CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- la compagnie d'assurance L'Equité, partie intervenante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse, 3e chambre, en date du 30 mai 1996, qui, dans les poursuites exercées contre Raoul X... pour homicides et blessures involontaires par manquement délibéré à une obligation de sécurité ou de prudence, a, après condamnation du prévenu, prononcé sur l'action civile.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Nathalie Y..., qui circulait au volant d'une automobile donnée en location par la société " Quadri La Terre ", a perdu le contrôle de son véhicule qui a effectué plusieurs tonneaux ; que deux des passagers sont décédés des suites de cet accident, la conductrice ainsi que deux autres passagers étant blessés ;
Que, le véhicule présentant des défauts techniques, Raoul X..., gérant de la société bailleresse, a été poursuivi pour homicides et blessures involontaires par manquement délibéré à une obligation de sécurité et de prudence ; qu'il a été relaxé par le tribunal qui, sur l'action civile, a fait droit à la demande de la compagnie L'Equité, assureur du véhicule, tendant à voir déclarer les victimes irrecevables en leurs constitutions de partie civile ;
Que, sur les appels du ministère public, des parties civiles et de l'assureur, partie intervenante, la cour d'appel a, par l'arrêt attaqué, infirmé cette décision et déclaré le prévenu coupable des délits poursuivis ;
En cet état ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 1134 du Code civil, R. 211-8 du Code des Assurances, 1er à 6 de la loi du 5 juillet 1985, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a été déclaré opposable à la compagnie d'assurances L'Equité y compris en ce qui concerne Nathalie Y... ;
" aux motifs qu'en vertu des articles 1er à 6 de la loi du 5 juillet 1985, le prévenu, propriétaire ou gardien du véhicule et son assureur L'Equité doivent indemniser ces victimes des dommages qu'elles ont subis, y compris en ce qui concerne la conductrice, Nathalie Y..., dans la mesure où se trouve établie comme en l'espèce, une faute de ce propriétaire ou gardien ;
" alors que l'assureur ne doit sa garantie que dans la mesure établie par la police ; que dès lors, la police (n° 3 300 500) souscrite par la société Quadri La Terre ne couvrant précisément, ainsi que le faisait valoir la compagnie L'Equité, que la responsabilité civile accidents aux tiers illimitée, c'est-à-dire les dommages subis par des tiers, en déclarant la compagnie L'Equité tenue en qualité d'assureur de la société Quadri La Terre d'indemniser la conductrice du véhicule, Nathalie Y..., assurée au sens du contrat, la Cour a violé les textes visés au moyen " ;
Sur la recevabilité contestée du moyen ;
Attendu que, contrairement à ce qui est allégué en défense, l'assureur, qui a soulevé, avant toute défense au fond, l'irrecevabilité de l'action civile au motif que l'accident, survenu avant l'entrée en vigueur de la loi du 5 juillet 1985, relevait de la législation sur les accidents du travail, n'a pas conclu au fond devant le tribunal ;
Que, la discussion sur l'étendue de la garantie due par l'assureur étant subordonnée à la recevabilité préalable de l'action civile des victimes, c'est à bon droit que les juges d'appel se sont prononcés sur l'exception de non-garantie invoquée par la compagnie l'Equité au lieu de lui opposer l'irrecevabilité édictée par l'article 385 du Code de procédure pénale ; que le moyen, qui critique les motifs par lesquels il se sont prononcés sur l'exception, est, dès lors, recevable ;
Sur le fond ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que le juge pénal, saisi d'une exception présentée en application de l'article 385-1 du Code de procédure pénale, ne peut lorsque les termes du contrat d'assurance sont clairs et précis, dénaturer les obligations qui en résultent, ni modifier les stipulations qu'il renferme ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la compagnie l'Equité, assureur du véhicule donné en location par le prévenu, a, subsidiairement mais avant toute défense au fond, dénié sa garantie quant aux dommages subis par la conductrice, au motif que le contrat souscrit ne garantissait que les dommages causés aux tiers ; que, pour rejeter cette exception, la cour d'appel relève que l'assureur doit indemniser les victimes, y compris la conductrice du véhicule, dans la mesure où la faute du propriétaire du véhicule assuré est, comme en l'espèce, établie ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que le contrat d'assurance souscrit couvrait non la responsabilité civile professionnelle du loueur mais le risque obligatoire prévu à l'article L. 211-1 du Code des assurances, qui ne concerne que les dommages causés aux tiers à l'occasion de la conduite d'un véhicule, dans les limites fixées par l'article R. 211-8 du même Code, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;
Que le cassation est, dès lors, encourue, de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse, en date du 30 mai 1996, mais seulement en ce qu'il a rejeté l'exception de non-garantie invoquée par la compagnie d'assurance l'Equité, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi, dans la limite de la cassation ainsi prononcée ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Agen.