appartient de saisir, s'il s'y croit fondé, la juridiction administrative qui est seule compétente,..., pour qualifier lesdites pénalités et pour se prononcer sur la violation du pacte et de la règle susvisée ;
" alors que, l'application de l'article 4 du protocole n° 7 additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ne saurait être écartée du fait de la réserve dont le Gouvernement français avait assorti la ratification ; que cette réserve n'est, en effet, pas conforme aux stipulations de l'article 14-7 du Pacte de New York relatif aux droits civils et politiques ratifié par la France ; que, conformément à l'article 55 de la Constitution, il faut considérer que, contraire au Pacte de New York, ladite réserve est privée de tout effet ; qu'ainsi, l'article 4 du protocole n° 7 additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme doit s'appliquer et s'imposer pleinement aux juridictions françaises ; que l'arrêt attaqué, qui a refusé d'appliquer les stipulations de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, et celles de son protocole additionnel n° 7, dont son article 4 pleinement applicable en France malgré la réserve dont le Gouvernement français avait assorti la ratification, a donc violé par refus d'application l'article 4 du Protocole n° 7 additionnel de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, et l'article 14-7 du Pacte de New York relatif aux droits civils et politiques, ces deux articles étant en tous points semblables " ;
Sur le quatrième moyen de cassation pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et 14-7 du Pacte de New York en ce que l'arrêt attaqué a condamné Marcel X... à une peine d'emprisonnement de 15 mois avec sursis ainsi qu'à une amende de 50 000 francs au titre de faits dont il a été reconnu coupable :
" aux motifs que l'opportunité de l'application des stipulations de l'article 6 précité de la Convention européenne des droits de l'homme en matière de pénalités pour manoeuvres frauduleuses infligées par l'administration fiscale à un contribuable relève dans notre système juridique français de la juridiction administrative qui est seule juge de l'impôt et qui est, dès lors, seule compétente pour qualifier "d'accusations pénales" les majorations d'imposition appliquées par l'administration en cas de manoeuvres frauduleuses ; qu'en second lieu, aux termes des stipulations de l'article 14-7 du pacte international aux droits civils et politiques ouverts à la signature à New York le 19 décembre 1966 et entré en vigueur à l'égard de la France le 4 février 1981 : " nul ne peut être poursuivi ou puni en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de chaque pays ; que cette règle connue également par le principe général de notre droit non bis in idem s'impose à notre juridiction ; que pour en bénéficier, il appartient à Marcel X... de démontrer qu'il fait l'objet en l'espèce, d'une deuxième poursuite pénale pour des faits pour lesquels il a déjà été condamné ; qu'il revient par essence à la juridiction pénale de connaître et réprimer les infractions pénales telles que celles commises par le prévenu, prévues et réprimées... par les dispositions du Code général des impôts ; que cette compétence ne saurait... être déniée à la juridiction répressive au profit d'une administration qui n'a, en principe, aucune compétence en matière pénale ; que, si Marcel X... considère que compte tenu de l'application par l'Administration fiscale de majorations pour manoeuvres frauduleuses, le pacte de New York et la règle non bis in idem ont été méconnus, il lui appartient de saisir, s'il s'y croit fondé, la juridiction administrative qui est seule compétente,..., pour qualifier lesdites pénalités et pour se prononcer sur la violation du pacte et de la règle susvisée ;
" alors que l'article 14-7 du Pacte de New York, que la France a ratifié sans réserve, interdit formellement les doubles sanctions réprimant une même infraction ; que les sanctions fiscales pour manoeuvres frauduleuses doivent être qualifiées de sanctions pénales au sens du Pacte de New York ; qu'il résulte donc de cette assimilation des sanctions fiscales punitives aux sanctions pénales que ledit article 14-7 interdit formellement l'application cumulative des sanctions fiscales punitives et des sanctions pénales pour fraude fiscale et manoeuvre frauduleuses ; que l'arrêt attaqué qui a constaté que Marcel X... s'était déjà vu infliger par l'administration fiscale, des pénalités pour manoeuvres frauduleuses prévues aux articles 1728 et suivants du Code général des impôts et qui pourtant a cumulativement prononcé à l'encontre de ce dernier de nouvelles sanctions pénales portant sur des faits déjà sanctionnés pénalement, a donc violé l'article 14-7 du Pacte de New York " ;
Les moyens étant réunis,
Attendu que Marcel X... a été cité directement devant la juridiction correctionnelle, par le ministère public, sur plainte des services fiscaux et après avis conforme de la Commission des infractions fiscales, sur le fondement des articles 1741 et 1743 du Code général des impôts, pour avoir omis de tenir la comptabilité et d'établir les déclarations de TVA ou catégorielles auxquelles il était astreint en raison de ses différentes activités de libraire, de marchand de biens et de gérant de sociétés ;
Que, sans contester la matérialité des faits, qui lui étaient reprochés, Marcel X... a fait valoir que, s'étant déjà vu infliger, dans des conditions, selon lui, contestables, des pénalités fiscales dans le cadre de la procédure administrative de redressement, sur le fondement des articles 1728 et 1729 du Code général des impôts, il ne pouvait, sans violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 14.7 du Pacte de New York, faire l'objet, à raison des mêmes faits, de sanctions pénales ;
Attendu que, pour écarter les conclusions du prévenu et, après l'avoir reconnu coupable des infractions visées à la prévention, le condamner à diverses peines d'emprisonnement et d'amende, les juges du fond observent, que, compte tenu de la répartition des compétences juridictionnelles existant en droit interne entre l'ordre administratif et l'ordre judiciaire, il ne leur appartient pas d'apprécier si la prérogative reconnue à l'administration fiscale d'infliger des pénalités sur le fondement des articles 1728 et 1729 précités est exercée dans des conditions conformes aux dispositions de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Que les juges ajoutent que, quand bien même de telles pénalités revêtiraient un caractère de sanctions " quasi-pénales ", impliquant le droit d'en contester l'application devant un tribunal impartial, leur prononcé dans le cadre d'une procédure administrative ne fait pas obstacle à l'application ultérieure, à l'occasion de poursuites correctionnelles, des peines prévues par les articles 1741 et 1743 du Code général des impôts, en cas de fraude fiscale et d'omission d'écritures comptables ;
Attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, abstraction faite de tous autres erronés mais surabondants, et dès lors, au demeurant, que les poursuites pénales du chef de fraude fiscale, qui visent à réprimer des comportements délictueux tendant à la soustraction à l'impôt, ont une nature et un objet différents de ceux des poursuites exercées par l'administration, dans le cadre du contrôle fiscal, qui tendent au recouvrement des impositions éludées, la cour d'appel a fait l'exacte application des textes visés aux moyens et justifié sa décision ;
Qu'en effet, si, aux termes de l'article 14, paragraphe 7, du Pacte international relatifs aux droits civils et politiques, introduit dans l'ordre juridique français par l'effet conjugué de la loi du 25 juin 1980, qui en a autorisé la ratification, et du décret du 29 janvier 1981, qui en a ordonné la publication, " nul ne peut être poursuivi ou puni en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi ou à la procédure pénale de son pays ", cette règle ne trouve à s'appliquer que dans le cas où une même infraction pénale, ayant déjà donné lieu à un jugement définitif de condamnation ou d'acquittement, ferait l'objet d'une nouvelle poursuite et, le cas échéant, d'une condamnation devant ou par une juridiction répressive ;
Que, si cette règle, visée par l'article 4 du protocole n° 7, additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est entrée dans l'ordre juridique interne par suite de la publication de ce texte le 24 janvier 1989, elle n'est applicable, selon les réserves faites par la France en marge de ce protocole, que pour les infractions relevant en droit français de la compétence des tribunaux statuant en matière pénale ;
Qu'ainsi, aucune de ces dispositions conventionnelles n'interdit le prononcé de sanctions fiscales parallèlement aux sanctions infligées par le juge répressif ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.