REJET du pourvoi formé par :
- X... Henriette,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 9e chambre correctionnelle, en date du 10 octobre 1996, qui, pour abus de confiance, l'a condamnée à 6 mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les réparations civiles.
LA COUR,
Vu le mémoire produit en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 406 et 408 de l'ancien Code pénal en vigueur au moment des faits, 121-3 et 314-1 du nouveau Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Henriette X... coupable d'abus de confiance ;
" aux motifs, propres à la Cour, que l'agence de voyages Magtour avait fait l'objet le 1er décembre 1989 d'une mesure de retrait de son agrément IATA par les autorités de tutelle puis, le 26 novembre 1990 d'une procédure de redressement judiciaire convertie le 10 décembre 1990 en liquidation judiciaire, la date de cessation des paiements étant alors fixée au 26 mai 1990 ;
" qu'en émettant des titres de transport au profit d'une agence de voyages qui était en redressement judiciaire, Henriette X... a pris le risque de ne pouvoir représenter à son mandat la compagnie Air France, le produit de la revente des titres de transport ;
" que la prévenue ne peut utilement prétendre, pour s'exonérer de sa responsabilité pénale, avoir été dans l'ignorance de la situation réelle de l'agence Magtour ;
" qu'en effet, il lui appartenait en qualité de mandataire de la compagnie Air France, de s'assurer que Magtour présentait une solvabilité suffisante pour lui permettre d'honorer ses engagements envers son mandat ;
" qu'en s'abstenant de procéder à de telles vérifications, elle a sciemment pris le risque de causer un préjudice à la compagnie Air France ;
" et au motif, adopté des premiers juges, qu'à supposer que la pratique consistant pour les agences de voyages à obtenir des titres de transport pour le compte de confrères ne disposant pas de l'agrément de l'association internationale du transport aérien IATA soit répandue, elle n'en constitue pas moins une faute délibérée de la part de la prévenue, le détournement frauduleux étant suffisamment caractérisé par l'impossibilité de restituer les sommes représentant les billets frauduleusement obtenus dans ces conditions et négociés hors agence ;
" alors que, d'une part, le délit d'abus de confiance prévu par l'article 408 de l'ancien Code pénal et par l'article 314-1 du nouveau Code pénal suppose, pour être constitué, que l'auteur ait eu la volonté de détourner la chose confiée ce qui exclut qu'un prévenu puisse être déclaré coupable de ce délit parce qu'en raison d'une simple imprudence ou négligence, il n'a pu remplir ses engagements envers son cocontractant ; que dès lors, en l'espèce, où il résulte seulement des constatations des juges du fond que la prévenue a remis les billets d'avion qui lui avaient été confiés par la partie civile, à une agence de voyages non titulaire de l'agrément IATA sans avoir au préalable vérifié sa solvabilité, ce qui, en raison de la mise en liquidation judiciaire de cette société lui avait interdit d'en remettre le prix à sa cocontractante, les juges du fond ont violé le texte sus visé en faisant application pour sanctionner pénalement une simple imprudence exclusive de tout détournement résultant d'une volonté consciente de contredire les droits de la partie civile qui n'alléguait même pas avoir contractuellement interdit à la prévenue de confier la vente des billets à une autre agence dépourvue de l'agrément IATA ;
" alors que, d'autre part, l'article 121-3 du nouveau Code pénal applicable en l'espèce en vertu de l'article 112-1 dudit Code, excluant en principe l'existence de tout crime ou délit quand l'auteur n'a pas eu l'intention de le commettre, la Cour a violé ce texte en se fondant sur l'existence d'une simple négligence de la prévenue, pour la déclarer coupable d'abus de confiance " ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme qu'Henriette X..., président du conseil d'administration de la société Norman's Travel Service, qui s'était engagée par contrat à vendre des billets de transport de la compagnie Air France et à en représenter périodiquement le prix, a été dans l'impossibilité de respecter ses engagements pour les billets vendus pendant les mois de janvier et février 1991 ;
Qu'elle a fait valoir que la carence de l'agence de voyage Magtour qui n'avait pu lui rembourser le prix des billets de transport qu'elle lui avait cédés pour la somme de 804 896 francs, l'avait seule empêchée d'honorer ses engagements, sans qu'il y ait eu intention frauduleuse de sa part ;
Attendu que, pour rejeter ses conclusions, la cour d'appel énonce, qu'en s'abstenant de vérifier, comme elle en avait l'obligation, la solvabilité de l'agence de voyage Magtour, alors que cette dernière avait fait l'objet le 1er décembre 1989 du retrait d'agrément de l'Association internationale du transport aérien (IATA), puis le 26 novembre 1990 d'une procédure de redressement judiciaire avec une date de cessation des paiements fixée au 26 mai 1990, la prévenue avait sciemment pris le risque de ne pouvoir représenter à son mandant, la compagnie Air France, le produit de la revente des titres de transport, et de lui causer ainsi un préjudice ;
Attendu qu'en cet état, et dès lors que la demanderesse a disposé des titres de transport comme des siens propres, dans des conditions dont elle devait prévoir qu'elles l'empêcheraient de les rendre ou d'en restituer la valeur à son mandant, la cour d'appel a caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit d'abus de confiance dont elle l'a déclarée coupable ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.