Sur le moyen unique :
Attendu, selon le jugement attaqué (conseil de prud'hommes de Dax, 13 avril 1995), qu'une grève, précédée d'un préavis déposé le 2 décembre 1993, a été suivie par des salariés de la société GTP Transports routiers, faute par eux d'avoir obtenu la suppression de la prime qui leur était attribuée en fonction du chiffre d'affaires réalisé et son remplacement par un autre système de rémunération ; qu'un procès-verbal de fin de conflit a été signé le 17 décembre 1993, prévoyant le non-paiement de 8/26e de mois de salaire au titre des heures de grève ; que M. X... et 44 autres salariés grévistes ont engagé une instance prud'homale pour obtenir le paiement de la fraction des salaires perdue en raison de la grève, en soutenant que celle-ci trouvait son origine dans une faute de l'employeur ;
Attendu que la société GTP fait grief au jugement de l'avoir condamnée à payer à 45 salariés grévistes des salaires correspondant à une période de grève, alors, selon le moyen, d'une part, qu'en décidant que, par principe, une prime liée au chiffre d'affaires incitait les salariés à méconnaître les règles régissant la durée du travail, et plus spécialement les temps de conduite, sans s'expliquer sur son mode de calcul et vérifier s'il incitait ou non les salariés à se soustraire aux règles régissant la durée du travail et les temps de conduite, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles L. 521-1 du Code du travail, 9 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 et 14 de l'annexe 1 " ouvriers " de la Convention collective nationale des transports routiers ; alors, d'autre part, qu'il est exclu qu'un manquement grave et délibéré à ses obligations puisse être imputé à l'employeur dès lors que celui-ci s'est borné à faire application d'un usage prévoyant une prime, peu important que cette prime fût ou non licite ; qu'à cet égard le jugement a été rendu en violation des articles 1134 du Code civil et L. 521-1 du Code du travail ; et alors, enfin, que, faute d'avoir relevé que le comportement de l'employeur révélait un manquement non seulement grave, mais encore délibéré à ses obligations, les juges du fond ont, en tout état de cause, privé leur décision de base légale au regard des articles 1134 du Code civil, L. 521-1 du Code du travail et 14 de l'annexe 1 " ouvriers " de la Convention collective nationale des transports routiers ;
Mais attendu, d'abord, que les juges du fond ont relevé à juste titre que la prime litigieuse était illicite, en ce qu'elle incitait les salariés, dont la rémunération était proportionnelle au chiffre d'affaires réalisé, à dépasser la durée normale de travail et les temps de conduite autorisés, contrairement aux prescriptions de l'article 9 de la loi d'orientation des transports routiers du 30 décembre 1982 et de l'article 14 de l'annexe 1 de la Convention collective nationale des transports routiers ;
Et attendu, ensuite, qu'ils ont constaté que s'il avait accepté de diminuer le montant de la prime, dont les salariés avaient justement dénoncé l'illicéité, l'employeur persistait à en refuser la suppression totale et que les négociations qui avaient été ouvertes depuis le mois d'octobre 1992 n'avaient abouti à aucun résultat ; qu'ils ont ainsi fait ressortir que cet employeur avait manqué de manière grave et délibérée à ses obligations et que son refus injustifié avait créé pour les salariés une situation contraignante, telle qu'ils s'étaient trouvés obligés de cesser le travail pour obtenir que les dispositions légales et conventionnelles précitées soient respectées ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.