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28/10/1997 | FRANCE | N°94-43792

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 octobre 1997, 94-43792


Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 15 juin 1994), M. X..., engagé le 6 octobre 1975 en qualité d'agent technique électronicien par la société General electric CGR, aux droits de laquelle se trouve la société General Electric Medical Systems, entreprise soumise à la convention collective de la métallurgie, ayant pour objet la fabrication et la vente d'appareils électroniques et d'imagerie médicale, est devenu technicien de maintenance générale ; qu'entré au service de la même société en cette dernière qualité le 1er novembre 1977, M. Y... est devenu chef du servi

ce après-vente ; que le contrat de travail de chacun des deux salari...

Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 15 juin 1994), M. X..., engagé le 6 octobre 1975 en qualité d'agent technique électronicien par la société General electric CGR, aux droits de laquelle se trouve la société General Electric Medical Systems, entreprise soumise à la convention collective de la métallurgie, ayant pour objet la fabrication et la vente d'appareils électroniques et d'imagerie médicale, est devenu technicien de maintenance générale ; qu'entré au service de la même société en cette dernière qualité le 1er novembre 1977, M. Y... est devenu chef du service après-vente ; que le contrat de travail de chacun des deux salariés contenait une clause de non-concurrence s'appliquant pendant 2 ans et sur le territoire de la France métropolitaine aux appareils de la catégorie de ceux fabriqués et vendus par la société ; que, le 19 octobre 1990, les deux salariés ont présenté leur démission ; que, le 29 novembre 1991, la société CGR a saisi la juridiction prud'homale pour faire constater qu'ils n'avaient pas respecté la clause de non-concurrence et pour les faire condamner au paiement de dommages-intérêts et au remboursement de l'indemnité contractuelle qui leur avait été versée ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société General Electric Medical Systems, venant aux droits de la société CGR, fait grief à l'arrêt d'avoir dit que la clause de non-concurrence insérée dans les contrats de travail de MM. Y... et X... était nulle et de l'avoir, en conséquence, déboutée de ses demandes tendant à voir chacun de ses anciens salariés condamné à lui payer une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice qu'elle a subi en suite de la violation de cette clause de non-concurrence, alors, selon le moyen, que la clause de non-concurrence limitée dans le temps est valable dès lors qu'elle permet au salarié de conserver la possibilité d'exercer ses activités correspondant à sa formation et à son expérience professionnelle ; que la clause de non-concurrence insérée dans le contrat de travail des deux salariés était limitée dans le temps et aux seules spécialités exercées par la société CGR ; qu'en énonçant que des spécialistes en électronique ne pouvaient plus exercer normalement leurs activités dans un domaine autre que le domaine médical pour annuler la clause de non-concurrence, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu que les juges du fond ont relevé que l'application de la clause litigieuse, étendue à l'ensemble du territoire métropolitain, aurait pour résultat de faire perdre aux deux salariés, âgés de 40 ans environ et ayant toujours travaillé depuis leur entrée dans la vie active dans le secteur de la radiologie, le bénéfice de 15 ans ou plus d'expérience professionnelle ou de les obliger à s'expatrier hors d'Europe pour retrouver un emploi conforme à leur formation et aux connaissances qu'ils avaient acquises ; qu'ils ont pu décider que cette clause portait atteinte à la liberté du travail des intéressés et qu'elle était donc nulle ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société General Electric Medical Systems fait aussi grief à l'arrêt de l'avoir, en suite de l'annulation des clauses de non-concurrence insérées dans les contrats de MM. Y... et X..., déboutée de sa demande en restitution des indemnités de non-concurrence versées à ces salariés, alors, selon le moyen, d'une part, que tout ce qui a été versé en vertu d'une obligation annulée est sujet à répétition ; que les juges du fond ont déclaré nulles les clauses de non-concurrence insérées dans les contrats de travail de MM. Y... et X... ; qu'en estimant néanmoins que l'indemnité qui a été versée à ces salariés ne devait pas être restituée à la société CGR, en suite de l'annulation des clauses de non-concurrence, au motif inopérant qu'il n'était pas établi que les salariés aient enfreint ladite clause, la cour d'appel a violé l'article 1376 du Code civil ; alors, d'autre part, que l'objet du litige est déterminé par les prétentions des parties ; que les salariés se sont bornés à invoquer la nullité des clauses de non-concurrence insérées dans leur contrat de travail sans invoquer la responsabilité de leur employeur du fait de leur prétendue exécution des clauses de non-concurrence entachées de nullité ; qu'en déboutant néanmoins la société CGR de sa demande en restitution des indemnités versées aux salariés en exécution des clauses nulles, au motif que cette annulation ne pouvait pas porter préjudice aux salariés, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige, violant l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, enfin, qu'il incombait aux salariés, pour faire obstacle à la demande de restitution des indemnités de non-concurrence versées en exécution des clauses nulles, de démontrer qu'ils avaient exécuté ces clauses nulles et subi un préjudice du fait de cette exécution ; qu'en se bornant à énoncer, pour débouter la société CGR de sa demande en restitution, qu'il n'est pas démontré que les salariés n'aient pas respecté les clauses de non-concurrence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1315 et 1382 du Code civil ;

Mais attendu que, sans modifier les termes du litige ni inverser la charge de la preuve, la cour d'appel a énoncé à juste titre que, faute par lui de démontrer que les deux salariés avaient violé la clause litigieuse pendant les 2 années durant lesquelles elle s'était effectivement appliquée avant que la nullité n'en soit judiciairement constatée, l'employeur n'était pas fondé à solliciter la restitution des sommes versées au titre de la contrepartie financière de l'obligation qui avait été respectée ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 94-43792
Date de la décision : 28/10/1997
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

1° CONTRAT DE TRAVAIL - RUPTURE - Clause de non-concurrence - Nullité - Clause portant atteinte à la liberté du travail - Constatations suffisantes.

1° Une clause de non-concurrence, étendue à l'ensemble du territoire métropolitain, dont l'application a pour résultat de faire perdre à deux salariés, âgés de 40 ans environ et ayant toujours travaillé depuis leur entrée dans la vie active dans le secteur de la radiologie, le bénéfice de 15 ans ou plus d'expérience professionnelle ou de les obliger à s'expatrier hors d'Europe pour retrouver un emploi conforme à leur formation et aux connaissances qu'ils ont acquises, porte atteinte à la liberté du travail des intéressés, et est donc nulle.

2° CONTRAT DE TRAVAIL - RUPTURE - Clause de non-concurrence - Indemnité de non-concurrence - Restitution - Conditions - Nullité de la clause - Portée.

2° L'employeur qui ne démontre pas que les salariés avaient violé la clause de non-concurrence contenue dans leur contrat de travail pendant les 2 années durant lesquelles elle s'était effectivement appliquée avant que la nullité n'en soit judiciairement constatée, n'est pas fondé à solliciter la restitution des sommes versées au titre de la contrepartie financière de l'obligation qui a été respectée.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 15 juin 1994

A RAPPROCHER : Chambre commerciale, 1988-11-15, Bulletin 1988, IV, n° 304, p. 205 (rejet)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 oct. 1997, pourvoi n°94-43792, Bull. civ. 1997 V N° 342 p. 245
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1997 V N° 342 p. 245

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gélineau-Larrivet .
Avocat général : Avocat général : M. Chauvy.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Desjardins.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Ghestin, M. Le Prado.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1997:94.43792
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