Attendu que Mme X... a été employée par Mme Y... en qualité d'assistante maternelle agréée, du 17 juillet 1989 au 3 avril 1992, date à laquelle l'employeur lui a notifié le retrait de la garde de son enfant, à compter du 6 avril suivant, avec paiement de son salaire durant les 15 jours de préavis ; que, prétendant, d'une part, qu'à partir du 1er janvier 1991, la caisse d'allocations familiales a versé directement à l'URSSAF, sous forme d'aide à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée (AFEAMA), les cotisations salariales la concernant et, d'autre part, que la rupture de son contrat de travail était abusive, elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes en remboursement des retenues sur salaire effectuées par l'employeur au titre des cotisations salariales et en paiement de dommages-intérêts pour rupture abusive ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme X... fait grief au jugement de l'avoir déclarée mal fondée en sa demande de remboursement des cotisations salariales retenues sur son salaire, alors, selon le moyen, que le premier juge a violé un principe du droit civil, par une interprétation des textes administratifs dépassant sa compétence ; que, depuis le 1er janvier 1991, la CAF verse directement à l'URSSAF, au titre de l'AFEAMA, les cotisations sociales patronales et salariales ; que Mme Y... prétend que les cotisations salariales sont versées à l'URSSAF sous réserve que l'employeur puisse continuer de les prélever sur le salaire brut du salarié à seule fin de les conserver à son bénéfice ; qu'en épousant l'interprétation donnée au texte par les organismes sociaux pour privilégier l'allocataire, le premier juge a oublié qu'il statuait en matière prud'homale sur un conflit entre un employeur et son salarié, soumis aux principes du droit du travail ; que sur cette question, l'Administration a eu des positions fluctuantes, opérant au cours de 1992 un revirement, en excipant d'un tiers payant et de la volonté du législateur d'alléger les charges de la famille-employeur pour conseiller à cette famille-employeur de prélever, pour son propre compte et à son bénéfice, des sommes équivalentes à ce précompte sur le salaire de son employée ; que cette nouvelle position administrative ne peut qu'être critiquée ; qu'en contrepartie de l'ouvrage contractuellement défini, tout salarié reçoit un salaire (" brut ") et tous les prélèvements qui figurent ensuite ne sont licites et opposables au salarié que si les organismes à qui ils sont versés détiennent un titre de créance ; qu'en aucun cas l'employeur ne peut effectuer, pour le compte d'autrui ou pour son compte personnel, le moindre prélèvement s'il n'est pas justifié par une créance détenue sur le salarié par autrui ou par lui-même ; qu'en l'espèce, l'employeur ne détient aucune créance sur le salarié, quelles que soient ses prétentions puisque les organismes sociaux ne sont pas partie prenante au contrat de travail de droit privé et n'ont plus de titre de créance ; que c'est en cultivant la confusion induite par l'ACOSS entre " précompte " et " retenue " que l'employeur retient des sommes baptisées cotisations sociales salariales bien qu'il ne les reverse pas à l'organisme au bénéfice duquel il prétend les retenir ; qu'en droit le paiement direct de la CAF à l'URSSAF des cotisations sociales salariales exonère le salarié concerné de la créance que détient normalement l'URSSAF sur lui, et la retenue patronale ne peut donc s'analyser que comme une rétention illicite sur de l'argent appartenant déjà au salarié qui l'a gagné par son travail ; que le juge prud'homal n'a pas compétence pour se substituer à la juridiction administrative qui, seule, peut juger de la pertinence de l'interprétation qui peut être faite de la loi qui a modifié le Code de la sécurité sociale et de tous les documents administratifs qui n'ont pas valeur réglementaire en droit privé ; qu'il ne saurait faire obstacle à l'application des principes protecteurs du droit du travail dont est garante la juridiction prud'homale qui a compétence pour constater que la CAF paie bien à l'URSSAF les cotisations sociales salariales au même rythme que les employeurs, c'est-à-dire à chaque trimestre échu ; qu'en conséquence, en matière d'obligations, l'URSSAF ne détient plus de créance sur le salarié ;
que l'employeur n'a donc pas de titre pour la prélever pour son compte et que, dès lors, ce prélèvement entrant dans sa poche, n'a pas qualité de cotisations sociales même si son montant correspond à celui du précompte ; que s'il n'a pas qualité de " cotisations sociales " ce prélèvement est indu puisque son existence n'est justifiée ni par une réglementation qui pourrait l'imposer au salarié sans cette qualité, ni par une créance personnelle du salarié, ni par une clause contractuelle ; qu'en ayant fait l'économie de considérer cette réalité objective sous l'angle des principes de droit ouvrier dont il est garant dans le cadre de sa compétence prud'homale, le premier juge a donc violé la loi et privé sa décision de base légale ;
Mais attendu qu'après avoir rappelé que l'article L. 841-1 du Code de la sécurité sociale institue, au profit du ménage ou de la personne employant une assistante maternelle, une aide dont le montant est égal à celui des cotisations patronales et salariales dues pour l'emploi de cette assistante maternelle, le conseil de prud'hommes a décidé à bon droit que cette aide à la famille ne bénéficie qu'à l'employeur, ainsi libéré de l'obligation d'acquitter les cotisations sociales, le salarié conservant la charge du prélèvement des cotisations salariales sur sa rémunération en application de l'article L. 243-1 du même Code ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article L. 773-8 du Code du travail ;
Attendu que si le droit de retrait d'un enfant ouvert par ce texte aux particuliers employant des assistantes maternelles peut s'exercer librement, le motif de ce retrait ne doit pas être illicite ;
Attendu que, pour débouter Mme X... de sa demande en paiement de dommages et intérêts, le jugement relève que le retrait a été décidé en raison d'une réclamation formulée par l'intéressée concernant son salaire ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'une telle réclamation constituait l'exercice d'un droit, le conseil de prud'hommes a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande en paiement de dommages et intérêts, le jugement rendu le 10 novembre 1993, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Bordeaux ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Libourne.