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05/11/1997 | FRANCE | N°95-18322

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 05 novembre 1997, 95-18322


Sur les deux moyens, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 16 mai 1995), que la commune de Toulon ayant notifié à M. X..., le 27 juillet 1970, sa décision de faire démolir l'immeuble dont il était propriétaire en vertu d'un arrêté d'interdiction d'habiter du 6 juillet 1970 ultérieurement annulé par un jugement du 28 avril 1972, a pris possession de l'immeuble le 1er août 1970, a démoli le bâtiment, a procédé à la réalisation d'ouvrages publics et a inclus le terrain dans l'emprise de la voie publique ; que les consorts X..., venus aux droits de M.

X..., décédé en septembre 1970, ont assigné la commune de Toulon en paie...

Sur les deux moyens, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 16 mai 1995), que la commune de Toulon ayant notifié à M. X..., le 27 juillet 1970, sa décision de faire démolir l'immeuble dont il était propriétaire en vertu d'un arrêté d'interdiction d'habiter du 6 juillet 1970 ultérieurement annulé par un jugement du 28 avril 1972, a pris possession de l'immeuble le 1er août 1970, a démoli le bâtiment, a procédé à la réalisation d'ouvrages publics et a inclus le terrain dans l'emprise de la voie publique ; que les consorts X..., venus aux droits de M. X..., décédé en septembre 1970, ont assigné la commune de Toulon en paiement d'une indemnité pour la valeur de l'immeuble ainsi que d'une indemnité d'occupation ;

Attendu que la commune de Toulon fait grief à l'arrêt de rejeter l'irrecevabilité tirée de la prescription quadriennale opposée à la demande, alors, selon le moyen, 1o que lorsque le terrain, objet d'une emprise irrégulière ou d'une voie de fait, est incorporé à la voie publique, la prescription quadriennale tendant à obtenir réparation du préjudice subi du fait de cette emprise irrégulière commence à courir le jour de l'incorporation à la voirie communale des terrains qui ne sont plus restituables de sorte que doit être déclarée prescrite l'action engagée plus de 4 ans après cette incorporation ; qu'en s'attachant à la date de fixation de l'indemnité sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée par les conclusions de la commune et des consorts X..., si le terrain n'avait pas été incorporé à la voie publique dès la prise de possession de la commune, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles 1er de la loi du 31 décembre 1968 et 141-3 du Code de la voirie routière ; 2o que la créance du propriétaire d'un immeuble au titre de la perte des revenus est, par nature, mobilière de sorte que la prescription a commencé à courir le 1er janvier de l'année suivant celle de la prise de possession irrégulière par la commune et non à compter de l'annulation de l'arrêté d'interdiction d'habiter ; que l'indemnité réclamée à raison des pertes de loyers devrait être demandée au plus tard le 31 décembre de la quatrième année suivant celle de l'année de la dépossession et qu'ainsi la cour d'appel a violé l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 ; 3o qu'à supposer même que l'arrêté portant interdiction d'habiter puisse avoir une quelconque influence sur la prescription quadriennale de la demande d'indemnité concernant la perte de revenus, la prescription avait commencé à courir à compter du 1er janvier 1973, le jugement rendu le 28 avril 1972 par le tribunal administratif de Nice étant devenu définitif, pour se terminer le 31 décembre 1976, de sorte que l'action des consorts X... était prescrite en 1986 ; que, pour en avoir décidé autrement, la cour d'appel a violé les articles 1er et 2 de la loi du 31 décembre 1968 ; 4o que si l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968 dispose que la prescription ne court pas contre le créancier qui peut légitimement être regardé comme ayant ignoré l'existence de sa créance, il est essentiel que le juge recherche la date à laquelle les demandeurs à l'indemnité ont connu leur droit de créance ; qu'en se bornant à énoncer que la mise en oeuvre de la procédure n'apparaissait pas excessivement tardive sans rechercher jusqu'à quelle date les consorts X... avaient pu légitimement ignorer leur créance, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968 ;

Mais attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, relevé que le fait pour l'Administration d'avoir pris possession du bien sans avoir effectué de procédure d'expropriation et sans l'accord du propriétaire puis d'entreprendre des travaux de démolition constituait une voie de fait, la cour d'appel, qui a retenu que le préjudice pouvait être calculé comme en matière d'expropriation et qu'il convenait d'ajouter à l'indemnité de dépossession, le préjudice de jouissance jusqu'au jour du payement de l'indemnité à partir duquel l'Administration sera légitimement en possession de l'immeuble et qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a retenu, à bon droit, que la prescription quadriennale ne pouvait jouer tant que les droits réels auxquels il avait été porté atteinte n'avaient pas été remplacés par une créance, c'est-à-dire tant que l'autorité judiciaire n'avait pas fixé l'indemnité due par la collectivité publique ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 95-18322
Date de la décision : 05/11/1997
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

SEPARATION DES POUVOIRS - Voie de fait - Atteinte à des droits réels - Dommage - Indemnité - Fixation - Prescription quadriennale - Application - Condition .

PRESCRIPTION CIVILE - Applications diverses - Prescription quadriennale - Point de départ - Fixation - Condition

Ayant relevé que le fait pour l'Administration d'avoir pris possession d'un immeuble sans avoir effectué de procédure d'expropriation et sans l'accord du propriétaire puis d'entreprendre des travaux de démolition constituait une voie de fait, une cour d'appel a retenu, à bon droit, que la prescription quadriennale ne pouvait jouer tant que les droits réels auxquels il avait été porté atteinte n'avaient pas été remplacés par une créance, c'est-à-dire tant que l'autorité judiciaire n'avait pas fixé l'indemnité due par la collectivité publique.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 16 mai 1995


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 05 nov. 1997, pourvoi n°95-18322, Bull. civ. 1997 III N° 197 p. 133
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1997 III N° 197 p. 133

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Beauvois .
Avocat général : Avocat général : M. Sodini.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Masson-Daum.
Avocat(s) : Avocats : Mme Baraduc-Bénabent, la SCP Urtin-Petit et Rousseau-Van Troeyen.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1997:95.18322
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